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15 août 2024Cette année a lieu la 36 e édition des États généraux du film documentaire de Lussas, du 18 au 24 août. Le Portugal y est mis à l’honneur, donc Cap Magellan a souhaité en savoir plus ! Christophe Postic, directeur artistique, nous a offert une interview.
Cap Magellan : Bonjour Christophe ! Du 18 au 24 août a lieu la 36e édition des États généraux du film documentaire de Lussas, un festival créé par l’association Ardèche Images. Depuis combien de temps faites-vous partie de cette équipe et de ce festival ?
Christophe Postic : Je fais partie de l’équipe du festival depuis 1999. J’ai été codirecteur artistique avec Pascale Paulat, qui était la déléguée générale pendant une vingtaine d’années mais qui a pris sa retraite cette année. Avant cela, j’étais bénévole pendant une dizaine d’années et je m’occupais du journal du festival.
Cap Magellan : Lors de la création du festival il y a donc 36 ans, quel était l’objectif ? Est-ce que l’équipe qui l’a créée s’est rendu compte qu’il y avait une défaillance au niveau des films documentaires ?
Christophe Postic : À l’époque de la création du festival, le CNC avait mis en place une nouvelle aide à la création de l’audiovisuel qui s’appelait le COSIP (compte de soutien aux industries de programmes). Le film documentaire n’apparaissait pas en tant que tel dans les genres éligibles à cette aide. Donc un collectif s’est créé pour faire pression auprès du CNC pour que le cinéma documentaire puisse bénéficier de cette nouvelle aide. La Bande à Lumière, comme ils se sont nommés, a réuni un certain nombre de cinéastes producteurs, Raymond Depardon, Joris Ivens pour les plus connus et beaucoup d’autres. Ils ont eu gain de cause et, suite à cette mobilisation, l’idée du collectif a été de prolonger la dynamique du mouvement. C’est ce qui donne lieu à la naissance des états généraux mais aussi à la création de la Biennale de Lyon, qui est ensuite devenue le FID Marseille, et également le Sunny Side of the Doc orienté vers le marché du film documentaire.
Plus spécifiquement, parmi les cofondateurs des états généraux, on retrouve Jean-Marie Barbe, qui est originaire de Lussas. Il a imaginé un festival dans ce village d’Ardèche, en milieu rural, afin de mettre en avant les productions et de faire venir les spectateurs et les professionnels. L’idée de ce festival est de poursuivre cette rencontre et cette réflexion entre fabricants de films, que les professionnels se retrouvent pour échanger sur leurs pratiques, leurs manières de faire, leurs difficultés, leurs idées, etc. Tout en conviant également des spectateurs à découvrir des films !
Cap Magellan : Ce festival est non compétitif. Les films ne sont pas en compétition les uns avec les autres. C’est vraiment du partage pur et dur.
Christophe Postic : Absolument. C’est l’une des particularités de Lussas que nous partageons avec d’autres festivals. Les États généraux font partie des trois ou quatre plus importants et anciens festivals de documentaires. À Lussas, il n’y a pas de compétition. Nous proposons également des séminaires de réflexion autour de questions de cinéma, souvent sur deux journées et autour d’une problématique ayant toujours une approche de réflexion autour des écritures cinématographiques. Comme il n’y a pas de compétition, nous n’avons aucune exigence d’exclusivité et n’avons donc aucun problème avec le fait de montrer des films qui ont déjà été montrés ailleurs.
Cap Magellan : Vous êtes directeur artistique, qu’est-ce que cela signifie ?
Christophe Postic : Mon travail est d’imaginer l’ensemble des programmations et donc de solliciter des personnes pour les mettre en place. Je travaille avec une équipe de programmateurs. Généralement, j’ai une idée ou je pense à des films, des personnes, et je leur propose, mais ce sont aussi les programmateurs avec qui nous avons l’habitude de travailler qui me sollicitent directement. Ensuite, je participe d’assez près à la mise en place des programmations dans un échange continu. J’anime aussi des séances spéciales et choisis chaque année les films de la Route du doc en collaboration avec une personne du pays exploré. C’est important pour moi parce que je tiens à rester en relation directe avec les spectateurs et à présenter des films. C’est une des choses qui m’importe dans ce travail. C’est un travail de coordination de l’ensemble des programmateurs et d’accompagnement de ce travail. En tant que directeur artistique, je détermine une orientation et des choix de programmation.
Cap Magellan : Sur cette édition, on a un pan réservé au Portugal, qui s’inscrit dans le cinquantenaire de la Révolution des Œillets. Pourquoi c’était important pour vous ?
Christophe Postic : Cette programmation, qui s’intitule « Histoire(s) du documentaire », est consacrée à un pays chaque année et existe depuis 2006. Nous avions déjà organisé une édition consacrée au Portugal, en 2007. C’est avec Federico Rossin que je choisis le pays chaque année. C’est toujours lui en premier lieu qui nous fait des propositions. Cette année, il avait le désir de revisiter le cinéma portugais, pas uniquement du fait du cinquantenaire de la révolution, mais parce que c’est un cinéma d’une grande richesse. La programmation est entièrement nouvelle, à l’exception deux films et elle se prolonge d’un « Fragment d’une œuvre » dédiée à António Campo.
Cap Magellan : Pourquoi lui ?
