Encontro com Marco Rodrigues
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24 février 2017Compte rendu des premiers Etats Généraux de la Lusodescendance qui ont eu lieu les 28 et 29 janvier 2017 à la Maison du Portugal, à Paris
Pour fêter ses 25 ans d’engagement dans la promotion de la langue portugaise et des cultures lusophones, Cap Magellan a proposé un week-end de réflexion, avec les Premiers Etats Généraux de la Lusodescendance, qui s’est clôturé par le concert du groupe Resistência au Bataclan. Revenons dans cet article sur ce nouveau réseau et sa dynamique.
Les 28 et 29 janvier dernier, Cap Magellan a organisé les 1ers Etats Généraux de la Lusodescendance (EGL), autour de ce concept porté et dynamisé par l’action de l’association depuis 25 ans. Ce terme s’applique aux descendants des émigrés portugais dans le monde. En France, cette communauté lusodescendante, présente à tous les niveaux de la société française, exprime clairement son désir de visibilité et de reconnaissance, notamment au travers d’une plus grande représentativité citoyenne et d’une promotion accrue de sa double-culture. Mais pour ce faire, quels seraient les thèmes de son engagement ? Où en sont ses réseaux ?
L’idée de ces EGL est venue d’un constat : des personnes ayant les mêmes origines, partageant une même culture, une même langue, une même histoire, sont éparpillées dans différentes terres et régions d’adoption. Ils représentent une incroyable force, qui n’est pas suffisamment mise à profit du fait de cet éloignement géographique ou par simple manque d’organisation. Les capacités de cette communauté de personnes, parfois actives dans des associations ou des établissements d’enseignement, ne sont donc pas utilisées à leur juste mesure, et il en découle un certain gaspillage d’énergie et un manque de représentation. Comment lutter contre cela et tirer meilleure partie de la richesse qu’apporte cette double-culture ? Comme le souligne un adage bien connu, « l’union fait la force ». Cela est donc une évidence que d’opérer un regroupement. En définissant les besoins et les difficultés de chacun et en regroupant les efforts lors d’actions communes, il est possible d’améliorer la situation de ce réseau de structures lusophones et d’ébaucher des solutions aux difficultés rencontrées.
En s’attachant à contacter les associations et structures d’enseignement les plus importantes ou actives (ou motivées !) dans la lusophonie et en les invitant à la Maison du Portugal, à la Cité internationale Universitaire de Paris, les EGL se sont articulés autour de trois thématiques : la promotion de la langue portugaise, l’implication citoyenne et la promotion culturelle via le tourisme et la mémoire.
Cette rencontre s’est conclue par la signature d’une Charte d’engagement, engageant les structures présentes à réaliser localement des actions nationales concrètes pour répondre aux objectifs. Cette Charte intègre les réflexions et suggestions portées lors des ateliers, pendant lesquels, de nombreuses personnes ont pu décrire leur réalité quotidienne.
La première rencontre des Etats Généraux, axée sur la promotion de la langue portugaise, partait du constat suivant : le portugais est la 6e langue la plus parlée dans le monde, mais son enseignement en France n’est pas assez développé. Il s’agissait donc de réfléchir à comment promouvoir son utilité et développer concrètement son apprentissage dans l’hexagone. L’intervention de représentants d’association et de professeurs a permis de confirmer le diagnostic : il n’y a pas assez de professeurs de portugais, les classes sont surchargées (Christine Rodrigues, Présidente du Centre portugais de formation culturelle à Le Raincy a même dû refuser des élèves cette année, pour la première fois depuis la création du Centre en 1972) mais, paradoxalement, il y a trop peu de postes proposés aux professeurs de portugais, de places aux concours d’enseignement ou même d’ouverture de postes. Les associations doivent faire face à d’importants problèmes pratiques : manque de soutien financier, de matériel pédagogique (notamment pour l’enseignement de la langue portugaise variante brésilienne, comme l’a souligné Raoni Vasconcelos, Président du Centre cuturel Alter’Brasilis à Paris) et de contenu multimédia, et des locaux qui font défaut. Certaines associations ont tendance à jouer un rôle de substitution à l’enseignement public, et doivent parfois abandonner des activités culturelles complémentaires pour faire face à la demande de cours de langue.
