Depuis le 15 janvier et jusqu’au 16 mars, l’artiste photographe Olga Caldas expose à la Halle Saint-Pierre à Paris son Jardin aux sentiers qui bifurquent. Cap Magellan y est allé pour la rencontrer et elle nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour Olga Caldas, j’espère que tu vas bien. Nous sommes à la Halle Saint-Pierre pour ton exposition. C’est ta première exposition solo ?
Olga Caldas : Non, ce n’est pas ma première exposition personnelle. La première c’était en 2016 à la galerie Bellechasse, dans le 7e arrondissement de Paris. En revanche, c’est la première exposition institutionnelle.
CM : Quelle est la différence ?
Olga Caldas : Une galerie est vraiment orientée marchand, vente, etc. Il y a moins de visibilité, c’est plus petit, mais avec plus de collectionneurs ! Être exposée dans une institution permet de bénéficier de la renommée de l’institution, qui est généralement plus large que celle d’une galerie. La Halle Saint-Pierre jouit d’une très belle réputation. Depuis 1995, c’est un musée consacré aux formes hors normes de la création et à la création contemporaine inclassable, aujourd’hui incontournable. Aussi, quand sa directrice Martine Lusardy m’a proposé cette d’exposition, j’ai été absolument comblée !
J’ai travaillé à la Halle Saint Pierre pendant plusieurs années et nous avons fait de très grandes expositions du monde entier – Chine, Etats-Unis, Afrique, Brésil, Japon deux fois ou encore l’Australie… et la nouvelle est dédiée à l’art brut d’Iran.
C’est une vitrine très importante pour les artistes. La galerie communique avec le café, la librairie, des lieux de convivialité et de rencontres extraordinaires !
A la Halle Saint-Pierre, il y a peu d’expositions photos, parce que c’est un art plus conceptuel que ce qui est présenté habituellement. Mon exposition a tout de même une parenté avec le surréalisme, très présent au musée. L’historien de l’art Marc Duvillier a d’ailleurs écrit un très beau texte autour de mon exposition où il fait référence au surréalisme et plus particulièrement à la proximité avec certaines photos de Man Ray.
CM : L’exposition s’appelle Le jardin aux sentiers qui bifurquent et elle est inspirée notamment de l’œuvre de Jorge Luis Borges, grand poète argentin. On y retrouve de nombreux éléments floraux mais aussi des corps. Que souhaites-tu transmettre ?
Olga Caldas : C’est la question de la relation du corps à son environnement naturel et végétal qui y est abordé. C’est ma recherche depuis 2016, depuis ma première exposition à la galerie Bellechasse. Cette première expo solo montrait déjà des autoportraits immergés dans mon jardin. Mon rapport à la nature, au végétal et au jardin est primordial dans mon travail artistique. Cela me renvoie beaucoup à des souvenirs d’enfance au Portugal. J’ai vécu au Portugal à peu près jusqu’à mes 11 ans, chez mes grands-parents à Arcos de Valdevez. Lorsque j’ai réalisé cette série, je retrouvais les mêmes sensations que lorsque j’étais enfant, notamment l’émerveillement face à la nature et à une certaine liberté, à l’imaginaire.
CM : Certaines photos ont-elles été prises au Portugal ?
Olga Caldas : Non, là c’est à Brunoy, chez moi, en région parisienne. C’est dans mon jardin, qui est aussi mon studio à ciel ouvert. C’est là où je fais toutes mes photographies parce que le jardin a cette particularité d’être à la fois un lieu ouvert vers l’extérieur et en même temps intime et caché. Je m’aperçois que je suis souvent à la frontière, entre un espace privé et un extérieur ouvert mais protégé.
