Entrevista de Fernando Daniel
4 novembre 2024Les ateliers de lecture avec le CAPMag Junior pour les jeunes lusophones
5 novembre 2024Le 8 octobre dernier, l’écrivain à best-seller internationaux et journaliste portugais José Rodrigues dos Santos était à Saint-Maur-des-Fossés (94) pour la présentation de son livre Oubliés, édition française de son titre culte A filha do Capitão, publié aux éditions Hervé Chopin. L’équipe de Tempestade 2.1 a voulu en savoir plus et a obtenu une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour José Rodrigues dos Santos, j’espère que tu vas bien. Merci de nous recevoir. Nous sommes à Paris aujourd’hui pour la publication de traduction en français du livre A filha do capitão sous le titre Oubliés, 20 ans après la publication de l’original en portugais. Pourquoi avoir attendu tant de temps avant la traduction, sachant que presque tous tes livres ont déjà été traduits en français ?
José Rodrigues dos Santos : Ce livre a été publié il y a 20 ans et l’éditeur français s’y est intéressé maintenant. C’est une histoire curieuse pour les Portugais en France car c’est un roman qui se déroule durant la Première Guerre mondiale au nord de la France. Comme vous le savez, le corps expéditionnaire portugais a été envoyé en France en 1917 et a occupé les tranchées pour combattre. Dans ce livre, j’essaie de raconter la vraie histoire de ce qui s’est passé durant la Première Guerre mondiale quand le corps expéditionnaire portugais a été intégré dans le corps expéditionnaire britannique. Ils ne se battaient pas aux côtés des Français, mais des Britanniques.
Toutes les familles portugaises ont été touchées par cette guerre. Il y avait des régiments de Faro, de Béja, de Lisboa, de Coimbra, de Porto, de Castelo Branco et aussi de Tras-os-Montes, de Vila Real, de Bragança et de Domingo. Cependant, tandis qu’en France sont publiés de nombreux romans sur la Première Guerre mondiale, c’est différent au Portugal. Ce roman a été publié en 2004 et c’est le premier roman publié au Portugal sur la Première Guerre mondiale du point de vue des Portugais. C’est étrange.
Ce livre raconte l’histoire des Portugais qui étaient en France à l’époque pour faire la guerre et qui ont donc commencé à avoir des relations avec les Français ou encore les réfugiés belges. Ces Portugais ont fini par être abandonnés par tous et par être oubliés, d’où le titre de la traduction française Oubliés. Je pense que cette histoire est intéressante pour tous les Portugais qui vivent en France et notamment les lusodescendants qui vont pouvoir apprendre à connaître leur propre histoire ainsi que la relation entre le France et le Portugal.
J’ai fait un voyage littéraire dans le nord de la France, proche de la zone des combats, et j’y ai rencontré un Portugais qui avait le même nom que mon personnage, Afonso, et qui vivait dans la zone des combats. Il me semble aussi qu’il était le fils d’une Française et d’un Portugais. Il m’a confié que l’histoire du livre était son histoire personnelle. Je pense que beaucoup de Portugais qui vivent en France vont se retrouver dans ce livre, car c’est un roman, une histoire d’amour, mais aussi une histoire de guerre. C’est également un roman qui pose des questions philosophiques sur notre destin, sur pourquoi les choses se passent, jusqu’à quel point nous sommes des acteurs ou victimes de notre destin. Ce sont tous des thèmes de ce roman, et j’espère qu’il va plaire aux Français et aux Portugais.
CM : Je suis sûre qu’il va plaire. C’est vrai que ce sont des thèmes très importants. Depuis, tu as publié plus de 30 œuvres littéraires, avec des thèmes allant de la religion, à la science jusqu’à la politique. D’où vient ton inspiration et, surtout, quelles sont les thématiques que tu préfères ?
JR : Je pense que ce qui m’intéresse c’est la connaissance. Mes romans touchent tous les domaines de la connaissance, et j’essaie, grâce à mes romans, de raconter des histoires vraies, des choses vraies sur notre monde, sur notre vie, sur notre histoire, sur l’être humain, sur l’univers, pour comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Je touche à plusieurs thèmes, dont la religion. J’ai un roman qui s’appelle O último segredo de Cristo qui parle de la figure de Jésus, qui il était et qui était ce personnage si important pour l’Église. Un autre roman sur la religion s’appelle La furie divine. Il parle de l’islam radical. On dit que l’islam est très pacifique, mais en réalité, il y a une partie qui est très violente et dont personne n’aime parler. Ce roman parle de cette partie plus secouée. Les idéologies, la politique, l’économie, la philosophie, l’histoire, la science, que ce soit la physique, la biologie, la chimie, l’ethnographie, etc., tous les domaines de connaissances m’intéressent.
Chacun de mes romans est une aventure de découverte. Au travers d’une histoire d’amour, d’espionnage, de détective, d’aventure, on découvre de véritables choses sur notre monde. C’est ce que j’essaie de faire dans mes romans, souvent avec un personnage portugais, qui est Tomas Noronha, que de plus en plus de Français connaissent. C’est une sorte de « tintin » ou « Indiana Jones » en portugais. Et Thomas, avec ses aventures, nous permet aussi de découvrir des choses sur notre monde.
Mes lecteurs sont très variés, donc mes romans sont très transversaux. J’essaie d’écrire d’une manière très claire. Si un lecteur lit un livre et qu’il ne l’entend pas, ce n’est pas de sa faute, c’est de ma faute. J’essaie d’écrire d’une manière intéressante, pour que les gens soient attachés à l’histoire et qu’ils aient envie d’apprendre.
