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5 mai 2017Jacques Blanchard, un photographe, un sacré personnage. Son art : la photo. A découvrir, à divulguer. Son amour, un pays : le Portugal. Amour partagé par et avec son appareil photo, qu’il nomme : Véronique.
Pour nous qui avons été invités par Jacques Blanchard à lui faire une visite : une sacrée découverte, un honneur d’avoir pu visiter un lieu ou le temps s’est arrêté. Le lieu est un véritable musée, les photos sur les murs sont statiques comme les personnages ou les lieux qu’ils représentent, toutefois elles en disent long. Il y a les sentiments qui se transmettent : celui du personnage, celui du photographe et celui du visiteur, du spectateur.
Jacques Blanchard a été pendant 40 ans professionnels de la photo. Il a travaillé pour l’OTAN, des grandes entreprises et des scientifiques.
Retraité depuis 2006 : il a fait une croix sur une partie du passé. Arrivé en retraite il a mis tout un ensemble d’objets, son ordinateur inclus, dans sa voiture et a tout jeté dans une déchèterie. Depuis il n’a pas racheté d’ordinateur.
En plus du thème du Portugal, Jacques Blanchard possèdent d’autres collections pour expositions : « La France rurale en 1907 », « gens du voyage », « Naviguer sur Terre, l’Europe : les Gens de l’eau », « vadrouille en Ecosse » et « vadrouille en Irlande ».
Il y a des moments rares dans la vie. Rencontrer Jacques Blanchard en fait partie. Nous l’avons interviewé à Paris pas loin du Boulevard Isaac Péreire. Pour la petite histoire, Isaac Pereire et son frère, furent des ingénieurs, financiers, hommes politiques qui ont contribué au décollage de la France industrielle du second Empire, ils sont petits fils de Jacob Rodrigues Pereira, juif portugais né à Peniche en 1741. De notre dialogue avec Jacques Blanchard en voici un long extrait pour lusojornal:
Lusojornal : Vous vivez dans une maison musée. Est-ce important la compagnie de ceux que vous avez photographiés et des lieux visités ?
J.Blanchard : Véronique, ma caméra-photo chérie, fatiguée de servir les entreprises durant 40 ans a choisi d’investir le décor de vie de son fidèle serviteur pour y installer les souvenirs de ses exploits professionnels passés ; c’est ainsi que prétentieuse elle a décidé de nommer « Musée de Véronique »
Elle a installé les jouets préférés de nos aventures (flashs électroniques, rouleaux de papier de fond et autres bricoles) et a complètement recouvert les murs des images les plus joyeuses de notre collaboration, précisément des photographies de comédiens de nos dernières années de labeur…
C’est ainsi qu’elle surprend les visiteurs que j’ose inviter. De fait chacun demeure sourd et muet, stupéfait par ce décor incroyable. Les images et les objets sont à ce point insolites, que quelques minutes s’évanouissent avant de remarquer un siège, une table déguisée en vitrine. Les yeux rassasiés, les oreilles et les lèvres se réveillent…
Lusojornal : Vous avez photographié le Portugal du haut en bas. Comment vous est venu cet amour pour ce pays ?
J.Blanchard : Grouillant au fond d’un chapeau pour un authentique tirage au sort, cinq destinations de vadrouille, sélectionnées pour célébrer onze mois d’efforts de deux copains de lycée espèrent être honorées du geste innocent d’un complice…
Le Portugal a gagné à ce jeu du hasard !
Août 1966 à 8 heures les barrières douanières de la route Madrid-Lisbonne s’ouvrent enfin ; à garde a vous le long de la route des eucalyptus nous enivrent de leur senteur aussi délicieuse qu’inattendue…C’est le coup de foudre : je suis amoureux, Véronique aussi.
Trois voyages 1968,1971 et 1981 confortent cet attachement ; le Portugal est le seul pays que je quitte à regret. En 1981 je me promets de ne pas finir ma vie sans un retour, peut-être une dernière visite. Encouragé par Véronique nous décidons une nouvelle « escapade » au pays de Juillet 2014 à Février 2015.
L’accueil des Portugais est inouï de gentillesse, de spontanéité, de dynamisme et d’espoir du lendemain…L’humour est omniprésent, autant que l’imagination. Le Portugal travaille en souriant. Le Portugais est fier de son passé d’aventurier des mers, de son indépendance à côté de son « voisin ». La population a su se séparer de l’enferment et de l’horreur de la dictature sans heurts majeurs.
