J’avais la situation en main, mon seul souci, c’était de garder la peur dans mes yeux en signe de respect. Ce n’était pas le moment de démontrer de la confiance, je ne pouvais surtout pas laisser échapper ce sourire narquois qui me vient à chaque fois que je comprends que toute la tension que je vois devant moi n’aboutira à rien. »
Voici un aperçu d’une des treize nouvelles du recueil « Le soleil sur ma tête » du jeune auteur brésilien Martins Geovani publié en 2018 au Brésil. Encensé par la critique de son pays, le recueil a été depuis lors traduit en 9 langues et, depuis octobre 2019, en français !
Le jeune écrivain nous plonge grâce au regard de ses personnages dans les favelas de Rio de Janeiro. La périphérie devient le centre et leurs regards façonnent, construisent et nous permettent de voir leur monde dans toutes ses contradictions et subtilités. L’écriture de chacune des nouvelles s’adapte à la bouche de son personnage, à la situation racontée, à son rythme. Martins Geovani a cette capacité de passer d’un registre de langue à un autre, de la dextérité d’une langue orale, urbaine jeune et marquée par le jargon d’un territoire, à un langage plus formel mais d’une fluidité toute aussi élégante.
La grande force de l’auteur tient également à sa capacité d’empathie, une justesse sans artifices qui nous montre et fait sentir avec le fumeur de crack, le consommateur de cannabis, le tagueur acrobate, la vieille dame adepte de la macumba, l’enfant émerveillé face à un papillon ou encore le flic corrompu. Le lecteur semble suivre les personnages grâce à une caméra embarquée, ils sont racontés presque à la façon d’un documentaire, sans filtre, une voix-off peut-être, celle de l’écrivain qui nous livre leur pensée pour mieux les appréhender. Nous ne sommes pas là dans la mystification ou l’affabulation. Martins Geovani a choisi de conter son lieu de vie; La justesse et la sensibilité qui se dégagent de ces nouvelles ont sûrement un rapport, entre autre, avec ce lien.
Sous sa plume, Rio de Janeiro et ses favelas sont des lieux de vie à la diversité égale au nombre de personnes y vivant … Plusieurs mondes s’y observent, se croisent, souvent ne se parlent pas et se méfient mortellement. À l’image de la nouvelle « Spirale », chassé-croisé qui se termine mal, impressionnante de tension, qui dévoile au lecteur la violence latente portée par les à priori entre classes sociales. Des à priori d’un cynisme glaçant qui mènent fréquemment à un cruel dénouement.
Les histoires contées sont celles du quotidien, banales mais aussi merveilleuses … D’une violence brutale, sous-jacente ou d’une grande tendresse. Elles racontent les rêves, les projets, les frustrations, les galères et parfois les victoires … en somme la vie !
« Le soleil sur ma tête » de Martins Geovani
Édition Gallimard – Traduction de Mathieu Dosse
Mylène Contival – capmag@capmagellan.org
Vues : 32