Encontro Europeu de Jovens Luso-descendentes : “Empregabilidade na Europa: o Digital ao serviço da Ecologia e da Inclusão dos Jovens”
31 juillet 2023Regresso sobre os Ateliers CAPMag Junior com Mafalda Mota
1 septembre 2023Cap Magellan a rencontré Ianis Periac pour discuter de son dernier livre, Lisbonne, au café du coin, sorti en février dernier aux éditions Elytis. Il nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Salut Ianis ! J’espère que tu vas bien et que tu as du beau temps à Lisbonne. Tu es journaliste de carrière, mais cette fois c’est toi qui vas répondre à mes questions ! C’est étrange pour toi ?
Ianis Periac : Ce n’est pas l’exercice dans lequel je suis le plus à l’aise, mais j’en avais déjà fait quelques-unes pour mes deux précédents livres. J’avais fait une grosse interview télé sur RMC, j’avais un peu paniqué (rires). Aujourd’hui c’est plus cool, je me sens plus à l’aise !
Cap Magellan : Nous nous rencontrons pour parler de ton dernier ouvrage, Lisbonne, au café du coin. Il fait suite à ton déménagement à Lisbonne en 2016. Pourtant tu n’es absolument pas portugais ou lusophone. D’où t’est venue cette envie soudaine ?
Ianis Periac : Cela s’est fait un peu par hasard. Je suis journaliste, je travaillais sur Paris dans un média. Je me suis fait renvoyer, donc j’ai commencé à travailler à la pige. J’avais plus de mobilité. A côté de ça, ma copine avait sa start-up, nous en avons donc profité pour voyager pendant un an, tout en continuant à travailler. Une fois cette expérience terminée, nous nous sommes dit qu’il était peut-être temps d’essayer de vivre ailleurs. Nous avions la trentaine, nous vivions dans un petit appartement parisien. Nous réfléchissions au sud de la France, à l’Espagne ou au Portugal. Nous étions déjà allés à Lisbonne quelques années auparavant et nous y sommes retournés en septembre 2016 pour deux semaines. Nous voulions voir si cela nous plaisait et finalement nous ne sommes jamais repartis ! C’était ce que nous recherchions : quelque chose de plus sympa, un appartement plus grand pour nos futurs enfants, un endroit tranquille et épanouissant pour les enfants avec de la nature pas loin, du beau temps, une population bienveillante, etc. C’est ce que nous avons tout de suite trouvé à Lisbonne !
Cap Magellan : Pourquoi avoir voulu coucher sur papier ton expérience lisboète afin de la partager au plus grand nombre ?
Ianis Periac : Cela a été assez dur pour moi de le partager. Il y a à peu près dix ans, j’avais fait un long voyage après avoir vu le film Carnets de voyage, adapté du journal de Che Guevara, dans lequel il écrit ses pensées lors de son voyage dans lequel il fait le tour de l’Argentine à moto. Lors de mon voyage, j’ai pris des carnets pour moi aussi écrire. J’ai adoré le faire ! Je voyageais différemment, je vivais les choses différemment, parce que pendant que je vivais, je réfléchissais à la manière dont j’allais écrire le soir. Cela donne un autre regard sur la vie, cela donne du recul et permet de se poser des questions. C’est une expérience que j’ai adoré et c’est une habitude que j’ai gardée ! J’ai toujours des carnets sur lesquels j’écris, notamment lorsque je suis en voyage. Quand nous sommes arrivés à Lisbonne, j’écrivais ce qu’il se passait dans ma vie, mes sensations, etc. J’avais donc plusieurs carnets dans un placard chez moi. Avec les hasards de la vie, je les ai retrouvés, j’ai rencontré Laura qui voulait travailler avec moi, avec qui j’ai parlé de ces carnets. En regardant les textes, je me suis rendu compte que la majorité tournait autour de ce café, qui était vraiment en bas de chez moi et dans lequel je passais beaucoup de temps. Mon rapport à Lisbonne et au monde lisboète passait beaucoup par là. Je me suis dit que cela pouvait être intéressant de regrouper ces écrits et de les illustrer.
