Le 22 janvier dernier, Adeline Casier était à Paris à la librairie Rubrique à bulles pour sa première dédicace. Cap Magellan y était et elle nous a offert une interview exclusive nous permettant de revenir sur sa première bande dessinée, Em Silêncio, publiée le 2 janvier aux éditions La Boîte à Bulles.
Cap Magellan : Bonjour Adeline, j’espère que tu vas bien. Nous sommes à la Rubrique à bulles à Paris. C’est ta première dédicace. Comment ça s’est passé ? Il y a eu du monde ?
Adeline Casier : Oui, il y a eu quand même quelques personnes, mais j’ai vraiment pris le temps de pouvoir discuter avec chaque personne qui souhaitait une dédicace. Donc c’était bien qu’il n’y ait pas trop de monde non plus pour prendre ce temps-là avec chacun et chacune.
CM : Ta bande dessinée Em Silêncio a été publiée le 2 janvier dernier aux éditions La Boîte à Bulles. Tu reviens sur le salto de ton grand-père. Pourquoi as-tu voulu transmettre cette mémoire si dure ?
Adeline Casier : C’est une histoire familiale déjà, donc évidemment cette histoire fait un peu partie de nous, de moi en tout cas. Initialement, cela me vient plutôt de ma maman qui me racontait une anecdote à propos de cette traversée clandestine. J’ai grandi un peu avec ça et puis, plus tard, j’ai eu envie d’en savoir plus et j’ai interviewé mon grand-père pour qu’il me raconte comment il avait décidé de partir, quel était le contexte, comment cela s’était passé, la traversée et l’arrivée en France.
CM : On a l’habitude de dire que la communauté portugaise est très taiseuse et ne parle pas de cette histoire. Comment cela s’est passé avec ton grand-père ?
Adeline Casier : Je dirais que ce cliché rentre un peu dans la personnalité de mon grand-père, mais il a accepté de raconter son histoire. Par contre, une fois qu’il me l’avait racontée, c’était terminé. Il n’a pas eu envie de revenir dessus ou d’ajouter des éléments. C’est plus ma mère qui me racontait ses souvenirs ou ce qu’elle avait comme informations. Elle avait six ans quand elle est arrivée en France.
CM : Depuis est-ce qu’il a lu la BD et qu’est-ce qu’il en pense ?
Adeline Casier : Alors il n’a pas encore lu la BD parce qu’on n’habite pas tout à fait à côté donc j’ai pas encore eu l’occasion de la lui ramener. Etant donné qu’il sait peu lire et écrire, je pense qu’il faudrait peut-être qu’on le lise avec lui. Ce serait un moment à partager et j’ai envie de prendre le temps de le faire sans être dans le rush, comme c’est un peu le cas en ce moment.
CM : Appréhendes-tu sa réaction ?
Adeline Casier : Oui quand même un petit peu je pense. Cela vient de lui, c’est lui que je représente même si c’est une fiction. J’étais quand même très libre dans la manière d’interpréter son témoignage, mais c’est vrai qu’on appréhende toujours la réaction des proches.
CM : Combien de temps de travail t’a demandé cet album ?
Adeline Casier : J’ai signé à la Boîte à Bulles en 2022 et il est sorti début 2025 donc cela fait plus ou moins deux ans et demi de travail très régulier et assez intense. Sinon j’avais ce projet depuis 2021 mais sans travailler tout le temps dessus. Il a fallu le temps de trouver une maison d’édition, de peut-être retravailler le dossier, retravailler le dessin un peu pour que cela soit vraiment abouti.
CM : Tu as tout fait tout seul, le dessin et le scénario. Ce qui m’a marqué est que les dessins soient en noir et blanc. Pourquoi as-tu choisi le crayon graphite ?
Adeline Casier : Si j’ai choisi cette technique c’est parce que le noir et blanc est l’outil avec lequel je me sens le plus à l’aise. J’ai plus de force à travailler en noir et blanc. J’avais réalisé mon projet de fin d’étude à l’encre de chine et j’avais envie de changer d’outil donc j’ai choisi le crayon tout simplement.
CM : De mon côté, j’avais plus analysé ce choix !
Adeline Casier : Effectivement je pense que cela peut être interprété. A la lecture, chacun peut intellectualiser le pourquoi de cette technique, mais c’était un choix assez simple de mon côté et je pense qu’on peut faire transmettre tout autant d’émotions avec une plume avec de la couleur qu’avec un crayon. Tout dépend de la manière dont on met en scène les choses finalement. L’outil n’est pas tant que ça. C’est aussi une question de préférences de l’artiste.