Su grand nord au sud lointain, d’est en ouest, le Portugal se distingue par l’élégance de son urbanisation, tant ses villages que ses grandes cités. La Nature respectueuse de cette volonté participe de ses monts et vallées et de ses bords de mer…
Lusojornal : A part le Portugal quels sont vos autres thèmes de prédilection dans la photo ?
J.Blanchard : Véronique, avec humour et amour, guette les « émotions inopinées » de son serviteur dont elle espère l’audace et le sang-froid. Notre regard est guidé autant par une similitude inattendue avec ce que nous côtoyons en France, que par les différences qui nous surprennent.
Les détails du suspense demeurent ; la liste des images taquine l’imagination. Seule une visite de l’exposition éclaire avec sincérité sur l’interprétation des sujets retenus…
Lusojornal : Vous nous avez montré une photo d’une statut. Vous avez pris des heures voir des jours pour la photographier. Pourquoi ?
J.Blanchard : Véronique est très méticuleuse et exigeante. L’«affaire » de la Statut du Marin Pécheur est un exemple typique. L’angle de prise de vue autant que l’éclairage sont responsables de la mise en valeur du travail de l’artiste sculpteur.
La circulation automobile rend délicate son approche. Le soleil et les éventuels nuages ne sont pas évidemment coopératifs. La nuit l’éclairage publique dédié à son anatomie n’est pas vraiment favorable. Les tentatives pour le neutraliser avec des flashs électroniques sont décevantes.
Finalement c’est Misha, la boussole, qui parvient à soutenir l’effort en définissant l’horaire d’un éclairement pour l’angle de vue adéquat.
Lusojornal : Photographier parait simple, toutefois il faut souvent prendre des précautions et demander des autorisations. Racontez-nous l’histoire du bateau tiré par un remorqueur.
J.Blanchard : Aux complications techniques s’ajoutent éventuellement celles des autorisations de tournage…destinées à un usage publique, éditions, expositions, etc. Elles sont obligatoires.
Elles concernent principalement les lieux privés et publics clos. La rue échappe donc à cette règle, toutefois si photographier la foule n’est pas illégal, cadrer un visage exige un accord. Il est remarquable que les têtes de quelques personnages d’un reportage télévisé sont « flouées » par défaut de ne pas avoir pu obtenir la permission, voir de ne pas avoir pu même la solliciter…
L’autorisation suppose un accord de principe avant les prises de vues et sa confirmation « visa d’exploitation » sur observation des résultats
« Le droit à l’image » concerne les personnages et les lieux privés. En France, le Tribunal peut ordonner que l’image soit retirée ; par ailleurs le responsable est passible d’une amende qui peut atteindre 50.000 euros auxquels peut être ajouté un an de vacances en prison.
« Le droit à l’information » soutient toute contestation dès lors ou un évènement authentique exceptionnel filmé intéresse l’information publique.
« Le droit d’auteur » concerne le réalisateur de l’image, tant au niveau d’un accord de diffusion qu’à la rémunération correspondante.
« Contestations » : je suppose la prescription toujours limitée à 50 ans.
A titre d’exemple, je citais les photos aériennes à l’entrée du Port du Havre du convoi d’un remorqueur halant au bout d’un filin de 150 m un automoteur de rivière de 2.300 tonnes (Dunkerque-Le Havre « balade en mer » environ 20 heures).
Liste des autorisations : Direction de l’Aviation Civile au Havre, accord du plan de vol par la Gendarmerie à Paris respect de la frontière entre la zone de survol autorisée et interdite. Accord avec les propriétaires et les capitaines des bateaux (30 jours de négociations). Ultime souci : convaincre toutes les parties de retarder le départ d’une demi-journée de façon à disposer d’un éclairage solaire d’ouest en est…
En cours de prises de vues communications radio entre le pilote de l’avion et le capitaine du remorqueur. Difficultés de repérage en mer tant avec les yeux qu’avec les radios dues aux différences de puissance des émetteurs. Premier vol et retour à la piste avant celui des prises : 150 Km/h, altitude 300 m, porte supprimée côté caméras 2X70mm-pour 160 clichés.
La collection « Naviguer sur Terre », la Batellerie en Europe de l’Ouest, a nécessité 600 signatures. Chaque collection se voit « punie » de quelques deux ou trois refus. Le Portugal fait exception : aucune obstruction.
Lusojornal : Comment photographier vous les personnages ?
J.Blanchard : Comment Véronique pourrait elle envisager une collection sans visage : un pays sans habitants ?! De fait Véronique dispose d’un studio mobile de prises de vues portraits…Modèle réduit de celui de Paris, spécifiquement conçu pour cette activité, elle a choisi une remorque caravane dont elle a ordonné des modifications d’ameublement et l’installations d’un éclairage électronique.