Qu’est-ce qui peut être fait concrètement pour répondre à ces défaillances ? L’idée d’une campagne de promotion de la langue portugaise sur le territoire national et d’information afin d’ouvrir la langue, dans toutes ses variantes, à tous (parents, élèves, écoles, français comme étrangers, jeunes comme adultes, entreprises), a été évoquée par les intervenants. Elle aiderait à casser l’image d’une langue d’immigration pour imposer celle d’une langue internationale, comme l’a souligné Adelaide Cristóvão, Coordinatrice de l’enseignement du portugais à l’étranger. Mais aussi de mettre au point des moyens pour que le réseau intervienne dans les temps, de façon continue, afin de faire circuler l’information et de recevoir l’aide. Cela peut se faire en s’appuyant plus sur les élus et les mairies, ou en organisant des événements culturels sporadiques d’envergure.
Le deuxième atelier avait pour thème la citoyenneté, et la faiblesse historique du poids politique en France : on compte à peu près 500 000 Portugais en France, et parmi eux seulement 90 000 sont inscrits sur les listes électorales. De plus, le financement des réseaux et des activités associatives reste le plus faible parmi les immigrations d’origine européenne. Difficile, dans ces conditions, de défendre ses intérêts, ses opinions, ses projets, de connaître ses droits mais aussi de se sentir intégré à une communauté politique nationale. Heureusement, la citoyenneté ne peut être réduite au seul fait de voter. La citoyenneté, au sens large, c’est s’impliquer dans la cité. Ainsi, un très grand nombre d’actions peuvent être qualifiées de citoyennes, ce qui a été bien souligné par les intervenants de cet atelier, composé de représentants d’associations et d’élus, qui ont également exprimé l’urgente nécessité de se regrouper, d’informer et d’organiser une véritable représentation de la communauté au niveau politique. Cela peut être difficile lorsque des organes de représentation sont rares ou inexistants ou que des obstacles géographiques, physiques empêchent de s’investir plus. Alors, comment faciliter ce processus, améliorer les conditions d’accès au vote, à une expression citoyenne ? Que faire pour inciter la jeune génération, qui a tendance à se désintéresser de la politique, à s’investir plus ? D’abord, on peut expliquer aux sceptiques que faire valoir et exprimer sa citoyenneté est bien souvent quelque chose qu’ils font déjà en échangeant avec leur cercle proche, en faisant partie d’une association sportive ou culturelle, en aidant son voisin. Participer à la vie locale, dans son quartier, dans sa ville. Intégrer une association, une liste électorale, parler, informer, sont autant d’actes citoyens qui ont du sens et de vraies répercussions sur l’autre, sur le quotidien. Ensuite, on peut soutenir les initiatives de partenariats, d’accords, de jumelages, ou même de groupes d’amitiés.
Le dernier atelier de ces EGL portait sur la « promotion de la culture à travers l’importance du tourisme et de la mémoire ». Lors de ce débat, nous avons pu voir que la question de la promotion de la culture via la mémoire est peu exploitée. En effet, des personnes, comme les historiens, et des structures, telles que la Coordination des Collectivités Portugaises de France, attachent une grande importance à cette histoire de l’immigration portugaise en France, écrivant sur ce passé, recueillant des témoignages. Cependant, ce passé est souvent ressenti comme une gêne et les familles ne veulent pas témoigner. Or, comme l’a rappelé l’historien Victor Pereira, lorsque « quelqu’un décède, c’est une bibliothèque qui brûle ». A cet effet, les intervenants ont insisté qu’il était essentiel de s’atteler à un véritable travail de recueillement de témoignages, de récits de vie de toutes ces femmes et ces hommes immigrés, dans le but de sortir des stéréotypes et s’ouvrir aux autres en faisant connaître les cultures lusophones. De plus, a également été évoqué le besoin de travailler ensemble hors des clivages politiques, en investissant plus amplement les structures des villes et l’aide des élus. Du côté du tourisme, outil indispensable pour partager la richesse de ces cultures lusophones lorsqu’il est mené de façon responsable et réfléchi, la promotion de la destination Portugal devient prioritaire. Déjà la 4e destination favorite des Français, avec 2 millions de touristes français par an, c’est un marché tremplin qui pousse, voir oblige, à instaurer des partenariats entre la France et les pays de langue portugaise, au-delà des jumelages, pour une plus grande synergie entre associations, enseignants, représentants politiques et entreprises et ainsi obtenir plus de soutiens publics. Le réseau lusophone regroupe un ensemble important de lusodescendants, de lusophones et lusophiles, de tout âge et présents dans de nombreux domaines d’activités, qui sont tous au quotidien des ambassadeurs de cette richesse culturelle.