Chaque livre est différent du précédent. Je choisis des thèmes qui vont intéresser les gens. J’ai tendance à dire que mes romans ne sont pas des passe-temps, mais des gagne-temps, dans le sens où nous nous amusons à lire une histoire, peut-être une histoire d’amour, mais nous apprenons sur une période historique, sur la science, sur n’importe quel aspect de la religion, n’importe quel aspect de la connaissance. C’est ce qui fait la force de mes romans, cette idée de gagne-temps.
Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont pas l’habitude de lire. On me demande souvent comment prendre l’ habitude de lire. C’est très simple : prenez un bon livre, il faut vraiment que ce soit un bon livre. Avant d’aller vous coucher, ou bien le matin, vous lisez une page, juste une. Le lendemain, vous en lisez une autre. Deux jours plus tard, si le livre est vraiment bon, vous allez lire trois pages, puis le jour d’après six, etc.
CM : Tu es né dans la ville de Beira, au Mozambique et tu as commencé ta carrière de journaliste à la radio Macau. Ta connexion avec la lusophonie est indiscutable, mais ta littérature parle peu à peu de l’Afrique lusophone. As-tu une explication ?
JR : J’ai quelques livres qui s’y déroulent. Par exemple L’Ange Blanc qui se déroule en Mozambique pendant la guerre coloniale ou encore L’Amante du Gouverneur qui parle d’une histoire de relations d’espion avec les Chinois, d’une histoire d’amour, d’espionnage. Ces deux romans sont basés sur des événements réels.
Toutefois, je suis un auteur qui cherche à varier. Je ne me répète pas. Je souhaite que mes livres soient variés et qu’il n’y ait pas de répétition entre chaque roman.
J’ai parlé de ces endroits où j’ai vécu, mais mon œuvre va bien plus loin. Je cherche aussi à découvrir d’autres choses. Également, comme je suis devenu un auteur international, j’ai un défi très compliqué qui est de chercher des thèmes portugais mais qui ont un impact sur le lecteur non portugais, des personnes d’autres cultures. Ma littérature est beaucoup plus vaste.
CM : Une question plus générale sur ta vie : tu es écrivain, journaliste, présentateur du Télé journal. Comment arrives-tu à lier toutes ces activités ?
JR : Je pense que quand on aime faire une chose, on trouve toujours le temps. Et c’est ce que je fais. J’aime faire ce que je fais. Que ce soit le journal ou bien les romans. J’ai cette passion d’écrire, de raconter des choses.
CM : Ton roman Codex 632 a été adapté en série en 2023. Est-ce que tu penses renouveler l’expérience avec d’autres livres, en série ou au cinéma ?
JR : Le sujet du cinéma est un petit peu différent. Premièrement, ça ne dépend pas de moi, mais des producteurs et des réalisateurs. En plus, c’est un travail collectif.
Lorsque j’écris un roman, c’est entremoi et l’ordinateur. Un film, ce n’est pas comme ça : il faut avoir un producteur, un réalisateur, des acteurs, des gens qui financient, un tas de choses. Et s’il y a quelqu’un dans la chaîne qui n’est pas là, tout le reste ne va pas marcher. Alors, c’est plus compliqué.
CM : Ton prochain livre, Protocolo CAOS, est sur le point de sortir. Est-ce qu’on peut avoir quelques informations ?
JR : Il va être publié fin octobre au Portugal. C’est un roman qui va plonger sur l’actualité. Il va sortir deux semaines avant les élections aux Etats-Unis et il pose une question : est-ce que Donald Trump est un agent russe ? Mais aussi , comment les réseaux sociaux sont en train de détruire notre monde ? Et comment ils font ça ? Comment ils nous manipulent pour des mouvements qui sont partout, dans tous les extrêmes, pour détruire notre monde, pour détruire la démocratie, etc. ?
C’est le sujet du roman. Je pense qu’il va nous plonger sur l’actualité. C’est un roman important pour les gens qui utilisent les réseaux sociaux, pour en comprendre les dangers. Je trouve qu’avec la fiction, on arrive à expliquer d’une façon plus claire que d’une autre façon.
CM : Pour finir, ma question signature : est-ce que tu aurais un message pour les jeunes lusodescendants ?
JR : Le message que je souhaite faire passer est de faire le pari sur l’éducation, parce que la vraie richesse est la connaissance. On pense ça comme un cliché, mais ce n’en est pas un. Aussi, ne pas faire confiance seulement à l’éducation à l’école. C’est à nous aussi de chercher l’info, parce que l’école nous donne seulement la base. Si l’on reste avec seulement la base, on n’ira pas loin. C’est pourquoi j’écris ce genre de romans. Quand j’écris des romans qui nous parlent de la science, de l’histoire, de l’économie, de la politique, tout ça, c’est pour amener à la connaissance, pas dans un système d’éducation formelle, dmais dans un système d’éducation informelle, par le biais de la littérature, par le biais de quelque chose qui nous amuse.
C’est mon conseil : faire le pari de l’éducation, apprendre le plus, avoir le plus de connaissances.
CM : Merci José Rodrigues dos Santos ! Nous invitons tout le monde à aller lire tes romans, surtout Oubliés, disponible en français partout.
Vous pouvez vous procurer Oubliés ainsi que tous les autres livres de José Rodrigues dos Santos dans toutes les bonnes librairies.
Nous vous invitons à suivre l’auteur à succès sur ses réseaux sociaux : Instagram, Facebook, site.
Interview réalisée par Julie Carvalho,
de Os Cadernos da Julie, Ricardo Crasto
et Sophie Marques, pour Tempestade 2.1
et Cap Magellan.