Pour la deuxième fois cette année, la région autonome de Madère se retrouve dans une situation de crise politique. Une motion de censure a été déposée par le parti d’extrême-droite Chega. Les tensions se concentrent sur Miguel Albuquerque, Président du gouvernement régional de Madère, membre du parti PSD.
Dès le mois de janvier, il a été soupçonné de corruption et d’abus de pouvoir, ce qui l’a conduit à démissionner de son poste. Toutefois, la crise politique nationale englobant l’ancien Premier Ministre António Costa avait conduit le Président de la République à dissoudre l’Assemblée Nationale entrainant ainsi des élections législatives anticipées qui ont eu lieu au mois de mai. Lors de ces élections, les citoyens de l’île de Madère se sont rendus aux urnes et ont, de nouveau, fait confiance au PSD en le plaçant en tête des suffrages avec 36,89% des scrutins conférant 19 députés pour l’Assemblée régionale, loin devant le PS, arrivé deuxième avec 21,77%, leur octroyant 11 députés. Malgré une alliance avec le CDS-PP, le PSD n’a pas réussi à obtenir une majorité absolue au sein de cette Assemblée. Après avoir démissionné en début d’année, Miguel Albuquerque a retrouvé son poste de Président du gouvernement régional, légitimé par les élections, mais les soupçons de corruption et d’abus de pouvoir pèsent toujours sur lui.
C’est sur ce point que s’écharpe aujourd’hui la vie politique de Madère. En effet, le président Miguel Albuquerque, ainsi que quatre secrétaires régionaux, ont été accusés, pour des affaires distinctes, et sont au cœur de procédures judiciaires. C’est la fenêtre d’opportunité qu’a saisi le parti Chega, dont le discours repose beaucoup sur les politiques corrompus, pour déposer une motion de censure le 6 novembre dernier afin de renverser le gouvernement régional. Cette motion aurait dû être discutée le 18 novembre, mais a été repoussée au 17 décembre suite à un vote à l’Assemblée, afin que le budget 2025 de l’île puisse être voté (le vote a lieu début décembre). Pour que cette motion aboutisse, elle doit recueillir la majorité absolue des voix, c’est-à-dire au moins 24 voix au sein l’Assemblée régionale. Malgré sa victoire aux élections législatives et son alliance avec le CDS-PP, le PSD ne possède pas de majorité absolue et n’est pas en mesure de rejeter seule cette motion de censure. Autrement dit, si les partis de l’opposition s’accordent, ils peuvent voter la motion de censure et ainsi renverser le gouvernement régional. L’opposition est composée, en plus de Chega, par le PS, le JPP (Juntos Pelo Povo) et l’Iniciativa Liberal. Chega a pu envoyer 4 députés à l’Assemblée régionale, le JPP 9, le PS 11 et IL 1, c’est-à-dire que ces 4 partis ensemble peuvent réunir 25 voix, soit une de plus que la majorité absolue nécessaire. Le parti JPP a déjà confirmé qu’il voterait la motion de censure. Son secrétaire général, Elvio Sousa, a confirmé qu’il « ne craint aucun scénario, y compris des élections anticipées » et qu’il « rejette toutes les attaques faites par le PSD, CDS-PP pour subvertir le principe de ce qui était et reste un outil démocratique pour censurer ce gouvernement ».
Pour se défendre, Miguel Albuquerque dénonce « l’aventurisme » et « l’irresponsabilité » des partis de l’opposition. Il accuse les partis d’oppositions d’être à l’origine de la crise politique et d’être menés par un « appétit du pouvoir ». La vie politique de l’île est désormais suspendue au résultat du vote de cette motion de censure. Dans le cas où elle est adoptée, la Constitution de Madère prévoit la démission automatique du gouvernement régional, qui ne s’occupe que des affaires courantes en attendant la transition politique.
« Si les partis de l’opposition s’accordent, ils peuvent voter la motion de censure et ainsi renverser le gouvernement régional. »
Victor Soares
Photo : Facebook / Miguel Albuquerque
Publié le 17/12/2024