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24 octobre 2024Claire Luzi est mandoliniste, chanteuse et autrice. Elle est française, mais passionnée de musique brésilienne. Le 10 octobre dernier a eu lieu le concert de lancement de son EP Ce Corta-Jaca sur la scène des 2 Pianos. Cap Magellan y était et a souhaité rencontrer cette artiste aux multiples casquettes.
Cap Magellan : Bonjour Claire Luzi, j’espère que tu vas bien. A quelques minutes du concert de lancement de ton nouvel EP, Ce Corta-Jaca, comment te sens-tu ?
Claire Luzi : Je me sens plutôt tranquille. J’ai l’impression d’avoir fait tout ce qu’il fallait jusqu’à présent. Maintenant, il n’y a plus que l’espoir que tout aille bien. Nous avons tous fait notre part, il n’y a plus qu’à laisser advenir l’instant et la musique, et faire confiance, se laisser porter.
Cap Magellan : La mer, les bateaux, les oiseaux, semblent être les inspirations pour cet EP. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Claire Luzi : C’est vrai que c’est un disque assez aquatique, et puis un peu animal aussi. Je me rends compte que j’en reviens toujours à ça : c’est un peu ma ligne d’horizon. La mer a toujours occupé une grande place dans ma vie, parce que c’est là que je me sens dans mon élément. J’aurais dû être poisson, je pense. Je me suis toujours sentie mieux dans l’eau que sur terre, et plus encore dans l’eau salée. Souvent, quand j’écris mes chansons, ce sont les mots qui me guident, le son des mots. Le sens vient après. Et c’est vrai qu’ils m’emmènent souvent à la mer. Je vais leur demander de m’emmener ailleurs !
Cap Magellan : L’EP a été enregistré à Rio de Janeiro en 2019. Cela a été indispensable pour toi d’enregistrer et de chanter au plus proche de l’origine du choro ?
Claire Luzi : C’est mon quatrième ou cinquième disque. Jusqu’à présent, nous avions tout enregistré en France. Cette fois, nous avons eu envie d’embarquer tous nos copains du Brésil dans cette histoire musicale.
C’est mon choix, mais c’est aussi celui du compositeur, qui a été aussi l’arrangeur du disque : Cristiano Nascimento. C’est vrai que nous avions envie d’avoir un son peut-être plus proche de ce qu’on a dans l’oreille d’habitude, plus proche des racines. Et puis, c’est aussi une histoire d’amitié parce que tous nos copains jouent sur le disque. Nous n’avons pas souvent l’occasion de jouer avec eux depuis que nous sommes installés en France.
Cap Magellan : Le titre Ce Corta-Jaca est un beau mélange du portugais et du français. C’est important pour toi de chanter dans les deux langues ?
Claire Luzi : Ah oui ! C’est vraiment la langue portugaise qui m’a menée au chant. Avant, je chantais un petit peu. Je trouve que la langue portugaise est beaucoup plus nasale que la française, donc, automatiquement, c’est beaucoup plus timbré. C’est beaucoup plus agréable à chanter. A l’inverse, le français est une langue plus plate.
Je connais surtout le portugais du Brésil et je trouve que c’est une langue qui chante déjà toute seule.
Evidemment, les mots me viennent mieux en français, mais le fait d’avoir chanté en portugais m’a formée à mieux chanter en français.
Cap Magellan : C’est accompagnée de ta mandoline que tu parcours le monde. Comment as-tu choisi cet instrument si original ?
Claire Luzi : J’ai choisi la mandoline par défaut. C’est un peu bête comme histoire, mais au départ, l’instrument que j’avais choisi, c’était le piano, pour faire comme ma maman. Je voulais jouer du Chopin ! Finalement, il se trouve que j’ai une partie de ma famille en Corse et nous allions très souvent passer du temps là-bas. Il n’y avait pas de piano, mais mon grand-oncle jouait de la mandoline. Il m’en a mis une dans les mains lorsque j’avais peut-être 10-12 ans. Donc, j’ai assez vite joué de la mandoline. J’en jouais toutes les vacances ! Plutôt de la mandoline populaire, alors que je jouais du piano classique. J’ai appris les airs corse, les sérénades, toutes les choses qu’on jouait, tout cela surtout avec des personnes âgées.
Ensuite, j’ai joué dans l’orchestre. J’allais à Marseille répéter avec cet orchestre. Je m’amusais beaucoup ! Avec une partie de l’orchestre, nous avons été amenés à participer à un grand rassemblement de mandolines, en 2000. J’ai vécu une expérience très, très forte. C’est à ce moment-là que j’ai entendu le Melonious Quartet, qui était un quatuor de mandoline conçu à l’égal d’un quatuor à cordes, comme des violons. J’ai eu un choc, un vrai choc musical. Ça m’a vraiment bouleversée. Et là, j’ai décidé vraiment d’en faire mon instrument et de l’apprendre très sérieusement.