C’est mon troisième livre, mais c’est assez difficile pour moi de proposer quelque chose que j’écris. Mes textes sont très personnels : ce sont mes pensées, mes sensations, etc. Je le fais pour moi et le partager c’est un acte compliqué. Le fait que ce soit avec Laura qui illustre mes écrits, cela permet de me légitimer et de me décomplexer. Nous avons donc essayé d’en faire un livre ! J’ai adoré travailler avec elle sur ce projet. Je lui envoyais des textes, elle les illustrait, nous nous faisions des retours, etc. Il y avait un vrai échange. C’était super intéressant, mais cela a pris du temps, ce qui explique que le livre soit sorti seulement en février dernier, alors que mes écrits datent d’il y a quatre ou cinq ans.
Cap Magellan : Pourquoi c’était important pour toi de faire un roman illustré ?
Ianis Periac : J’avais lu L’usage du monde, de Nicolas Bouvier. C’est l’histoire d’un homme qui part en voiture dans les Balkans. Il y en a un qui illustre et l’autre qui écrit. J’ai adoré ce format ! J’aime bien ce monde un peu hybride : des livres qui ne sont pas classiques, qui sortent de l’ordinaire classique que nous lisons à l’école. J’ai mis du temps à me mettre à la lecture et c’est par des auteurs qui n’avaient pas les codes de la lecture classique que j’ai commencé. J’aime bien aussi tout ce qui est hybride, qui se situe entre deux mondes. Je trouve également que ce qui est intéressant dans les livres illustrés c’est que cela offre deux visions d’un même sujet. Nous essayons de faire en sorte que les illustrations soient une interprétation du texte. Cela donne deux lectures : celle stricte du texte et celle des dessins de Laura. Je trouve que cela se complète assez bien et que cela donne différentes entrées à l’univers. Je pense également que cela me décomplexe. Ce n’est plus simplement moi qui propose mon projet, mais c’est nous qui le proposons. C’est plus simple à deux, parce que nous nous portons l’un l’autre, cela permet de promouvoir son travail à elle autant que le mien.
Cap Magellan : Tu as connu Laura Penez au café du coin. Comment cela s’est passé ?
Ianis Periac : J’avais monté un magazine sur Lisbonne et elle m’a contacté pour faire des illustrations dedans. À ce moment-là, nous étions trois associés et je voulais partir. Elle m’a montré son travail alors que j’étais en train de vendre mes parts et j’ai beaucoup aimé l’ambiance qu’elle proposait. Les atmosphères étaient toutes pleines de nostalgie, de mélancolie. Ce sont des sentiments qui me touchent beaucoup et que j’affectionne particulièrement. Je trouvais que ce que j’avais écrit allait bien avec son univers. Sans le savoir, nous étions quasiment voisins, donc nous nous sommes donnés rendez-vous au café. Nous avons parlé pendant deux heures de divers sujets. Nous en sommes ressortis avec l’envie de monter un projet ensemble !
Cap Magellan : Qu’est-ce que Lisbonne représente pour toi ? Comment perçois-tu la ville ?
Ianis Periac : J’ai deux filles qui sont nées ici. Cela fait maintenant sept ans que nous vivons ici, nous avons plein d’amis en ville et pourtant je n’arrive pas à réaliser que cela fait bientôt dix ans que je vis à Lisbonne. J’ai encore du mal à me dire que c’est ma ville. Je suis parisien donc je sais que chez moi c’est Paris. J’ai l’impression qu’ici je vis une parenthèse enchantée de ma vie, mais une parenthèse qui peut durer quarante ans !
Un jour, en revenant de Paris, nous avons pris le taxi qui fait le tour de la place et qui passe devant le café. Il était 18h, tout le quartier était dehors, le soleil commençait à se coucher. Nous sommes passés en taxi et j’ai eu l’impression de vivre une scène de film. Je le vois encore aujourd’hui ! À ce moment précis, je me suis dit « Ok, ici c’est chez moi, mais en même temps chez moi c’est un rêve ». Ma relation avec Lisbonne est très étrange, comme ma relation avec Paris. Cela revient à ce que je disais au début : j’aime bien l’entre-deux mondes.
