Conselho das Comunidades Portuguesas : Un vote pour les portugais de l’étranger
24 octobre 2023Eleições a 10 de março: as cinco razões de Marcelo (e mais uma)
16 novembre 2023Cap Magellan a entendu parlé du podcast Agosto, le podcast qui vous emmène en voyage à la rencontre d’un Portugal authentique, loin des stéréotypes et des accroches touristiques. Nous avons voulu rencontrer Céline Lopes, la personne qui se cache derrière cet incroyable projet. Elle nous a offert une interview exclusive.
CM : Coucou Céline ! J’espère que tu vas bien. Je suis ravie de te rencontrer en vrai. Tu as lancé Agosto Podcast en 2022. Quelle était ton idée derrière ce projet ?
Céline Lopes : J’avais envie de raconter l’histoire de l’immigration. Celle du passé, de mes parents, de mes grands-parents qui sont venus en France, avoir leur récit, savoir comment c’est déroulé leur départ, leur intégration ici, etc., mais aussi le récit de jeunes Français, nés en France, issus de parents d’origine portugaise et qui aujourd’hui sont réalisateurs, cinéastes, artistes, écrivains, gendarmes, peu importe la profession ! Cela permet de montrer que les Portugais sont présents et qu’il y a des représentations ! C’est quelque chose que je n’ai pas eu avant. A part Lio et Linda de Suza, cela manquait de représentation. Les objectifs du podcast sont divers. Tout d’abord celui de mémoire : c’est une génération qui disparaît petit à petit. Il y a des livres; quelques documentaires, mais pas de podcast et de récits audios. Ainsi, sur Agosto, vous pouvez retrouver le récit de ma mère, qui raconte son enfance, son arrivée en France avec toutes les difficultés que cela implique, mais également des récits de personnes qui ont vécu le Portugal à travers leurs parents, par la langue, la cuisine, les étés au Portugal. Avec tous ces récits, nous finissons par nous rendre compte que même en ayant des parcours différents, nous avons tous des petits points communs, des souvenirs, etc. Cela peut être le voyage en voiture, l’été chez les grands-parents, etc. Ce sont de petites pépites d’histoire. Malgré tout, les parcours sont très différents. Je pense notamment à Lisete qui est une jeune fille qui s’intéresse beaucoup sur ses origines, parce que le Portugal n’était pas très présent chez elle et aujourd’hui elle arrive à un âge où elle a envie de creuser dans ses origines portugaises et angolaises. L’objectif est également de parler du Portugal autrement. Aujourd’hui, c’est un pays « à la mode » : on voit beaucoup de reportages sur Lisbonne, sur Porto, sur l’Algarve, etc. Je ne m’y reconnaissais pas. Je ne me reconnais pas non plus tellement dans ce que propose le secteur associatif portugais, pourtant je me sens Portugaise. Là est venue l’idée des récits ! Ils permettent de se reconnaître, même si ce n’est pas dans tous. Et puis, il y a des non-lusophones qui écoutent et qui apprennent énormément sur le pays et sur l’histoire du pays. Cela leur permet aussi de mieux comprendre les Portugais, leurs traits de caractère, etc. Je le présente comme des récits authentiques d’hommes et femmes d’origine portugaise ou pas.
CM : Tu souhaites également transmettre la saudade. Comment définis-tu ce mot ?
Céline Lopes : On dit que la saudade ne s’explique pas, qu’elle se ressent. C’est la mélancolie heureuse de tes souvenirs. Finalement, tout ce que nous faisons en lien avec le Portugal, c’est dans l’objectif de transmettre la saudade à nos enfants. Tu peux avoir envie de transmettre la langue, ton village, tes souvenirs, etc., mais globalement tout passe par les sens. C’est notre propre saudade que nous essayons de transmettre. En réalité, je trouve la saudade très positive ! On peut dire qu’elle est triste, mais quand je pense à mes souvenirs au Portugal ils sont positifs. C’est sûr que j’ai envie d’y retourner, de le revivre, mais je trouve que c’est plus positif que triste. Effectivement, ce travail permet de transmettre des supports aux générations futures, mais également de transmettre la saudade.
CM : Comment organises-tu les enregistrements ?
Céline Lopes : Généralement je dis aux invités de prévoir entre deux heures et demi et trois heures, parce que c’est souvent long. Les questions du début sont classiques, mais rapidement nous plongeons dans leurs souvenirs, je creuse toujours de plus en plus. Ce que je trouve génial c’est que, même si j’ai un fil rouge dans ma tête, l’épisode est à eux et c’est grâce à ça que des sujets auxquels je ne m’attends pas ressortent. Sur la saison deux par exemple, il y a beaucoup eu la question du racisme. Ce n’est pas quelque chose que j’ai subi. Sur la saison trois et la quatre, il y a beaucoup la place de la femme. Je ne peux jamais prévoir les sujets à l’avance ! Chaque personne m’emmène où elle le souhaite.
CM : Cela doit être compliqué de sélectionner les passages à garder alors qu’une personne te confie un récit de vie.