De fil en aiguille, ça m’a amenée à la deuxième rencontre qui m’a fait prendre la direction de mon chemin. Quelques années plus tard, alors que je participais à un festival de mandoline, j’ai découvert le choro brésilien et la mandoline brésilienne. Là, je me suis dit que cette musique était mon Chopin. C’est ce que je veux faire. De là, je suis partie au Brésil pour apprendre cette mandoline-là, la mandoline du Brésil et du choro.
Cap Magellan : Quelle est la particularité que tu préfères dans la mandoline ?
Claire Luzi : La particularité que je trouve à la mandoline brésilienne est que c’est un instrument soliste qui a le même statut qu’une clarinette ou qu’une flûte traversière. Je trouve que cela donne un instrument qui a une grande, grande expressivité et qui peut transmettre énormément d’émotions et, en même temps, beaucoup de rythme.
Cap Magellan : Tu as entamé une tournée au Brésil, comment le public brésilien t’a accueilli et a reçu ta musique?
Claire Luzi : Ça plaît beaucoup aux Brésiliens d’entendre leur musique chantée en français et interprétée par une Française. Je pense que ça les étonne également. D’autant plus que je fais des choses un peu fantaisistes. Par exemple, les premières fois où j’ai joué au Brésil, je jouais d’un petit instrument de percussion qui s’appelle casquette. Je me suis fait un fan club au Brésil avec ça : des petites boules qui tournent et qui s’entrechoquent.
Nous avons tout de même réalisé une petite série de concerts. D’ailleurs, en 2012, je me rappelle de passer vers Copacabana, me promener dans la rue et d’avoir quelqu’un qui m’a reconnu et qui est venu me voir. Cela ne m’arrive jamais en France. C’est vrai que le public brésilien est assez réceptif à entendre sa musique chantée avec des mots français. Il y a beaucoup d’affinités entre la France et le Brésil.
Cap Magellan : En 2007, tu as fondé la compagnie La Roda avec ton mari Cristiano Nascimento. Vous souhaitiez divulguer le choro à plus grande échelle.
Claire Luzi : Nous souhaitions un peu le diffuser tout court. En 2007, il y avait très peu de monde qui connaissait cette musique et très peu de monde qui la jouait. Il y avait quelques personnes à Paris, quelques personnes à Toulouse, mais c’était tout. Nous, nous étions plutôt implantés dans le sud vers Aix-en-Provence et nous avions envie d’avoir des gens avec qui jouer. Au départ, c’était ça l’idée : convertir tout le monde au choro pour donner envie de jouer cette musique avec nous.
Cap Magellan : Le lancement de l’EP est encore tout récent, mais je suis sûre que plein de projets se développent. Quels sont les futurs projets ?
Claire Luzi : Pour 2025, nous avons plein de beaux projets. En tout cas, dans la compagnie, il y en a quatre, si je ne me trompe pas. Il y a notre deuxième festival de choro à Aix-en-Provence que nous souhaitons inscrire dans la saison France-Brésil.
2025, c’est l’année du Brésil en France et de la France au Brésil. Nous aurons pour invité d’honneur Abel Luiz, qui est un compositeur qu’on aime beaucoup. Nous travaillons beaucoup là-dessus en ce moment, à préparer ce festival avec beaucoup d’amour et plein de partenaires qui sont engagés avec nous.
Cristiano Nascimento fait un duo avec Wim Welker, qui est un musicien plutôt de jazz, très connu dans notre coin et passionné par la musique du Brésil aussi. Ils ont fait un duo ensemble parce qu’ils s’entendent très bien, les deux compères. Ils ont enregistré 12 titres et l’album sortira pendant le festival.
Nous avons aussi l’autrice Dominique Dreyfus, qui est une femme extraordinaire, autrice, scénariste, journaliste, entre autres biographe de Baden Powell et Luiz Gonzage. Elle a écrit un manuscrit en vue d’un album jeunesse, assorti au spectacle Boum mon Boeuf, un véritable opéra de poche que nous tournons depuis 2019. Nous sommes en cours de discussion avec plusieurs éditeurs pour le lancer également pendant le festival de choro. Le projet est d’en faire la direction d’un projet croisé, c’est-à-dire un projet qui soit créé entre France et Brésil.
Cap Magellan : Merci Claire ! Nous avons hâte de suivre tous ces merveilleux projets !
Nous vous invitons à écouter Ce Corta-Jaca, disponible partout, et à suivre Claire Luzi sur ses réseaux sociaux : Instagram, Facebook, Youtube ; et La Roda : Instagram, Facebook, Youtube, site.
Interview réalisée par Espérance Carneiro.
Transcription par Julie Carvalho,