Entre juin et octobre 2011, Susana Moreira Marques, journaliste, va accompagner cette équipe et retourner dans ses villages visités du Nord du Portugal. Naît alors ce livre hybride, en deux parties, qui oscille entre le carnet de bord et les portraits de patients qui sont aux portes de la mort et de leurs proches.
Dans les notes de voyage, l’on retrouve, telles des fulgurances fragmentées, un manuel de survie, des définitions, des souvenirs, des instantanés presque photographiques. Une succession de pensées à la structure aussi fragile que ceux dont l’auteure dresse l’humble portrait mais qui révèlent l’essence-même de ces individus morcelés.
Suivent ces voix qui racontent l’histoire avec un petit h, leur existence tissée d’impressions, d’espoirs, de traditions et de réminiscences. Des entrevues où Moreira Marques, en orfèvre méticuleuse, dévoile avec humanité et pudeur l’éclat de ceux que l’on n’entend pas, dans une terre-île qui est vouée à s’éteindre petit à petit.
Descendante de ces terres, à l’heure où je tente moi-même d’écrire sur le caractère si particulier et unique de ces villages de la région de Miranda do Douro, j’ai été profondément remuée par cet opuscule. Ce récit ébranle. Ce récit bouleverse. Ce récit réveille un amour inconditionnel et un profond respect pour cette terre indomptée, ces gens si universellement humains. Car ces villages sont un microcosme de notre humanité, de notre rapport au monde et à nos origines.
Depuis Miguel Torga, jamais on aura écrit aussi bien sur la région sauvage de Trás-os-Montes. On parle beaucoup de ceux qui ont émigré, de ceux qui sont partis hors du pays pour un avenir meilleur. Mais jamais de ceux qui sont restés. Moreira Marques leur rend ici un magnifique hommage. Ce livre est fait d’instants de grâce où le sublime de la vie se découvre et se dévoile au fil de ces poétiques et intimes récits.
La mort et les fêtes, la mort et la parentalité, la mort et le voyage : la plume de l’auteure ne se veut jamais triste ni désespérée. Au contraire, c’est un émerveillement solaire que l’on savoure fragment après fragment, village après village, au détour d’un olivier ou d’une fontaine en pierre. Un livre qui me marquera longtemps, comme un rappel à se souvenir de chacun de mes morts, et de célébrer chacune des naissances, actuelles ou à venir.
Ana Torres – Cap Magellan 294°
“Maintenant et à l’heure de notre mort”,
Susana Moreira Marques, éditions do,
traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues.
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