CM : Pourquoi avoir choisi la Boîte à Bulles comme éditeur ?
Adeline Casier :: Des amis avec qui j’ai partagé le même atelier d’artistes avaient publié à la Boîte à Bulles donc je connaissais déjà un peu ce qu’ils faisaient. Je n’avais jamais travaillé avec eux puisque c’est mon premier album. Je trouvais que mon récit pouvait rentrer dans leur ligne éditoriale. Je trouvais que ça correspondait quand même assez bien à ce qu’ils proposaient dans les albums qui étaient dans le catalogue. Je pense que c’est quand même important d’aller dans une maison d’édition qui correspond à ce que nous avons envie de raconter, qui nous correspond en tant qu’artiste et dans ce que nous voulons transmettre.
CM : Tu organises et tu animes des ateliers autour de la création et de la narration par l’image. Qu’est ce que ça veut dire exactement ? En quoi cela consiste ?
Adeline Casier : Les ateliers dont je parlais tout à l’heure sont des ateliers partagés entre artistes. C’est un peu comme un espace de coworking : nous avons chacun nos projets perso mais nous travaillons tous ensemble dans la même pièce pour avoir des retours etc.
Par contre j’anime effectivement des ateliers autour de dessin, art visuel, bande dessinée à destination d’ados, d’enfants ou d’adultes. En ce moment j’anime un atelier dans un centre culturel. Le but est de transmettre ma passion, que ces personnes-là puissent aussi découvrir un médium et s’exprimer à travers lui. Ce n’est pas vraiment un cours, l’objectif est plutôt d’essayer de les guider et les suivre dans ce qu’ils ont envie de faire, leur faire découvrir des techniques, leur faire découvrir des artistes, des références, etc.
CM : Ce sont de très beaux projets, félicitations ! D’ailleurs quelle est la suite ? Tu es en dédicaces en France et en Belgique durant les prochains mois, mais commences-tu à réfléchir à un nouvel album ?
Adeline Casier : Alors j’ai deux projets qui seraient en collaboration avec deux scénaristes, deux projets très différents avec deux scénaristes différents. Pour l’instant je ne le dévoile pas trop parce que ce sont des projets en genèse, dont moi-même je ne sais pas encore très bien exactement comment cela va être dessiné donc c’est en cours mais pour l’instant c’est un peu confidentiel.
CM : Et est-ce que tu penses refaire du scénario un jour ?
Adeline Casier : Oui ! J’ai un projet en tête mais j’ai envie de prendre du temps pour le réaliser. Il n’y a encore pas si longtemps, j’étais modèle vivante. Cela signifie que je posais dans des cours de dessin. J’ai envie de raconter, de parler un peu de ce métier, aussi pour debunker certains préjugés qui peuvent exister sur le métier de modèle et surtout parler de la représentation des corps féminins. C’est un sujet qui m’interpelle pas mal et puisque je l’ai vécu j’aimerais vraiment en parler. Je ne sais pas encore très bien dans quel récit, comment le mettre en forme, etc. Je pense que j’ai besoin de temps pour l’écrire et donc ces collaborations avec des scénaristes me permettront peut-être de travailler dessus à côté, pour le peaufiner, pour prendre le temps de savoir comment j’ai envie de le raconter, quel type de projet, avec quelle maison d’édition, etc.
CM : Pour finir, ma question signature : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Adeline Casier : Je dirais peut-être de continuer à poser des questions à nos ancêtres. Je veux dire à notre famille de garder cet héritage familial et de continuer à poser des questions à ses parents, ses grands-parents, sur leur histoire parce que cela résonne en nous d’une manière ou d’une autre. Je pense qu’il faut continuer à se renseigner sur ça, à poser des questions, à s’intéresser à qui sont nos parents et nos grands-parents et ce qu’ils ont pu vivre.
CM : Merci Adeline pour ce beau message ! Il faut aussi lire Em Silêncio évidemment !
Nous vous invitons à vous procurer Em Silêncio dans toutes les bonnes librairies ou sur le site de l’éditeur. Vous y retrouvez aussi les prochaines dates de dédicaces.
Pour plus d’informations, suivez Adeline Casier sur ses réseaux sociaux : Instagram, Facebook.
Interview réalisée par Julie Carvalho,