Interview avec Henrique Rodrigues, auteur d’ «Au suivant»
20 avril 20181° de Maio, a Festa da(o)s Trabalhadora(e)s
23 avril 2018Eymard est graphiste de formation, elle a fait ses études en Allemagne et a travaillé pendant 10 ans comme artiste graphiste jusqu’au jour où elle a eu des enfants. Elle nous fait découvrir son style d’illustration, le collage, et sa sensibilité envers les problèmes sociaux et écologiques.
Cap Magellan: Comment vous avez découvert cette passion d’écrire et d’illustrer des livres pour enfants?
Eymard Toledo: Quand les enfants étaient petits, j’ai commencé à écrire des histoires brésiliennes pour eux. On allait une fois par an au Brésil, les enfants vivaient ces quelques bons moments-la-bas, dans notre culture, mais ils n’avaient pas cette connexion intense que nous Brésiliens avons! Donc je me suis décidée à écrire des histoires de la région de ma grand-mère: une toute petite ville de l’intérieur de l’Etat de Minas Gerais.
A la maison j’ai aussi toujours aimé dessiner et peindre, puisqu’au Brésil j’avais fait des études d’art. C’est pour ça que j’ai commencé à illustrer les histoires que j’écrivais. Avant toutes les illustrations que je faisais, étaient à la peinture acrylique, et c’étaient, d’habitude, les grand projets. Mais pour mes enfants, j’ai dû réduire les dimensions car l’odeur de la peinture dans le petit appartement où nous habitions était désagréable! Je suis donc passé aux techniques de collage.
En suite c’est une amie qui, en regardant la qualité de mon travail, m’a conseillé de chercher une éditrice!
Malheureusement, le style d’illustration que j’utilise est difficilement accepté par les éditeurs, chacun a sa propre ligne d’illustration. Au début c’est une éditrice suisse qui a publié “Bener” qui raconte l’histoire d’un garçon qui adore le football et sa famille vend des ballons de foot.
CM: toutes vos histoires ont ce caractère social?
E T: Oui, tous les livres ont un rapport avec une situation sociale, comme par exemple le travail des enfants. “Tonton Couture” c’est une alerte à propos de la pollution des rivières brésiliennes, surtout de la région d’où je suis originaire.
Quand je venais de finir le livre, il y a eu le plus grand désastre écologique du Brésil, à Minas Gerais, dans le Rio Doce.
J’avais toujours cru que le travail d’un écrivain terminait quand le livre était envoyé à l’édition. Mais c’est le contraire, c’est là que le vrai travail commence!
Je fais des lectures dans des écoles, bibliothèques, médiathèques, etc. en Allemagne, en Autriche, Suisse et Luxembourg. Normalement j’ai un public d’environ 80 enfants, à chaque lecture. Donc je profite pour leur parler des problèmes écologiques au Brésil, mais aussi dans le reste du monde.
CM: Pourquoi dans vos histoires il y a toujours un lien famille-travail?
ET: C’est une question personnelle. Je vois dans ma famille, avec mes amis, comme c’est difficile de rentrer sur le marché de travail. Au Brésil, les personnes de tout âge travaillent. Le Brésilien travaille tout le temps, sans aucune condition pour gagner trois fois rien. Tu as un boulot maintenant, mais d’un jour à l’autre tu peux le perdre, alors il faut penser: “qu’est-ce que je fais maintenant?” Tonton Couture a fait des rideaux.
Les Brésiliens sont très polyvalents, il faut savoir se débrouiller, être flexible pour chercher une autre solution.
CM: Et l’écologie?
ET: Il y a eu un événement qui m’a beaucoup marquée. J’avais toujours voulu emmener mes enfants à la pêche sur le rio São Francisco comme mon père faisait avec mes frères et moi. Donc nous avons fait la route (très longue) pour arriver au bord de ce fleuve que je n’ai pas reconnu: la petite usine de zinc qui y était installée était 10 fois plus grande.
Nous avons pris le bateau de mon père et nous sommes quand même allés pêcher. Mais je voyais bien que le fond de la rivière n’était pas comme avant: l’eau n’était plus transparente et avait plutôt un air laiteux, même la quantité d’algues avait doublé.
Mes fils ont pêché pendant 4 jours et ont dû attraper 2 poissons! Le restaurant qui préparait le meilleur poisson, à mon époque, était vide.
Au bout de ces 4 jours je me suis décidée à aller voir un pêcheur de l’époque de mon père, Seu Beijo. Il m’a dit qu’il n’y avait plus de poisson dans la rivière depuis longtemps, parce que l’usine a un bassin de déjections et quand il pleut le bassin déborde dans la rivière. Quand cela arrive, deux ou trois jours après, on peut voir plein de poissons morts qui flottent. Les habitant du bord du fleuve récupèrent ces poissons et les mangent.
J’étais tellement terrifiée de cette histoire et sachant que les autorités locales ne feraient rien, puisque tous les habitants de la région travaillent dans l’usine, j’ai décidé d’écrire Tonton Couture.
CM: Comment les enfants réagissent à votre histoire, à celle de Tonton Couture?
ET: Les enfants européens ont beaucoup d’information à propos de l’écologie. Normalement ils arrivent aux lectures déjà préparés, avec toutes les questions qu’ils veulent me poser!
L’année dernière le livre a été publié au Brésil (sous le nom de “Tio Flores”) et cela a été très important pour moi.
L’idée de l’éditeur était d’envoyer le livre à toutes les écoles du Brésil parce qu’il y avait un programme culturel du gouvernement qui faisait ça: il envoyait 150 mil copies d’un livre aux écoles du pays. Malheureusement le gouvernement du Président Temer a coupé ce programme. Ca été un désastre pour Tonton Couture. Aux Brésil, on vend déjà très peu de livres et ceux qui sont vendus sont toujours les titres le plus commerciaux, ce qui n’est pas du tout le profil de Tonton Couture.
CM: En plus du texte, votre illustration est faite de collages. Quel est le matériel que vous utilisez?
ET: J’utilise tout ce que je trouve!!! Mes enfants, quand ils étaient petits et qu’ils trouvaient un papier de bonbon dans la rue, ils le prenaient et me demandaient toujours: “Maman, tu en as besoin?”
Quand je fais des ateliers avec des enfants d’écoles, j’essaye toujours de leur montrer que n’importe quel bout de papier peut être utilisé! Et s’ils ne l’utilisent pas, il y aura toujours quelqu’un qui sera intéressé!
En plus de sa présence au Salon du Livre de Paris, Eymard Toledo a animé un atelier collage pour les enfants des écoles qui son passé par le salon. Voici un des résultats de l’atelier :
Découvrez le livre avec vos enfants :
“Tonton Couture” disponible en vente sur: https://www.anacaona.fr/boutique/jeunesse-bresil-tonton-couture/
Cap Magellan Remercie Eymard Toledo de sa disponibilité pour cette échange.
Florence Oliveira