Cap Magellan : Comment cela se passe pour ta conjointe et tes filles ? Comment vivent-elles la vie lisboète ?
Ianis Periac : Mes filles sont nées ici. Elles savent qu’elles sont françaises, parce que nous le sommes et que c’est la langue que nous parlons à la maison, mais elles vont à l’école portugaise, elles ont des amies portugaises. Elles sont franco-portugaises de Lisbonne et de Paris. Elles balancent entre deux mondes. Ma plus petite a trois ans et en ce moment elle me demande beaucoup de traduction d’une langue à l’autre. Elles sont en plein dedans !
Ma copine a son entreprise. Sa meilleure amie, qui est portugaise, est venue s’installer dans notre rue et elles se sont associées ! Nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Nous nous posons la question de rentrer à Paris un jour, notamment pour la famille, mais nous aimons beaucoup vivre ici pour l’instant.
Cap Magellan : De quoi tu vis actuellement toi ?
Ianis Periac : Je suis auteur et je suis toujours journaliste. Je fais régulièrement des piges pour le média 11 Mondial, et d’autres comme Society. J’ai quelques magazines avec qui je collabore, je fais des podcasts.
Cap Magellan : Dans ton livre, tu racontes que tu as du mal à apprendre le portugais. Tu le parles désormais ?
Ianis Periac : Je ne suis pas complètement bilingue, mais j’ai des conversations. Je parle tous les jours portugais donc désormais je peux soutenir une conversation.
Initialement je parlais espagnol donc je pensais qu’en deux mois j’allais pouvoir me débrouiller en portugais, mais en fait pas du tout ! Également, les Portugais sont très gentils et veulent toujours t’aider quand tu as du mal à parler en portugais, donc ils te parlent en anglais ou en français. J’avais du mal à pouvoir pratiquer au début à cause de ça !
Cap Magellan : À quoi peut-on s’attendre pour la suite ? Des nouveaux projets ?
Ianis Periac : Elytis, la maison d’édition qui a édité mon dernier livre, lance une collection de guides de voyage. Ils m’en ont commandé un sur le Portugal. C’est un dictionnaire insolite : je dois embrasser le territoire en 150 mots que je choisis et sur chaque mot j’écris jusqu’à deux pages. L’idée est d’englober tous les aspects du pays, la culture, le politique, le sport, la gastronomie, etc.
Cap Magellan : Pour finir, une question que j’aime beaucoup poser : est-ce que tu aurais un message à transmettre aux lusodescendants ?
Ianis Periac : J’ai une amie lusodescendante justement qui souhaite faire des interviews de lusodescendants revenus au Portugal pour comprendre les raisons de leur retour. Nous avions comme projet de faire quelque chose autour de ce thème : expliquer l’émigration des parents, le retour des enfants, partir pour offrir une vie meilleure puis revenir pour vivre mieux. Les enfants souhaitent souvent revenir pour retourner vers leur culture, vivre mieux, au soleil, dans leur pays, etc. Je trouve que cette boucle est très riche et intéressante. Mon amie s’appelle Mélanie Pinto. Ce sont des sujets qui nous passionnent. C’est souvent enrichissant cette double culture, même si on a tendance à en entendre parler négativement. C’est une grande force aussi de vivre dans cet entre-deux mondes.
Cap Magellan : Merci beaucoup Ianis ! J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir vite.
Nous vous invitons à suivre l’actualité de Ianis Periac, notamment sur Twitter @IPeriac (https://twitter.com/@IPeriac), et à vous procurer son livre Lisbonne, au café du coin. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter le site de l’éditeur : https://www.editionselytis.com/product-page/lisbonne-au-caf%C3%A9-du-coin
Interview réalisée par Julie Carvalho,
membre de l’équipe de Tempestade 2.1
et étudiante en troisième année à l’ISMaPP.