A Batalha de La Lys Os combatentes portugueses
8 avril 2024Les louves aussi ont leur mot à dire !
9 avril 2024Le 3 avril dernier a eu lieu la soirée de lancement de la BD Borboleta signée par Madeleine Pereira, parue aux Éditions Sarbacane. Cette dernière nous offre un récit authentique autour de la quête d’identité avec de nombreux témoignages sur l’émigration portugaise sous l’Estado Novo. Cap Magellan y était et Madeleine nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Salut Madeleine ! J’espère que tu vas bien. Nous sommes aujourd’hui à la librairie La Friche BD à Paris pour la soirée de lancement de ta première bande dessinée Borboleta. Combien de temps de travail cela t’a demandé ?
Madeleine Pereira : Depuis 2020 à peu près. Pendant le premier confinement, j’ai commencé à récolter les témoignages. En 2021, j’ai eu ma première résidence, donc j’ai pu m’y consacrer à 100% pendant quelques mois, mais c’est vraiment durant les deux dernières années que j’ai le plus pu travailler sur le projet.
Cap Magellan : Les témoignages que tu as récolté ont donc eu lieu par téléphone ?
Madeleine Pereira : Exactement, je n’ai jamais vu les gens en vrai. Ce sont principalement des amis de mon père, ainsi que ma tante. L’avantage est que, étant donné que je ne les avais jamais vu, j’ai réellement pu inviter leurs visages sur la BD, il n’y a pas eu de problème de ressemblance.
Cap Magellan : Dans ton livre, nous te voyons évoluer, parler avec eux et découvrir. C’est ce que tu as vécu ?
Madeleine Pereira : Pas vraiment. Ce qu’ils m’ont raconté est vrai, mais en réalité je ne les ai jamais rencontrés physiquement. Tout s’est fait par téléphone. Je les ai mis en scène pour la narration, j’ai créé de fausses situations pour faire les liens narratifs. En revanche, le reste est vrai : la visite du musée, les discussions avec ma soeur, mon père, etc. Forcément, il y a des parties fictives, même si c’est un récit autobiographique.
Cap Magellan : Pourquoi c’était important de mettre en scène ?
Madeleine Pereira : Initialement, je voulais que ce soit exactement comme les témoignages que j’ai récoltés. Finalement, je me suis rendue compte que le plus important est que ce soit lisible et compréhensible pour le lecteur. J’ai voulu trouver un fil rouge pour construire l’histoire et créer un lien entre les témoignages. Pour ce faire, le plus simple était de me mettre en scène. J’ai beaucoup hésité car je ne voulais pas paraître narcissique, mais c’était plus simple. Cela permet aussi au lecteur de s’identifier ainsi que d’ouvrir le sujet de la double nationalité et du fait d’être perdue ou mal à l’aise face à son identité culturelle.
Cap Magellan : As-tu subi des moqueries à l’école ?
Madeleine Pereira: Oui, j’en parle dans la BD mais en accentuant le trait. Dans mon collège j’avais des cours de portugais et les autres enfants se moquaient de nous.
Cap Magellan : Pourquoi avoir voulu t’intéresser au sujet de l’émigration ?
Madeleine Pereira : C’est assez secret je trouve… Ce n’est pas un sujet dont on parle. Le projet a émergé pour une résidence à Epinal. C’était une résidence de BD. Je leur ai proposé une liste et c’est le thème qu’ils ont choisi. C’est grâce à cette résidence que j’ai pu démarrer ce projet. D’autant que la résidence permet d’avoir des financements.
Cap Magellan : Qu’est-ce que c’est une résidence exactement ?
Madeleine Pereira: Il y en a plusieurs types. Pour la BD, tu vas dans un lieu, souvent tu es payé pendant quelques mois. Tu candidates pour y aller. Généralement tu dors sur place et tu as 70% de temps de création culturelle et 30% de médiation culturelle au cours desquels tu fais des ateliers dans des écoles par exemple.
