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Pourtant, en 1986, lors de l’intégration du Portugal et de l’Espagne à la CEE, les Portugais manifestaient avec entrain leur volonté de l’intégrer. Une étape majeure pour le processus de démocratisation en cours, synonyme d’un important développement économique. Alors, plus que d’un simple esprit de contradiction, il fallait être porteur d’importantes convictions pour tempérer voire s’opposer à ce processus d’intégration européenne, plutôt univoque en son temps. C’est ce qu’incarne José Saramago, l’auteur du roman « A jangada de pedra ». Ainsi, revenons sur cet ouvrage qui tend à questionner non seulement notre identité en tant qu’ibériques, mais aussi nos liens avec le reste de l’Europe tout comme notre place au sein de l’Union européenne.
Ce roman débute par la séparation de la péninsule ibérique du reste de l’Europe. L’écrivain portugais choisit de détacher cette terre du continent, dès lors, elle vogue sur l’océan Atlantique, tel un radeau. Grâce à cette métaphore du radeau, Saramago nous pousse à questionner notre rapport identitaire au reste du continent européen. Cette péninsule a toujours eu le regard porté vers l’Atlantique. C’est là qu’il choisit d’y bâtir son utopie. Des premiers cabotages d’Henri le Navigateur jusqu’aux récentes décolonisations, un lien fort s’est constitué avec l’Afrique comme l’Amérique. Il convoque ainsi l’un des grands mythes de l’identité collective portugaise, la mer, centrée autour de la période des « Grandes découvertes ». Une période synonyme de puissance, autant culturelle qu’économique, dont l’évocation tend à rappeler que ni le Portugal ni l’Espagne ne doivent oublier cette histoire qui les unit et ces caractéristiques propres, qui les distinguent du continent, à une époque où leurs regards sont tournés vers Bruxelles.
En effet, Saramago redoute une perte de souveraineté comme un manque de considération pour ces deux pays, qui, mis à l’écart, subiraient les décisions des grandes puissances européennes. C’est ce qu’illustrent les mouvements de contestations qui surgissent au fil du roman et le slogan « Nous aussi sommes ibériques ». Une fracture accentuée par les immigrés, qui, ayant quitté le radeau, sont davantage préoccupés par leurs intérêts particuliers et incitent : « Faites comme moi, choisissez l’Europe ». L’idée d’une « ibérité », une identité distincte du reste de l’Europe, qu’il souhaite protéger, le pousse à inscrire son utopie loin de l’Europe en dépit des possibles intérêts économiques.
En réalité, rappelons que l’intégration européenne du Portugal fut instigatrice de progrès et de nombreuses « initiatives atlantiques ». La création de la CPLP en 1996, démontre des relations renouées et apaisées avec les pays lusophones, alors que la page de l’Empire fut fermée. Eu égard à cela, le Portugal reste l’interlocuteur privilégié entre l’Union européenne et ces territoires, et contribue activement au renforcement des échanges diplomatiques, économiques et culturels. Un rôle important qui accorde une place et de l’importance au Portugal au sein de l’Union européenne.
Finalement, 38 ans après, même si le bilan de l’intégration européenne du Portugal reste positif. Ce roman, lui, porte toujours des enseignements, il nous appelle à construire une Union européenne éthique, ne laissant à la marge aucun de ses territoires. C’est le rôle qui incombe à nos eurodéputés, chargés de défendre la voix des Portugais au Parlement européen.
Luis Tiago Pereira Cardoso
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Le 22/07/2024