Un aperçu des engagements pris par la Charte d’Engagement :
- Œuvrer en faveur des cultures lusophones et la défense de leurs intérêts. Il s’agit de renforcer le statut de la langue portugaise comme langue européenne, langue internationale et stratégique par la promotion et la facilitation de l’engagement des lusodescendants et la diffusion de leur richesse culturelle de façon cohérente.
- Mener des actions de sensibilisation et d’information sur les questions de la langue portugaise, de la citoyenneté, de la promotion culturelle, notamment à travers le tourisme et la mémoire, avant de mettre en place, plus tard, des campagnes de solidarité.
- Reconnaître les personnes et les organisations engagées dans la promotion de la double-culture, le développement de l’apprentissage de la langue portugaise, et le renforcement de l’investissement citoyen de la communauté lusodescendante de France par l’instauration d’une distinction ou d’un statut spécial honorifique à l’image des Agitateurs Lusophones.
- Favoriser sur le long terme les soutiens publics aux initiatives visant la promotion de la langue portugaise et des cultures lusophones, ou se rapportant à la lusodescendance, ainsi qu’aux structures travaillant au jour le jour à cet égard par des moyens logistiques et financiers.
- Faire pression sur le gouvernement français pour faciliter l’apprentissage du portugais et la représentativité de la communauté lusophone, pour pouvoir s’appuyer sur un certain nombre d’élus et lutter contre la fermeture des structures représentant les lusophones en France.
- Créer et entretenir activement le réseau lusodescendant, lusophone et lusophile de France.
- Organiser la concertation entre les différents acteurs de la lusophonie et lusophilie en France et en dehors autour d’une notion : la synergie entre tous les acteurs.
- Favoriser la tenue des EGL, lieu privilégié d’échange et de débats, avec des objectifs définis et des thèmes à reconsidérer à chaque nouvelle édition en fonction des problématiques suggérées par les membres du réseau.
- Configurer un réseau lusodescendant, lusophone et lusophile de France afin de tisser et entretenir un réseau humain, associatif et organisationnel.
- Encourager une reconnaissance des actions menées par le réseau et par les membres du réseau, le partage des connaissances et l’échange de bonnes pratiques.
- Définir et conduire un ensemble de projets, actions, campagnes nationales, études communes aux membres du réseau, en s’appuyant sur les besoins et les attentes des participants exprimés.
- Rendre possible la création ou le soutien de lieux et de supports permettant d’accueillir et d’informer le public sur les questions relatives à la langue portugaise, à la culture, à la citoyenneté, et penser à des ressources matérielles pour faciliter les pratiques électorales.
Synergie, union, sont sans doute les mots qui auront le plus marqué ce week-end de réflexion. Ce réseau solide et solidaire d’Agitateurs lusophones a démontré son désir de visibilité et de reconnaissance autour d’actions concrètes pour défendre la langue portugaise et les cultures lusophones. Cette signature a marqué le début d’une belle aventure qui a été fêtée quelques heures plus tard au Bataclan … 😉
Enfin, quelques mots pour remercier nos partenaires officiels la banque Caixa Geral de Depósitos et l’assureur Fidelidade, ainsi qu’aux entités ayant apporté leur soutien à l’événement : TAP Portugal, Fondation Calouste Gulbenkian – Délégation en France, Fondation Inatel, Maison du Portugal – Cité internationale universitaire de Paris, Câmara Municipal de Lisboa, Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, DGACCP, Instituto Português do Desporto e da Juventude, Instituto Camões IP, Turismo de Portugal, Secretaria de Estado para as Comunidades, Secretaria de Estado da Juventude e do Desporto, Secretaria de Estado para a Cidadania e a Igualdade, Secretaria de Estado do Turismo, Super Bock, Pedras, RTP Internacional, Radio Alfa et Radio Renascença. Un grand merci également aux Grands Observateurs Permanents, aux Grands Observateurs, aux Grands Témoins et à l’ensemble des participants, ainsi qu’aux incroyables bénévoles. Ces premiers EGL n’auraient pas été possible sans vous !
Aurélie Pereira et Camille Diard