André Ventura et le salut fasciste
Même si le Portugal a un premier-ministre d’origine indienne, il demeure un pays raciste. On se rappelle notamment de Claúdia Simões. Selon son témoignage, elle serait montée dans un bus avec sa fille, qui n’avait pas sa carte avec elle. Le chauffeur aurait arrêté le bus pour appeler un agent de la PSP qui aurait fait un usage excessif de la force. Pour SOS Racismo, « Quelles que soient les circonstances qui ont conduit à l’intervention de la PSP, tout citoyen a droit à son intégrité physique et à sa dignité. »
Une manifestation a été organisée le 27 juin, à Lisbonne, par le parti d’extrême-droite Chega. Lors de celle-ci,également promue par le néo-nazi Mário Machado, le leader de Chega s’est fait photographier le bras tendu tel le salut fasciste.
Un racisme multipartite
Ceci dit, Chega est loin d’être l’unique parti d’incubation d’une élite politique tenant des propos racistes. Alors qu’une grande partie de la presse portugaise montre son inquiétude quant à la montée de l’extrême-droite avec Chega, elle tend parfois à oublier cela.
Avant de fonder Chega, M. Ventura a été député et candidat à la mairie de Loures pour le PSD. Il affirmait d’ores et déjà que « Les Roms vivent presque exclusivement de subventions de l’Etat. » Le PSD n’avait pas fait de vagues concernant les propos alors déjà racistes de M. Ventura.
Malgré une éclosion plus tardive, Chega s’inscrit dans un courant idéologique bien particulier et son émergence suit une tendance internationale soit-disant « anti-système. »
L’étiquette d’extrême-droite peut porter un discrédit, renvoyant à l’idéologie raciste, à l’Europe des heures sombres de l’histoire et au Portugal des temps du régime corporatiste autoritaire de l’ « État Nouveau ». Il y a donc au Portugal une extrême-droite devenue beaucoup plus légaliste et qui tente de ne pas se faire appeler extrême-droite.
Le Portugal, un pays accueillant ?
M. Ventura avait invité les leaders du PSD, du CDS-PP et d’Iniciativa Liberal à se joindre à la manifestation.Pour le président du CDS-PP, Francisco Rodrigues dos Santos, « il est clair pour tous les Portugais que nous ne sommes pas un pays raciste, car nous sommes un peuple très accueillant », assure-t-il.
Mais tout va bien, dans la mesure où M. Rodrigues dos Santos suppose que « des cas isolés de racisme peuvent seproduire au Portugal » ; tout va bien, le seul parti raciste serait Chega.
Les racines de ce racisme « à la portugaise » se trouvent notamment dans la propagande salazariste qui visait la légitimation des colonies. Il y a une mystification du passé colonial qui s’opère dans le Portugal contemporain, affirmant une soit-disant particularité de la relation du Portugal avec ses ex-colonies. Or, le racisme, le système de domination esclavagiste, la terreur, sont indéniables.
C’est en nous éclairant quant aux fondements racistes qui proviennent de la dictature salazariste que le Portugal pourra évoluer, et non pas en criant à plein poumon que « le Portugal n’est pas un pays raciste.
La statue d’António Vieira, à Lisbonne, a été vandalisée à un moment où d’autres statues évoquant le passé colonial ont subi le même sort. Le mot « décolonise » y a été peint en rouge.
Pour M. Rebelo de Sousa, il ne s’agit pas de « détruire l’histoire », mais « de faire en sorte que l’histoire soit dorénavant différente. » « Détruire le patrimoine ne sert à rien (…) le débat sur le racisme ne peut pas passer par là. »
Si l’Église catholique a été l’un des principaux acteurs de la colonisation et son influence contemporaine dans la prise de décisions politiques peut être questionnée, vandaliser la statue d’António Vieira est insensé selon le Bloc de gauche ; il s’agirait d’ « un acte visant à discréditer le mouvement antiraciste » car la vie de ce jésuite portugais a été marquée par la défense des peuples indigènes au Brésil au XVIIe siècle.
Lydia Brès
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