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27 novembre 2023Entrevista exclusiva com Odette Branco, a criadora da poética representação da vida de Florbela Espanca, “Jardins Nocturnes”
28 novembre 2023Durant les mois de septembre et d’octobre, la pièce de théâtre Jardins Nocturnes, d’Odette Branco, représentant la poétesse portugaise Florbela Espanca durant les derniers instants de sa vie, était jouée tous les jeudis au Théâtre Clavel à Paris. Mise en scène par Guy Calice et jouée par Carole Hourseau, Sophie Cellier, Christophe Daci et Marco Guzzon, la pièce a été présentée par les compagnies Stella Felice et Calypso Théâtre. Les comédiens nous ont offert une interview exclusive !
Cap Magellan : Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter un par un ?
Sophie Cellier : Je m’appelle Sophie Cellier, je suis comédienne sur Paris. J’ai 26 ans et je suis en troisième année au cours Florent.
Christophe Daci : Je m’appelle Christophe Daci, je suis comédien et metteur en scène. En parallèle de ce projet, je joue en ce moment au Théo Théâtre, jusqu’au 20 décembre, dans Don Juan, la mort qui fait le trottoir de Montherlant, le rôle d’Alcacer, avec la compagnie Groucha.
Carole Hourseau : Je suis Carole Hourseau, je suis comédienne, danseuse, professeure de danse et chorégraphe.
Marco Guzzon : Je m’appelle Marco, je suis originaire de Franche-Comté, où j’ai commencé le théâtre dans une troupe de lycée. J’ai suivi une formation d’ingénieure où j’ai intégré la troupe de mon école, puis également en Italie où j’ai continué mes études d’ingénieur. J’ai rejoint ce projet professionnel parce que je connaissais Guy, qui est mon voisin. J’ai toujours été passionné par le théâtre ! J’en écris beaucoup maintenant. J’étais très curieux d’avoir une expérience professionnelle sur scène donc j’ai sauté sur l’occasion lorsqu’on m’a parlé du projet !
Cap Magellan : Christophe et Carole, quels ont été vos parcours de comédiens ?
Christophe Daci : Je suis monté à Paris pour faire du théâtre. Je suis devenu assistant réalisateur et j’ai travaillé sur plusieurs films. Le théâtre me manquait, donc j’ai passé un casting pour essayer et j’ai été pris ! Les projets se sont enchaînés par la suite. J’avais également envie de mettre en scène, ce que j’ai fait avec Grand-peur et misère du IIIe Reich, de Brecht, qui a bien marché et qui a été prolongé deux saisons. A partir du 20 janvier 2024, je présente mon nouveau spectacle : Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz, au Théâtre Clavel.
Carole Hourseau : J’ai suivi une formation avec des cours, puis j’ai rapidement intégré une troupe de théâtre. J’ai fait plusieurs spectacles dans la même compagnie, ainsi que d’autres spectacles en parallèle. J’ai joué de la tragédie, de la comédie et même un spectacle pour enfants !
Cap Magellan : Vous jouez dans la pièce Jardins Nocturnes, une pièce sur Florbela Espanca. La connaissiez-vous avant ?
Guy Calice : Pas du tout ! A la différence d’Odette je ne suis pas portugais, donc je n’avais aucun historique de la culture portugaise. C’est elle qui m’a fait découvrir cet univers de la poésie portugaise. Dès le départ en lisant le texte, j’ai été emballé ! Tout en me disant que cela allait être très difficile à monter. C’est une pièce très atypique, qui ne ressemble à rien de ce que l’on voit au théâtre en général. Cela a été une longue construction de la mise en scène pour arriver à recréer l’atmosphère. Il fallait également respecter le texte dans lequel il y a le personnage de Florbela, mais également sa pensée. Il était important de représenter ces deux personnages, qui sont interprétés par la même comédienne.
Sophie Cellier : Non pas du tout. J’aime beaucoup la poésie, mais je suis plus accès film et théâtre donc ce n’est pas un domaine dans lequel j’ai beaucoup de connaissances. Cela m’a permis d’apprendre beaucoup sur elle et sur la poésie au Portugal. J’ai une amie passionnée de poésie qui m’a initié à la rencontre avec Florbela, parce qu’elle adore sa poésie ! J’ai également appris à la connaître en travaillant sur le texte de la pièce évidemment.
Carole Hourseau : Pas du tout ! J’ai d’abord rencontré le metteur en scène, qui m’a fait lire la pièce. Je ne lui ai pas dit oui tout de suite, parce que je trouvais que ce n’était pas un texte facile. J’ai finalement dit oui, j’ai travaillé le texte et j’ai lu la biographie de cette poétesse. C’est une femme qui était très en avance sur son temps.
