Dans le cadre de l’année croisée France – Portugal, Michaël Cousteau et Bruno Belthoise ont conçu un programme qui a été choisi pour le concert inaugural de la saison croisée et se tiendra le 11 février 2021 à la Philharmonie de Paris. Il valorisera le patrimoine musical commun de la France et du Portugal et mettra en perspective le « lien humain et culturel exceptionnel tissé entre nos deux pays ». Il répond à la volonté de « créations originales associant des Français et des Portugais ». Résolument tourné vers l’avenir, il valorise les jeunes compositeurs et donne toute la place à la notion de parité. Il propose deux créations, l’une d’une compositrice portugaise et l’autre d’un compositeur français d’aujourd’hui : Anne Victorino d’Almeida et Benjamin Attahir. Leurs œuvres sont nourries d’une inspiration franco – lusophone et témoignent de la grande vivacité de la création contemporaine des deux pays. Enfin, ce programme sollicite deux solistes français et portugais : Bruno Bethoise, sans doute le plus portugais des pianistes français et Raquel Camarinha, la plus française des jeunes sopranos portugaises.
Benjamin Attahir, Bruno Belthoise, Raquel Camarinha et Anne Victorino d’Almeida : quatre artistes réunis par le chef d’orchestre Michael Cousteau pour un programme musical inédit qui honore la France et le Portugal à travers deux créations et deux œuvres majeures du répertoire des immenses Maurice Ravel et Fernando Lopes-Graça. L’Orchestre de Picardie inaugure à la Philharmonie de Paris la tournée de concerts pour lesquels la soprano Raquel Camarinha a écrit et interprétera un texte mêlant français et portugais sur une création du compositeur de Benjamin Attahir. Le pianiste français Bruno Belthoise, grand défricheur de la musique portugaise, créera, lui, une œuvre de la jeune et talentueuse compositrice portugaise Anne Victorino d’Almeida, dont l’énergie rythmique fait référence au concerto pour piano de Maurice Ravel. Enfin, la Sinfonietta de Fernando Lopes-Graça sera mise en regard avec la musique intégrale du ballet Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel sous la direction de Michael Cousteau. Un dialogue paritaire et intergénérationnel.
Cap Magellan a eu l’opportunité de réaliser une interview à Bruno Belthoise et Michael Cousteau :
CAP MAGELLAN : Qu’est-ce que “Portugal Rêvé” ? Comment a été lancé ce projet ?
MICHAËL COUSTEAU : Pour ma part, j’ai déjà participé y a quelques années à une Saison Croisée France-Roumanie. Ces années croisées sont des opportunités extraordinaires pour découvrir l’autre et sortir des sentiers battus. Je me suis adressé à Bruno Belthoise, le spécialiste français de la musique portugaise. Nous avons confectionné le projet ensemble en cherchant tout d’abord deux œuvres de référence des répertoires français et portugais. Nous avons donc choisi pour ouvrir le concert la Sinfonieta de Fernando Lopes-Graça, l’un des plus grands compositeurs portugais du XXème siècle, que je ne connaissais pas. Et, en fin de concert, Ballet Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel qui est l’un de ses chefs d’œuvres. Comme nous voulions aussi valoriser la création contemporaine de nos deux pays, nous avons eu l’idée de demander à la compositrice portugaise Anne Victorino d’Almeida que Bruno connaissait de lui écrire un concerto pour piano et à un compositeur français, Benjamin Attahir, d’écrire pour la soprano portugaise Raquel Camarinha pour laquelle il avait déjà composé d’autres pièces sur des textes de poètes lusophones. Voilà la genèse de ce programme où les deux créations font en partie référence à l’univers de Maurice Ravel. Le premier concert aura lieu à la Philharmonie de Paris, à la Cité de la Musique, avec l’Orchestre de Picardie, en ouverture de la Saison Croisée, vendredi 11 février prochain, puis nous redonnerons ce programme à Madère, avec l’Orquestra da Madeira le 19 février, le 7 mai à Lisbonne avec l’Orquestra Metropolitana de Lisboa et le 25 juin avec l’Orquestra Clássica do Centro à Coimbra.
« Participer à l’année France-Portugal était une évidence mais aussi une nécessité : seuls ce type d’événements permettent de sortir des sentiers battus et découvrir l’autre » Michael Cousteau.
