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17 décembre 2024Le 8 novembre dernier, la chanteuse lusodescendante Luyanna a publié son dernier EP Alpha en indépendant. Cap Magellan a souhaité en savoir plus et elle nous a accordé une interview exclusive.
Cap Magellan : Salut Luyanna, j’espère que tu vas bien ! Ta carrière a commencé en 2013 avec le titre Amor Amor. Tu t’es par la suite faite remarquer avec le featuring Enamorame remix avec DJ Assad. Toutes ces musiques sont en espagnol, mais désormais tu chantes en portugais. Pourquoi avoir changé de langue ?
Luyanna : Au début j’écoutais beaucoup de musique espagnole. C’est donc ce qui me venait naturellement à l’écriture. On travaillait par double versions aussi : une en français-espagnol, l’autre en portunhol (mélange portugais et espagnol). Les versions françaises prenaient vite le pas sur le portugais.
Sur ce nouveau projet, j’ai naturellement écrit en portugais. Cette fois, il n’y a qu’une version sur chaque titre, cela m’est venu d’instinct. C’est ainsi que j’ai écrit et c’est comme ça que cela devait se faire.
CM : Tu as sorti ce projet en indépendant. Pourquoi avoir voulu faire ça toute seule ?
Luyanna : Au début j’étais signée. On a fait plusieurs maisons de disques tout au long de ces quinze années, mais cela n’était jamais à la hauteur de nos espérances. Il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas. Par exemple, on me demandait de plus en plus de français dans mes titres, ce qui dénaturait le projet petit à petit mais aussi qui j’étais en tant qu’artiste. Même comme ça, cela n’avait pas les résultats escomptés, donc cela engendrait de la frustration.
Lorsque j’ai créé ce nouveau projet, totalement en portugais, je l’ai présenté à une maison de disques en France, qui m’a répondu que la France n’était pas encore prête pour ce genre d’univers. Je me suis dit qu’ils allaient peut-être me signer parce que j’ai été Luyanna auparavant, mais sans croire au projet comme moi. Tant qu’à faire, j’ai décidé de le sortir en indépendant, à la hauteur de ce que je peux faire, même s’il touche à moindre échelle. Je ne voulais pas juste avoir une avance artistique et que cela ne suive pas. Je fais surtout ça parce que j’aime la musique. Ce qui m’intéressait c’était de partager l’artiste que je suis devenue. Je l’ai donc fait de A à Z, en indé, pour être entièrement contente, satisfaite et fière de ce projet.
CM : Tu as eu une importante carrière, des featurings avec de grands chanteurs latino tel que Farruko, tu as fait les premières parties de Lucenzo. C’est un monde très masculin quand même, est-ce que ce n’est pas compliqué de s’assumer en tant que femme dans ce milieu-là ?
Luyanna : Je trouve qu’être une femme dans le milieu musical, c’est toujours un peu compliqué. J’ai l’impression que c’est plus facile d’aduler un homme qu’une femme. En tout cas, les hommes n’ont pas peur d’aduler les hommes et les femmes assument plus d’aduler un homme. Quand on est une femme, c’est plus compliqué. Les femmes peuvent se valider entre elles, mais c’est plus compliqué d’aduler. Le travail est donc moins mis en valeur.
CM : Ton dernier projet avant Alpha a été publié en 2022. Cette pause de deux ans était pour mieux préparer cet EP ? Revenir avec une nouvelle identité visuelle et avec ta propre patte ?
Luyanna : C’est vrai que c’était calme entre les deux. Mon équipe m’a fait comprendre qu’ils préféraient arrêter parce qu’ils s’investissaient dans d’autres projets. De mon côté, je pensais arrêter parce que, comme j’avais commencé avec eux, je ne me voyais pas continuer seule. Je ne savais pas par où commencer. Ils ont tellement défendu mes projets tout au long de ces années, donc je me demandais si j’allais réussir à atteindre le même niveau artistique, etc.