Marco Guzzon : Pas du tout ! Premièrement parce que je suis un mauvais lecteur. J’aime beaucoup écrire et jouer, mais j’ai du mal à lire. J’ai découvert en découvrant la pièce et grâce à la biographie que Guy nous a donnée également. Je pense que nous sommes tous tombés un peu amoureux de sa poésie.
Cap Magellan : Le metteur en scène de cette pièce est Guy Calice, mais en tant que comédiens avez-vous pu y participer également ?
Sophie Cellier : Les répétitions constituaient un espace assez inclusif. Si nous avions des propositions, des idées, des questions sur le personnage, etc, nous pouvions nous exprimer. C’était un espace créatif très inspirant dans lequel nous nous sentions écouté. En tant qu’acteur, il est tout de même important de savoir respecter notre rôle pour laisser le metteur en scène mettre en place sa vision.
Cap Magellan : Carole, tu jouais le personnage principal, Florbela Espanca, le dernier jour de sa vie. Comment fait-on, en tant que comédien, pour entrer dans un rôle aussi intense que celui-ci ? Cela n’impacte pas le moral ?
Carole Hourseau : Moi non ! J’arrive à jouer et à ressortir du rôle. Le rôle de Florbela est très pessimiste et triste, ce qui n’est pas du tout moi, je ne suis pas comme ça dans la vie de tous les jours ! Je ne peux pas dire comment j’entre vraiment dans le rôle. Le texte aide beaucoup. Je ne force rien, je ne veux pas forcer, mais j’essaye d’être réellement dans le ressenti de ce qu’elle a vécu. Ce n’est pas toujours évident puisque c’est un texte très poétique, donc on ne peut pas l’exprimer avec un langage courant moderne. J’essaye juste d’être la plus sincère possible et de laisser passer les émotions, sans en rajouter, sans entrer dans le pathos.
Cap Magellan : Sophie, tu jouais Florbela jeune. Comment as-tu réussi à t’imprégner du personnage ?
Sophie Cellier : Cela a été une très longue aventure. Le texte est très poétique, contrairement à d’autres textes théâtraux ou d’autres scénarii, et le lyrisme a constitué, pour moi, une nouvelle manière de travailler un personnage. Evidemment, je me suis renseignée, j’ai fait des recherches, etc. Odette Branco nous avait fait un super dossier pour que nous puissions bien la connaître. Je pense tout de même qu’une fois en répétition nous avions la liberté de créer notre personnage, sans nous détacher de la réalité, mais en nous focalisant sur certains aspects. Je représentais sa jeunesse : ses premiers écrits, ses premiers espoirs, ses premiers amours, ses premières rencontres, ses premières expériences de la vie, etc. C’est sur cet aspect de sa vie que je me suis focalisée. Le texte rejoint sa poésie et le mien traite beaucoup de l’espoir, de l’amour, de l’envie de tout faire dans la vie, etc., ce qui est l’opposé du travail que Carole a fait sur son personnage. C’était intéressant de voir l’évolution du personnage dans nos deux interprétations.
Cap Magellan : Christophe, tu jouais l’Idéal, le grand amour de Florbela. Qu’est-ce que ce personnage représente ?
Christophe Daci : L’Idéal est un personnage qui n’existe pas, contrairement au frère et à Bela jeune. Florbela a été mariée trois fois, ce qui est très moderne pour le début du XXe. Odette dans son écriture a fait la somme de ses trois maris ainsi que de la quête de l’Amour de la poétesse dans ce personnage. C’est le seul personnage qui n’existe pas, qui est totalement fictif.
Cap Magellan : Comment as-tu fait pour t’imprégner d’un personnage fictif ?
Christophe Daci: C’est grâce au travail avec les acteurs, notamment Carole et Sophie, avec la complicité et le passé qu’elles apportent sur scène, que j’ai pu composer et me nourrir pour créer la connexion qui existe entre nous sur scène.
Cap Magellan : Toi Marco tu jouais le défunt frère de Florbela qui lui apparaît pour essayer de lui redonner espoir, mais sans réellement y arriver. Comment tu l’as ressenti ?
Marco Guzzon : C’était très dur. C’est le rôle le plus dur que je n’ai jamais eu. J’ai eu du mal à savoir où me situer. L’amour fraternel est un sentiment compliqué à retranscrire. C’était aussi compliqué de savoir si j’étais un spectre qui devait l’enfoncer ou le tirer vers le haut. J’essayais de la tirer vers le haut le plus possible lors de mes répliques qui sont peu nombreuses. C’était difficile, mais j’ai vraiment pris ce rôle à cœur. J’ai l’impression d’avoir réussi à trouver le bon équilibre pour être un personnage qui lui donne un peu d’espoir.
Cap Magellan : Dans la pièce, nous pouvons voir de la danse contemporaine. Qu’est-ce que cela apporte à la représentation ?