BRUNO BELTHOISE : Pour ma part, j’ai déjà participé y a quelques années à une Saison Croisée France-Roumanie. Ces années croisées sont des opportunités extraordinaires pour découvrir l’autre et sortir des sentiers battus. Je me suis adressé à Bruno Belthoise, le spécialiste français de la musique portugaise. Nous avons confectionné le projet ensemble en cherchant tout d’abord deux œuvres de référence des répertoires français et portugais. Nous avons donc choisi pour ouvrir le concert la Sinfonieta de Fernando Lopes-Graça, l’un des plus grands compositeurs portugais du XXème siècle, que je ne connaissais pas. Et, en fin de concert, Ballet Ma Mère l’Oye de Maurice Ravel qui est l’un de ses chefs d’œuvres. Comme nous voulions aussi valoriser la création contemporaine de nos deux pays, nous avons eu l’idée de demander à la compositrice portugaise Anne Victorino d’Almeida que Bruno connaissait de lui écrire un concerto pour piano et à un compositeur français, Benjamin Attahir, d’écrire pour la soprano portugaise Raquel Camarinha pour laquelle il avait déjà composé d’autres pièces sur des textes de poètes lusophones. Voilà la genèse de ce programme où les deux créations font en partie référence à l’univers de Maurice Ravel. Le premier concert aura lieu à la Philharmonie de Paris, à la Cité de la Musique, avec l’Orchestre de Picardie, en ouverture de la Saison Croisée, vendredi 11 février prochain, puis nous redonnerons ce programme à Madère, avec l’Orquestra da Madeira le 19 février, le 7 mai à Lisbonne avec l’Orquestra Metropolitana de Lisboa et le 25 juin avec l’Orquestra Clássica do Centro à Coimbra.
« Pour cette occasion, il m’a semblé́ très important de commander une œuvre, qui plus est, à une femme compositrice emblématique de la formidable créativité de la scène musicale portugaise
contemporaine » Bruno Belthoise.
MICHAËL COUSTEAU : J’ajoute que le public a peut-être un peu peur de la musique contemporaine. Or, ce qui est intéressant ici, c’est que l’on a deux types d’écritures très différentes. La pièce du concerto pour piano est une écriture souvent très dynamique dans l’esprit du concerto pour piano de Ravel, donc un peu « jazzy » avec au milieu une partie mélancolique très douce. La pièce n’est pas très longue, elle dure 14 minutes. Pour la pièce de Benjamin, le texte chanté propose une langue imaginaire écrite par Raquel Camarinha. C’est un mélange de français et de portugais car cette soprano a un fils à qui elle parle en français et en portugais lorsqu’elle le met au lit. Elle a donc imaginé une mère qui raconte à son fils un conte en mélangeant de nos deux langues. C’est très poétique, cela va beaucoup parler au public. La pièce de Benjamin comporte des références à un célèbre fado dans le texte et dans un rythme de balancement musical qui évoque celui des bateaux dans lesquels les marins s’éloignaient de leur patrie. Cette fameuse mélancolie du fado est née des gens de la mer. On a aussi la référence au conte, puisqu’elle raconte une histoire comme dans les contes de ma Mère l’Oye et on obtient quelque chose d’assez délicat et poétique. On montre ainsi au public que la création contemporaine est variée, que chacun dispose de sa propre langue musicale et de ses modes d’expressions instrumentaux très variés en utilisant l’orchestre de manière différente. Cette pièce ne dure que 13 minutes. Il s’agit donc d’un programme accessible. Un programme conçu avec de nombreuses correspondances entre les œuvres, ce qui est également plutôt rare. Ceci est très important à mes yeux : le spectateur ne doit pas être un simple consommateur de musique. On doit le nourrir aussi intellectuellement.
CAP MAGELLAN : Vous avez mentionné les deux autres collaborateurs de ce projet que sont Benjamin Attahir et Ana Victorino de Almeida. D’où vous est venu l’idée d’intégrer ces deux personnes en particulier au projet ?
BRUNO BELTHOISE : Je connaissais déjà Anne Victorino d’Almeida. C’est une amie de Lisbonne et elle est la fille de António Victorino d’Almeida, grand compositeur né en 1940, qui a beaucoup compté dans l’émancipation de la communication musicale au Portugal. Ana a son caractère propre maintenant et elle compose pour de petits ensembles, comme des musiques de films, etc. Elle est active au Portugal.