Christophe Postic : Parce que c’est un cinéaste documentaire très important plus rarement mis en avant. Federico Rossin le considère comme le plus grand documentariste portugais. Ses films ont été rarement présentés et c’est l’occasion de prolonger cette programmation dédiée à l’histoire du documentaire portugais.
Les États généraux connaissent depuis longtemps José Manuel Costa, l’ancien directeur de la Cinémathèque de Lisbonne. Nous avons une relation de compagnonnage de loin en loin. Lorsque nous avons eu l’idée de cette programmation avec Federico Rossin, j’ai contacté José Manuel pour lui soumettre cette idée. Cela entrait complètement dans le cadre de l’anniversaire de la révolution des Œillets. Le centre Camões de Paris s’est associé à cette manifestation et a permis de proposer une programmation inédite au sens de ce qu’a composé Federico un choix personnel, celui d’un historien et critique de cinéma.
Cap Magellan : Est-ce qu’il y aura des réalisateurs portugais ?
Christophe Postic : Il y aura donc José Manuel Costa, Nuno Sena qui représente la Cinémathèque de Lisbonne et le troisième c’est Luís Galvão Teles. Nous avions aussi invité la réalisatrice du Mouvement des choses, Manuela Serra. Elle n’était pas disponible mais nous aurions été ravis de l’accueillir.
Cap Magellan : Et vous attendez combien de personnes à peu près ?
Christophe Postic : En nombre de spectateurs, il y a à peu près 5000 personnes qui viennent au festival chaque année.
Cap Magellan : Comment convaincre quelqu’un de venir ?
Christophe Postic : Qui est le/la festivalière ? C’est une personne qui a envie de venir découvrir un univers, des œuvres, etc. Je dis souvent que mon travail de directeur artistique, c’est aussi de mettre en relation des œuvres avec des spectateurs et de penser les conditions de cette mise en relation. Cette situation de rencontre possible avec des œuvres, des films repose sur la curiosité, elle s’accompagne nécessairement d’une disponibilité, d’une ouverture aux œuvres. Cette relation avec des films nécessite une implication, un engagement du spectateur. On ne vient pas pour consommer des films. C’est pour ça qu’on accorde beaucoup d’importance à l’échange et à la parole autour des films, pas uniquement à propos de ce que raconte le film mais aussi de la manière dont il le raconte. L’invitation qui est faite au spectateur des États généraux du film documentaire, c’est de venir découvrir des œuvres rarement montrées (Histoire(s) du documentaire, António Campos, Robert Beavers mais dans l’ensemble, les films présentés ici ont peu d’occasions d’être découverts par un large public, ailleurs que dans les festivals ou sur la plateforme du documentaire Tënk) ou de nouvelles œuvres et de s’ouvrir à cette nouveauté ou à des films de patrimoine, de s’impliquer, dans une forme d’engagement par le regard porté sur les films et de mettre aussi en partage ce regard de spectateur au cours d’un échange, au cours d’un débat où la parole de chacun est accueillie.
Cap Magellan : Est-ce vous avez l’impression que le documentaire est le « parent pauvre » du cinéma ?
Christophe Postic : On peut l’entendre au sens d’une économie qui est beaucoup plus pauvre que la fiction et aussi parfois un peu en termes de considération par rapport à la fiction. Néanmoins, dans l’histoire du cinéma et toujours aujourd’hui, c’est un lieu de recherche et d’invention de formes qui par périodes est beaucoup plus vivant que la fiction, peut être parfois beaucoup plus contrainte par des modes de récit, des modes de mise en scène. Le documentaire lié à une économie plus modeste s’autorise finalement des formes libres, plus ouvertes, plus inscrites dans une forme de recherche. En revanche, le cinéma documentaire d’auteurices est moins connu, moins exposé que le cinéma de fiction, moins souvent distribué en salles, même si un certain nombre de films rencontrent régulièrement un succès considérable.
Une chose importante à souligner est le public très jeune de Lussas. C’est lié au fait qu’il y a, depuis maintenant 23 ans, un master de réalisation et de production documentaire, porté par l’école documentaire au sein d’Ardèche Images, l’association qui organise le festival depuis 35 ans. D’année en année, ces étudiants qui depuis 20 ans passent par Lussas, reviennent au festival à la fois pour la grande convivialité et la qualité des programmations.
Un autre point très important est que le cinéma documentaire se confronte et s’intéresse au monde qui nous entoure, au monde contemporain. Il nous en donne des représentations, des récits, une manière d’approcher des personnes, de passer du temps avec elles, de découvrir des situations qui sont très éloignées de nous, de nos réalités. C’est aussi une des grandes forces du documentaire : nous mettre en relation avec des univers, des situations, des pays et des personnes très éloignées de nous, tout autant d’ailleurs des films qui se passent en France. Le spectateur qui vient aux états généraux du film documentaire de Lussas, vient pour une part, pour s’engager et mettre en partage la manière dont il va entrer en relation avec les films.
Cap Magellan : Merci Christophe ! Rendez-vous donc du 18 au 24 août à Lussas !
Nous vous invitons vivement à vous rendre aux États généraux du film documentaire de Lussas pour cette 36e édition ! Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter le site de l’association .Vous pouvez également suivre le festival sur Facebook et LinkedIn.
Interview réalisée par Julie Carvalho,
Transcription par Sophie Abreu.