Sophie Cellier : Ce que je trouve beau c’est que la pièce est constituée de nombreuses émotions dites à voix haute. Je pense que la danse permet de montrer ses émotions d’une manière différente, sans parole, mais poétiquement. Cela représente sa poésie d’une autre façon.
Carole Hourseau : En général, ce qui ressort des retours c’est que, étant donné que la pièce est dure, les danses amènent un peu de légèreté.
Christophe Daci : La danse avec Bela jeune représente le sentiment amoureux, la naissance de l’amour et la passion du début de la relation. C’est comme une scène de séduction. A contrario, la scène avec Florbela où je danse avec Carole arrive au milieu d’une dispute. Il y a beaucoup de tension. Ce qui est intéressant, c’est que nous prenons la même musique, mais nous la traitons avec deux émotions différentes, ce qui crée des danses totalement différentes.
Cap Magellan : La passion de Florbela se voit également dans son rapport à la poésie.
Christophe Daci : Oui, c’est quelque chose qu’Odette représente très bien dans son texte. Lorsqu’un artiste crée, le processus de création peut être très douloureux. Cela peut rendre la vie amoureuse très compliquée puisque, comme tu le dis, cela fait appel à la passion. C’est un terme que nous avons tendance à mettre dans la vie amoureuse en général, mais en réalité cela peut être n’importe où. Florbela avait une passion débordante qui se confrontait donc à cela.
Cap Magellan : Il y a également du chant en portugais. Comment cela s’est passé ?
Carole Hourseau : Initialement, on nous a dit que chacun devait choisir une chanson. Les garçons avaient déjà choisi : l’un chante en catalan et l’autre en italien. J’ai dit à Sophie que ce serait dommage de chanter en français, pourquoi ne pas chanter en portugais ? Aucune de nous ne parle portugais, mais nous pouvions prendre une petite partie d’une chanson. C’était aussi un petit clin d’œil pour Odette et pour Florbela !
Sophie Cellier : Ce n’était pas facile au début. La chanson que je chante est la poésie que je dis juste avant. C’est une chanteuse qui a adapté sa poésie en chanson. Cela a été un challenge ! Je n’avais jamais chanté en public, donc j’ai pris des cours de chant. La professeure parlait portugais, donc elle a pu m’aider avec la prononciation.
Guy Calice : La danse et les chansons n’étaient pas dans le texte, mais je voulais créer une respiration pour le public. La poésie est quelque chose de très beau, mais qui est difficile pour le public, quel qu’il soit. Il était nécessaire de créer des plages de respiration avec de la danse ou des chansons, tout en reflétant l’atmosphère de la pièce.
Cap Magellan : Pourquoi devons-nous voir cette pièce ?
Carole Hourseau : C’est une pièce assez singulière. Ce qui compte c’est que les gens ressentent une émotion. Ils peuvent aimer ou ne pas aimer, mais cela fait vivre et vibrer quelque chose chez le spectateur. En venant, vous allez vivre quelque chose !
Marco Guzzon : Il faut voir cette pièce pour découvrir la poésie de Florbela Espanca. Il y a des personnes qui ne vont pas apprécier les pièces très dramatiques, ce que je peux comprendre. Notre mise en scène est relativement sobre et laisse beaucoup de place aux acteurs, il faut être assez réceptif. J’ai eu des retours qui allaient dans mon sens, mais je trouve vraiment que c’est une très bonne porte d’entrée dans la poésie de Florbela Espanca. Nous avons fait un travail important pour rendre la poésie le plus intelligible possible. Je pense que c’est la partie la plus importante et la plus précieuse de notre travail : retranscrire l’œuvre de Florbela Espanca.
Cap Magellan : Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Carole Hourseau : Nous aimerions beaucoup aller plus loin pour cette pièce ! J’adore ce rôle. J’aime les rôles assez forts, même si je peux faire autre chose aussi. Souhaitez-moi de jouer d’autres rôles forts !
Sophie Cellier : De pouvoir continuer à travailler sur des projets avec des personnes qui sont aussi investies, des projets qui ont une histoire qui me touchent autant et de me découvrir dans des personnages que je ne choisirai pas forcément.
Christophe Daci : Que le spectacle continue, que cela marche toujours bien et que Florbela soit très connue dans le monde ! Je serai très content si grâce à ce spectacle certains s’intéressent à sa vie. Chaque personne que nous avons touché et chez qui nous avons éveillé la curiosité représente une victoire.
Marco Guzzon : De toujours être passionné par le fait d’écrire, de toujours prendre du plaisir à écrire et que cela ne devienne jamais toxique.
Cap Magellan : Et bien c’est ce que je vous souhaite ! Merci !
Nous vous invitons vivement à continuer à suivre ce superbe projet, en espérant de nouvelles représentations ! Vous pouvez suivre le compte instagram de la pièce et vous renseigner sur le travail de Florbela Espanca en attendant.
Interview réalisée par Julie Carvalho,