Le compositeur Slam est venu à moi juste après cette fin de collaboration avec mon équipe. J’ai mis du temps à me replonger dedans, à écouter les titres… Puis finalement, j’ai commencé à écrire un premier titre nommé TEB (pour toutes les relations amoureuses sous l’emprise de l’autre) sur le projet Alpha et une fois lancée je ne pouvais plus m’arrêter. C’est comme ça que 6 titres sont sortis de terre, de mon âme. Je ne l’ai fait écouter à personne et cela a été une vraie surprise, notamment pour mon ancienne équipe. J’ai vraiment voulu arriver dans une ambiance particulière.
CM : Pourquoi Alpha ?
Luyanna : Justement parce que c’est un projet indépendant. Je me vois vraiment comme une louve : je suis de nature indépendante, je marche souvent seule. Je trouve que c’est le titre qui met le plus en valeur toute l’inspiration du projet.
Le loup est devenu mon symbole. C’est mon animal préféré, un animal qui m’a toujours fascinée. C’est pour cette raison que je n’ai pas eu peur de faire ce projet. Je pense que je me suis révélée et découverte plein de facettes.
CM : Qu’est-ce que tu dirais d’ailleurs à une femme qui veut se lancer dans la musique et qui ne sait pas par où commencer ?
Luyanna : Je pense que la première chose, c’est de trouver son chemin musical, de travailler sa créativité, d’aller au bout des choses. Même si l’entourage va dire que c’est nul ou autre, il faut vraiment aller au bout de ses idées, au moins prendre la température. Après, c’est aussi le public qui nous guide, mais le plus important est de faire la chose pour nous et d’en être fière. Si c’est un projet qui nous ressemble et qu’on est capable de défendre, il y a forcément une team qui nous suivra dans ce sens-là, une famille qui va s’en dégager.
La deuxième chose, c’est de bien s’entourer. C’est vrai que par rapport à la musique, il y a plein de choses : il y a le côté contractuel que je ne connaissais pas du tout par exemple. Je me suis fait guider de ce côté-là, parce que c’est un milieu de requin. Quand on ne s’y connaît pas, on peut vite se faire avoir. En plus, en étant femme, on fait un peu fragile, donc c’est vrai qu’on peut vite tomber de haut. C’est donc très important de trouver des personnes sincères.
CM : Tu as suivi une scolarité au studio international des arts de la Scène. Penses-tu que c’est nécessaire de faire une école d’art ?
Luyanna : Je pense que c’est intéressant de le faire si l’on peut. A l’époque, j’avais une vingtaine d’années quand j’ai fait cette école. J’avais 20 heures de cours par semaine et je faisais 20 heures de travail afin de payer l’école. C’est tout à fait jouable et à la portée de chacun. J’étais tout de même chez mes parents, mais travailler m’aidait à être indépendante. Faire une école d’art permet de nous ouvrir artistiquement. J’ai pu aussi faire du théâtre. C’est très différent du chant, mais cela permet un complément sur la gestion des émotions. Je ne pense pas qu’il faille passer par là pour réussir, mais je trouve que cela permet d’aller au-delà de nos capacités et d’apprendre à se connaître vraiment.
CM : As-tu des concerts de prévus?
Luyanna : Je n’attends que ça ! Tu imagines bien qu’au vu du clip de Bye Bye, j’ai préparé un truc de fou. J’ai préparé des nouvelles versions, tout ce que j’ai pu faire avant. En tout cas, tout est prêt pour pouvoir vendre un concept de show. Donc j’espère.
CM : Pour finir, ma question signature : est-ce que tu as un message pour les jeunes lusodescendants ?
Luyanna : Je trouve que nous avons une super belle communauté, une belle langue à défendre et que nous sommes très fédérateurs. C’est une chance. Je suis chanceuse d’être Portugaise et d’être née dans le corps d’une Portugaise pour dire la vérité.
Le message que j’ai est : la patrie avant tout. Sur les paroles de mon titre Bye Bye, je dis : « Nous sommes des femmes alpha, une âme puissante, passion Lusitane ». C’est un petit clin d’œil aux femmes portugaises.
CM : Très beau message ! Merci beaucoup Luyanna.
Nous vous invitons à écouter Alpha, disponible sur toutes les plateformes d’écoute !
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Interview réalisée par Julie Carvalho,