Céline Lopes : Effectivement, le travail du podcast, au-delà de l’enregistrement, se situe principalement dans le montage. En général, nous traitons des sujets dans l’ordre, mais au fur et à mesure qu’une confiance s’installe, nous pouvons revenir sur certains sujets du début à la fin. C’est ensuite à moi de faire un travail chirurgical pour couper, replacer, etc. Je dois également couper de nombreuses répétitions. Ce qui est compliqué aussi c’est de se dire que l’on coupe, mais qu’il faut que le récit reste fidèle à notre échange.
CM : Tu poses des questions, mais pourtant on ne t’entend pas durant l’épisode. C’est voulu ?
Céline Lopes : J’écoute beaucoup de podcasts. Dans certains, j’aime bien avoir l’aspect interview et, à l’inverse, pour d’autres témoignages, le fait que personne n’intervienne permet d’être réellement plongé dans l’histoire. C’est cet aspect que je recherchais pour Agosto. Je voulais que l’auditeur se dise qu’il passe un moment avec la personne qui m’a confié son histoire, comme je l’ai fait moi-même lors des enregistrements. Cela permet de connaître les personnes différemment. J’ai déjà eu des retours d’auditeurs qui connaissent certains de mes invités, mais qui les ont redécouvert en écoutant le podcast.
CM : As-tu accès au nombre d’auditeurs ?
Céline Lopes : Oui, nous avons dépassé les 7 000 écoutes sur les deux saisons. Ce que je trouve super c’est que ce n’est que du bouche à oreille. La communication dans les médias commence maintenant avec toi, avec l’émission à Radio Alfa et je pense que c’est tout.
CM : Et connais-tu la durée d’écoute ?
Céline Lopes : Étonnement, la courbe est assez lisse, même si on voit que les gens écoutent en plusieurs fois, ce qui est normal. Ce qui est surprenant aussi, c’est que j’ai des retours d’auditeurs qui me disent qu’ils ont réécouté plusieurs fois le même épisode !
CM : Pourquoi avoir choisi d’appeler ton podcast Agosto ?
Céline Lopes : Agosto en portugais veut dire août. Le mois d’août pour les Portugais est un mois important, même s’il y en a pour qui c’est plutôt juillet. De manière générale on se dit « onze mois de dur labeur et un mois de pur bonheur ». C’était une réalité qui n’est plus totalement la même aujourd’hui. Mes parents préparaient ce mois-là, financièrement parce qu’ils construisaient la maison là-bas, psychologiquement… C’était vraiment l’objectif de l’année. Aujourd’hui, il y a moins ce mois de vacances au Portugal, donc je me demande ce que cela deviendra plus tard.
CM : Comment choisis-tu les personnes que tu rencontres ?
Céline Lopes : C’est beaucoup au feeling ! Pour être honnête, j’ai une liste. J’ai un cahier avec des noms, mais je ne les contacte pas tous. Parfois je me dis que ce n’est pas encore le moment, que je ne me sens pas prête, etc. Et ce n’est pas par rapport au statut ou à la notoriété ! À l’inverse, certains ne sont pas sur ma liste, mais je les rencontre et cela devient quasiment une urgence de les interviewer. Cela ne s’explique pas !
CM : Comment finances-tu ce projet ?
Céline Lopes : Ce n’est pas mon emploi, je fais ça sur mon temps libre et je finance avec mon argent pour l’instant. Lorsque je me déplace, je paye le transport, le logement si personne ne peut m’héberger… J’ai acheté le matériel, j’essaye de ne pas prendre des logiciels payants pour le montage, mais malgré tout il y a l’hébergement du site, du podcast, etc. J’ai la chance de savoir faire, parce que je ne pourrais pas payer quelqu’un d’autre. Petit à petit, le coût total augmente et parfois l’argent devient une contrainte pour les souhaits de faire grandir le projet. En revanche, j’aimerais bien trouver des sponsors, des partenaires, etc. qui soutiennent le podcast. Cela me permettrait d’une part de couvrir les frais et d’autre part de me développer sur d’autres aspects. J’en ai très envie et je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire ! C’est un projet qui me tient vraiment à cœur.
CM : Nous lançons un appel à toutes les personnes intéressées ! Pour finir, j’ai une question que je pose à la fin de chaque interview : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Céline Lopes : Continuez à faire vivre nos racines portugaises dans la vie privée ou professionnelle. C’est une richesse que d’avoir plusieurs cultures, de les partager, de les transmettre. Une force qui parfois nous fragilise quand nous ne savons pas où nous placer dans cette double culture. Pensons à ceux qui sont à l’origine de tout cela, à leur courage et continuons nos chemins, peu importe où ils nous mèneront. Semons des graines pour l’ouverture d’esprit et la tolérance.
CM : Merci Céline ! Nous continuerons à suivre ton projet de près et souhaitons qu’il grandisse le plus possible.
Nous vous invitons à suivre @agostopodcast sur Instagram ainsi qu’à l’écouter sur toutes les plateformes de streaming. Plus d’informations sur le site : agosto-podcast.com
Interview réalisée par Julie Carvalho,
Bénévole à Cap Magellan,
Membre de l’équipe de Tempestade 2.1,
Étudiante en M1 à l’ISMaPP.