Chère Justice brésilienne, Je t’adresse cette lettre aujourd’hui depuis mon statut de simple étranger. Je ne me permettrais pas normalement de juger un autre pays du point de vue de ma culture, cela serait incorrect. Je ne me permettrais pas de juger un pays qui m’accueille dans l’une de ses meilleures universités. Je me permets de t’envoyer cette lettre car une personne homosexuelle a été retrouvée morte non loin de mon quartier. Le lieu de son décès, ce lieu magique, je le fréquentais chaque semaine, et il est maintenant assombri. L’enquête de ce meurtre n’aura pas lieu. La famille de la victime préférant de ne pas ébruiter l’homosexualité de son fils.
Selon Adriana Galvão, présidente de la commission de diversité sexuelle de l’ordre des avocats du Brésil (Comissão de Diversidade Sexual da Ordem dos Advogados do Brasil), en 2017, on comptabilise une augmentation de 20 %
des agressions contre les personnes LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres). En 2016, plus de 343 personnes sont mortes à cause de leur homosexualité ou de leur changement de genre. Parmi eux, une grande partie de transsexuels, 40 %. Cette communauté est déjà durement touchée par un rejet familial et une entrée difficile dans le monde du travail. Selon Rede Trans Brasil, plus de 64 transsexuels ont essayé de se donner la mort au Brésil cette année.
En 2015, l’association Disque 100 recevait près de 2000 dénonciations d’agressions homophobes. Pourtant, ce motif est peu présent sur les plaintes en raison d’une honte de la victime et du manque de législation pour ce type de crimes.
Ta réponse, toi Justice, n’a pas été celle à laquelle nous nous attendions. Le 15 septembre dernier, contre l’avis de l’ordre des Psychologues et des Psychiatres, le juge Waldemar Cláudio de Carvalho a décidé de légaliser la populairement appelée « cura gay » (traduction : « remède gay »). Ce jugement ne vient pas remettre en question la décision de l’ordre des médecins qui interdit les traitements pour guérir l’homosexualité. La décision autorise seulement les organismes qui le souhaitent à faire la promotion de ces cures. Le juge a estimé que l’État n’avait pas à intervenir – ou à censurer – certaines pratiques.
Votre jugement n’est pas le seul à détruire la communauté LBGT dans le pays. Dans le même temps, le « caso Queermuseu » est apparu. Dans un centre culturel de Porto Alegre, dans l’État du Rio Grande do Sul, une exposition, dans un centre culturel, nommée Queermuseu – Cartografias da Diferença na Arte Brasileira a été censurée suite à de violentes critiques. On reprochait à l’exposition d’être en faveur de la pédophilie et de la zoophilie. L’exposition voulait célébrer la diversité sexuelle et culturelle mais a viré au calvaire. Dans un même temps le politicien Jair Bolsonaro, candidat à l’élection présidentielle de 2018, continue comme il le fait depuis 2011 à critiquer ouvertement la communauté homosexuelle. Sa « cure » est plus directe : la violence physique jusqu’au changement d’orientation sexuelle.
Mais je n’ai pas perdu espoir ! Je me refuse à résumer le Brésil à un pays homophobe. Pour cela il n’y a qu’à voir le mouvement de soutien à la communauté LGBT qui a eu lieu suite à tous ces événements. Par un filtre sur leurs photos de profil Facebook, de nombreuses personnes ont montré leur attachement à la lutte pour l’égalité. Des manifestations ont aussi eu lieu dans le pays pour dénoncer ces mesures politiques.
Toi-même, Justice, tu as permis de grands pas en avant avec la légalisation du mariage gay le 14 mai 2013 et plus récemment, en mai dernier la possibilité pour les personnes transsexuelles de changer de sexe administrativement plus rapidement et sans avoir à changer de sexe auparavant.
Je n’exige rien de toi Justice, je n’en ai ni la légitimité ni le pouvoir. Mais je veux faire passer cet écho d’une communauté qui ne veut pas plus de droits mais seulement que l’on respecte ceux qui devraient leur être légitimement accordés.
Un Français.
Daniel Martins
capmag@capmagellan.org
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