MICHAËL COUSTEAU : Pour Benjamin, c’était simple. Benjamin a un peu plus de trente ans et c’est un peu une star. Ses dernières œuvres ont été commandées par de magnifiques orchestres, par exemple l’orchestre de la Staatskapelle Berlin, dirigé par Daniel Barenboim. De plus, il avait déjà travaillé avec cette soprano et déjà écrit deux œuvres en portugais. C’était donc vraiment le compositeur français qu’il fallait aller chercher. Ce qui est d’autant plus important car Anne Victorino d’Almeida a elle aussi une double culture franco-portugaise et a fait une partie de ses études en France. Les deux compositeurs ont donc chacun des affinités avec ces deux cultures. Benjamin dit souvent d’ailleurs que la langue portugaise lui « parle » énormément car c’est une langue très musicale avec des accents toniques très puissants. Par ailleurs, sa musique est souvent orientalisante et inspirée du monde arabe. Et il a découvert qu’il y a beaucoup de mots en portugais qui ont des origines arabes.
CAP MAGELLAN : Pouvez-vous me dire comment Raquel Camarinha a été intégrée à ce projet ?
MICHAËL COUSTEAU : Elle a été intégrée depuis le début. J’ai proposé à Benjamin de travailler avec Raquel. Au début, je pensais qu’ils pouvaient utiliser des poésies portugaises et des poésies françaises. Et finalement, ils ont trouvé cela un peu artificiel et elle a eu cette idée géniale d’imaginer un texte qu’elle a écrit elle-même dans cette langue française et portugaise mélangée.
BRUNO BELTHOISE : L’important pour le projet c’est la présence de la voix qui nous ramène à cette idée de la narration et au style de la confrontation des deux langues. Intégrer la langue permet aux deux langues latines de s’exprimer en même temps à travers une soprano. C’est de l’air frais qui arrive. Mais la langue est aussi génératrice de musique et c’est pour cela que Raquel représente les deux pôles français et portugais.
CAP MAGELLAN : Alors que pour vous monsieur Belthoise, cela fait déjà plusieurs années que la lusophonie fait partie de votre vie, j’aimerais savoir si pour vous monsieur Cousteau, est-ce la première fois que vous vous retrouvez dans un projet en lien avec la lusophonie ?
MICHAËL COUSTEAU : Je suis allé plusieurs fois au Portugal mais pour le plaisir. Alors que pour Bruno, c’est vraiment sa seconde patrie.
BRUNO BELTHOISE : Concordo perfeitamente !
CAP MAGELLAN : Monsieur Belthoise, vous parlez donc le portugais ?
BRUNO BELTHOISE : J’avoue que je n’ai pas perfectionné la langue de manière très littéraire. Je peux lire le portugais, je peux faire des interviews en portugais mais j’ai appris à force de voyager. Je n’ai pas fait une démarche, et c’est dommage mais malheureusement le temps me manquait, pour aller m’inscrire à l’Institut Camões pour perfectionner. Mais d’une certaine manière, je pense que cela s’améliore au fil des années.
CAP MAGELLAN : Monsieur Cousteau, est-ce que le fait de participer à ce projet “Portugal Rêvé” vous donne envie de à l’avenir travailler à nouveaux avec des compositeurs portugais ?
MICHAEL COUSTEAU : Vraiment ! Les Saisons Croisées sont vraiment l’occasion de découvrir de nouvelles cultures. Je vais diriger trois orchestres portugais alors que je n’avais jamais dirigé d’orchestres au Portugal. J’ai découvert, grâce à Bruno, d’autres compositeurs que l’on n’a pas pu programmer cette fois-ci. Donc, évidemment que j’ai très envie de défendre ce répertoire. De plus, comme l’a dit Bruno, en France, le répertoire portugais et notamment le répertoire symphonique, est très peu joué.
BRUNO BELTHOISE : Oh oui, il n’est jamais joué ! Il y a des œuvres contemporaines créées. Mais parmi les grandes œuvres symphoniques comme Luis de Freitas Branco ou Joly Braga Santos, toutes ces œuvres méritent d’être jouées en France un jour par un orchestre.
MICHAËL COUSTEAU : Il y a beaucoup de disques qui sont faits par des orchestres portugais mais que, je sache, aucun orchestre français n’a joué cette musique.
BRUNO BELTHOISE : Non, aucun. Il n’y a que des orchestres étrangers qui l’ont joué. En Irlande, en Hongrie mais pas encore en France.