Cap Magellan : Ta BD est sortie en avril 2024. C’était important pour toi ?
Madeleine Pereira : Ce n’était pas fait exprès ! J’ai terminé mes planches en juillet. En réalité, j’aurais aimé qu’elle sorte avant janvier pour le festival de la BD d’Angoulême, mais Sarbacane, ma maison d’édition, a choisi avril. Je n’ai pas vécu le 25 avril 1974, mais en faisant cette BD sur le Portugal, je comprends mieux la signification de cette célébration. Il y a encore des personnes qui ont vécu sous la dictature, donc c’est assez significatif. En revanche, j’ai une mémoire assez défaillante, donc je pense avoir déjà oublié une bonne partie de ce que j’ai écrit ! J’ai fait plusieurs recherches, en regardant sur RTP Arquivo par exemple, ma sœur m’a aidé également parce qu’elle est professeure de portugais au collège et avait donc de la documentation. Je me suis beaucoup renseignée. Pour représenter les appartements lisboètes des années 50, je me suis aidée de séries portugaises de ces années-là. Je prenais des captures d’écran pour reproduire le style des intérieurs. Je précise tout de même que je ne suis pas historienne. Ce qui m’intéresse vraiment ce sont les histoires de famille et la façon dont les personnes ressentent les choses.
Cap Magellan : Comment s’est déroulé le contact avec Sarbacane ?
Madeleine Pereira : Ils m’ont contacté sur Instagram ! J’ai envoyé des dossiers aux maisons d’édition et finalement j’ai signé avec eux. C’est une maison d’édition indépendante, rachetée par Flammarion, et leurs livres sont assez beaux. J’avais assez peur du résultat. Ce n’est jamais pareil d’avoir les planches en vrai puis de les voir en livre. Finalement je suis très contente !
Cap Magellan : Tu dessines tout toi-même. Combien de temps prend une planche en moyenne ?
Madeleine Pereira : Sur une page, je fais d’abord le crayonné, c’est-à-dire le pré-dessin, puis j’ajoute l’ancre, j’attends que cela sèche, puis j’efface le crayon à la gomme et après je rajoute le crayon de couleur. La typologie est séparée de la planche et ajoutée par la graphiste. En moyenne, cela me prenait une journée. J’avais un rythme de travail « normal ».
Cap Magellan : Pourquoi Borboleta ?
Madeleine Pereira : C’est une anecdote assez marrante ! En 2016, pour la finale de l’Euro entre la France et le Portugal, nous étions au stade, du côté portugais. Cristiano Ronaldo est sorti à la suite à sa blessure. Des papillons de nuit se posaient sur sa tête. Tout le monde pensait que le Portugal allait perdre, mais un monsieur d’un certain âge nous a dit que les papillons portent chance, puis nous avons gagné ! C’est aussi un mot que j’aime beaucoup, que je trouve très beau et avec une belle sonorité, donc c’est resté.
Cap Magellan : Quels sont tes projets futurs ?
Madeleine Pereira: Actuellement je fais la couleur d’une BD. J’hésite ensuite à faire de la fiction. J’aime beaucoup la gravure, les pratiques d’images imprimées, mais il faut du temps. C’est assez compliqué de gérer le temps et d’avoir des financements.
Cap Magellan : Pour terminer, ma question signature : as-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Madeleine Pereira : J’espère qu’ils se reconnaîtront dans ma BD et que cela permettra de délier les langues au sein des familles. J’imagine qu’il y a plein de familles dans lesquelles ces histoires ne sont pas racontées. Je trouve que c’est dommage parce que nous avons besoin de savoir et de comprendre.
Cap Magellan : Merci Madeleine ! Je suis sûre que cela va parler à la majorité
Nous vous invitons à vous procurer Borboleta en librairie ou sur le site de l’éditeur. Vous pouvez également suivre Madeleine Pereira sur Instagram.
Interview réalisée par Julie Carvalho,