Le modèle est surpris par le décor, le projet ; certains sont impressionnés, mais fiers, d’être sélectionnés ; tous sont ravis de participer. Le protocole consiste à enfermer « le parient » dans le studio de façon à l’isoler des distractions extérieures, à mobiliser son attention les yeux dans la caméra, à dialoguer jusqu’à ce que son regard libère l’image de son tempérament !
La séance ne doit pas durer plus de 5 minutes. L’œil et l’index gauche sont en alerte. En général un cliché suffit. Véronique tente volontiers 3 à 5 vues supplémentaires si elle éprouve la sensation de pouvoir mettre rapidement en évidence quelques traits de caractère annexes du sujet. Ces séances sont éprouvantes mais passionnantes.
Lusojornal : Peut-on tomber amoureux d’une photo ?
J.Blanchard : Certaines images commandées par les entreprises, plus particulièrement celles concernées par la recherche scientifique posent problème car il faut tout inventer. Etre amoureux d’une photo, puisque telle est la question, ne peut guère se dissocier du sujet, de fait nécessairement de l’image d’une personne.
L’amour étant associé au sentiment de jalousie, Véronique ne fait pas exception. L’idée de devoir admettre que l’émotion dégagée par l’image de l’un de ses modèles préférés soit mieux contrôlée par une caméra concurrente est une bien grande souffrance qui se manifeste par la honte associée à une illusion d’incompétence.
Quand je pense au Portugal, je me souviens du visage si gracieux d’une jeune fille de 16 ans rencontrée da ns un village en 1968 : un charme naturel, une élégance toute simple. Alors Véronique a décidé qu’en 2014 il fallait la retrouver et la photographier de nouveau…
Véronique serait contre moi si cette confession ne révélait pas qu’en France elle a aussi un modèle qu’elle adore photographier et photographier encore. Une jolie silhouette mais surtout un regard aux modulations infinies à faire frémir d’émotions intenses, bref un chef d’œuvre d’authenticité, un immense talent de comédienne.
La discrétion contraint Véronique à garder secrète l’identité des deux femmes. Toutefois, rassurée par certaines garanties d’emplois présentées par un metteur en scène du grand écran Véronique confortée, voir encouragée par la comédienne, se réjouirait d’être surpassée.
Lusojornal : Vous avez des centaines de photos sur le Portugal, pourquoi n’éditiez-vous pas un livre, d’autant plus que vous écrivez merveilleusement bien aussi ?
J.Blanchard : La publication ne fait pas partie des projets de Véronique. Elle redoute l’édition de ses images sur papier ou sur la toile. Elle lui préfère l’exposition. Telle le prise de vues en studio, l’accrochage des photographies en lieu clos, contraignant à un déplacement mobilise l’attention à l’écart de toute distraction.
Suivant le nombre de photos, le spectacle retient son public durant une à deux heures. Il n’est pas rare que certains visiteurs se déplacent deux fois ; éventuellement parce qu’ils n’avaient pas imaginé le sujet traité avec autant d’images et de précision, d’autres parce qu’ils s’ont pas pu s’asseoir durant quelques minutes, beaucoup parce qu’ils souhaitent revenir en compagnie d’amis concernés.
Lusojornal : Quelle idée avez-vous de la photo en tant qu’art et quelles sont les perspectives pour vos collections ?
J.Blanchard : Véronique ne cesse de crier que je ne fais rien pour que le Public puisse voir nos images. Elle prétend que je suis égoïste de vouloir être seul à en profiter ! Je me défends en affirmant alerter sans cesse les Municipalités, expliquant qu’elles n’osent pas justifier leur refus de participation à une exposition lié à une déficience financière malgré l’apport culturel évident.
Véronique boude et affirme que je dois moi-même soutenir le budget culturel des mairies et de fait prendre en charge le financement des expositions…Je lui rappelle tout l’argent déjà dépensé pour l’achat de sa caisse de jouets, de celui gaspillé par le tracteur de sa cara vane studio, sans oublier tous ses consommables, pellicules, papier photos, chimie, etc.
Véronique tient décidément à voir « le dernier mot » et décide que je ne dois plus acheter de cigarettes…Ne dit on pas que Van Gogh échangeait ses toiles contre des tubes de peintures, alors qu’aujourd’hui elles se vendent à prix d’or sans créer scandale !!!
Mais c’est une autre histoire, celle d’un artiste ; nous ne sommes que de petits artisans.
Pour une exposition sur le Portugal contacter Jacques Blanchard au 01 43 80 76 21
Rédaction : Antonio Marrucho