MICHAËL COUSTEAU : Cette fois, à la Philharmonie, c’est l’orchestre de Picardie qui va jouer. Nous avons proposé cela à un orchestre français. Peut-être que l’année prochaine nous referons quelque chose avec eux. Cette Saison Croisée va susciter beaucoup de rencontres pendant 6 mois et on espère que ces rencontres ne vont pas s’arrêter au bout de ces 6 mois.
CAP MAGELLAN : Comment expliquez-vous le fait que la musique symphonique portugaise ne soit pas très jouée en France ?
BRUNO BELTHOISE : Je pense qu’en France, nous avons un répertoire symphonique important et beaucoup de compositeurs ont composé pour des orchestres. Ce qui est moins le cas en Italie, par exemple, où il s’est surtout agit d’opéras ou dans le répertoire espagnol. D’autre part, il y a des facteurs psychologiques : les Français ne sont pas toujours curieux des nouveaux répertoires, l’Angleterre l’est un peu d’avantage. Mais je pense que cela va changer en France. Ici nous avons aussi tendance à rejouer les mêmes œuvres et l’on a, il est vrai, un extraordinaire répertoire de musique symphonique avec Claude Debussy, Maurice Ravel sans oublier nos romantiques comme Berlioz, Saint – Saëns, Bizet ou le groupe des six avec Poulenc, Milhaud etc. Mais c’est vrai que la particularité du répertoire portugais sur le plan de la musique symphonique c’est que c’est une richesse et une attention particulière pour ce genre-là. Cela vient certainement des relations privilégiées qu’ont commencées à avoir les compositeurs avec des pays symphoniques comme la France. Mais je pense que la fin du XXème siècle, avec notamment la curiosité de Francisco de Lacerda pour la France, de Fernando Lopes-Graça, de compositeurs qui ont aussi eu des liens avec l’Angleterre comme Joly Braga Santos ont fait que la musique symphonique s’est quand même beaucoup développée au Portugal. Ils savaient vraiment écrire pour l’orchestre. Mais pour revenir à cette réticence psychologique que j’évoquais, elle est peut-être aussi liée au fait que beaucoup de français, par le passé, ont rattaché la présence portugaise en France à l’immigration. Ainsi, souvent, l’image des Portugais n’est pas tellement liée à la culture de la musique vivante ou à la musique savante alors que le Portugal est extrêmement raffiné dans tous les domaines, notamment au niveau de l’écriture, de la littérature et de la poésie. Je pense qu’aujourd’hui petit à petit avec sans doute ce qu’on va créer à l’occasion de cette saison croisée, il y aura l’envie d’associer des œuvres françaises et des œuvres portugaises. C’est mon souhait. La rencontre avec Michael est le début d’une aventure de laquelle je rêve depuis longtemps, c’est effectivement d’arriver à placer des œuvres portugaises de qualité à l’intérieur de programme de musique française car je pense que la présence de plus d’un million de portugais en France doit maintenant se traduire à travers d’autres projets. A savoir, pas seulement celui du fado mais aussi celui de la musique vivante très accessible parce qu’il s’agit là de compositeurs qui ont un langage accessible pour tout le monde. C’est le moment d’essayer de le proposer à des orchestres français. Je compte aussi sur la présence des éditeurs de musique de partitions pour arriver à créer une dynamique de communication à l’occasion de cette saison croisée pour venir proposer des œuvres orchestrales aux formations dont on dispose en France. J’essayerai également de travailler sur ce terrain-là avec les éditeurs que je connais.
MICHAËL COUSTEAU : Même à l’intérieur du répertoire français, on a des pièces qu’on a du mal à faire jouer parce que les gens aiment bien entendre ce qu’ils connaissent déjà. Mais si j’arrive à proposer des œuvres portugaises et à les faire accepter, je serai très heureux.
CAP MAGELLAN : Avez-vous des choses à rajouter pour conclure ?
BRUNO BELTHOISE : Puisqu’on a le plaisir de dialoguer avec Cap Magellan que je connais depuis de longues années, j’ai reçu votre magazine pendant de longues années, j’aimerais beaucoup qu’au-delà de ce qu’il y a de passionnant dans la musique actuelle, dans les pratiques contemporaines, dans la musique de variété et dans la musique traditionnelle du fado, on puisse aussi atteindre les lecteurs et tous les passionnés qui suivent l’actualité de Cap Magellan avec un programme comme celui-là. Je pense qu’il y a une grande fierté à venir découvrir une dimension différente de l’expression musicale et j’invite tous les lecteurs et tous les adhérents de Cap Magellan à venir s’intéresser à ce programme.
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