Certaines photos ont été prises au Japon, lors de mon séjour à Tokyo l’année dernière, avec Anna, muse et modèle, avec qui j’ai travaillé également à Paris. Elle habite Tokyo et donc quand j’y m’y suis rendue, on a convenu de se voir. Je l’ai contactée en lui disant que je souhaitais faire une séance photo avec elle. Mon neveu, qui habite là-bas, m’a prêté son Canon D5, un bel appareil. Ce qui m’a le plus séduite à Tokyo est le rituel du bain, j’en faisais quasiment un par jour ! Anna a trouvé un lieu à 100 km de Tokyo qui s’appelle Hakone. C’est une ville thermale dont les eaux viennent directement du volcan. On y voit le mont Fuji au loin, c’est bucolique, poétique, incroyable ! Elle a trouvé un ryokan, une auberge traditionnelle entièrement en bois. Nous avons loué un onsen, un bain japonais avec des eaux chaudes, naturelles. La particularité est qu’il y a une partie en intérieur et l’autre à l’extérieur. Je suis donc une fois encore à la frontière.
CM : Quelle technique utilises-tu ?
Olga Caldas : Je mélange un peu tout. La technique n’est pas vraiment importante pour moi. Je suis un peu au-delà de la technique.
Lorsque j’ai suivi des cours de photo, la première année était dédiée à l’argentique. J’ai adoré ! A la fin de l’année, nous devions rendre un travail personnel. J’ai commencé mon travail d’autoportraits fictionnels à ce moment-là. Le professeur d’argentique m’a dit que je n’étais pas obligée de suivre les deux années de technique suivantes et d’aller directement en histoire de la photographie. Selon lui, je n’avais pas besoin de technique. Finalement j’ai suivi les deux années et effectivement je me suis ennuyée.
Pour revenir à ma technique, je travaille uniquement en lumière naturelle, en extérieur comme en intérieur. Dans cette exposition, il y a de l’argentique, du numérique ainsi que quelques photos en camera obscura et au sténopé. J’ai également utilisé par le passé d’autres techniques alternatives comme la gomme bichromatée qui donne un beau rendu proche de la gravure. J’aime beaucoup ces techniques anciennes pour le grain, la lumière, les flous, la texture qu’on ne peut obtenir avec le numérique.
CM : Pourquoi as-tu choisi de tout faire en noir et blanc ?
Olga Caldas : C’est un choix esthétique. Je ne sais pas si c’est moi qui l’ai choisi ou si c’est lui qui m’a choisi. Chaque fois que je veux faire de la couleur, j’essaye, mais je retourne toujours au noir et blanc. Cela permet aussi de mettre à distance le réel. Je trouve la couleur un peu trop bavarde à mon goût. Tu es attirée par les couleurs, par l’aspect superficiel, à la surface, au détriment de l’intériorité des choses. Le noir et blanc permet, pour moi, d’aller au-delà du simple visible, de pénétrer dans l’invisible. Le beau texte écrit par Marc Duvillier sur mon expo est parlant dans ce sens, il s’intitule « Accueillir l’invisible ».
CM : Il y a un aspect surréaliste, abstrait, qui paraît contradictoire avec l’art de la photo, puisqu’on photographie forcément quelque chose qui existe.
Olga Caldas : Dans mes photographies, l’aspect poétique, onirique est très présent ce que permet notamment la photographie en noir et blanc. Cela laisse plus de place à l’imaginaire, au mien et à celui du regardeur.
CM : Ces œuvres sont à la vente c’est bien cela ?
Olga Caldas : Oui, elles sont aussi à la vente, absolument. On peut les acquérir ici, à la Halle Saint-Pierre.
CM : Suite à cette exposition, tu vas publier un livre. Qu’est-ce que cela va être exactement ?
Olga Caldas : C’est un livre qui va paraître aux éditions Carnets-livres sous la direction de Daniel Besace qui est un passionné, lui-même artiste. Il crée des livres magnifiques, uniques, depuis plus de 20 ans. Il réalise les couvertures entièrement à la main avec un grand soin. Dans ce livre on retrouvera les photos montrées à la Halle Saint Pierre et d’autres provenant de différentes séries de 2016 à aujourd’hui, autant de sentiers qui bifurquent ! Il y aura aussi des textes critiques, poétiques et une interview. Il sera très complet ce qui pour moi est une belle manière de poursuivre l’exposition sur un autre niveau et de faire connaître mon travail plus largement.
CM : Quand est prévue la publication ?
Olga Caldas : Normalement cela devrait être avant fin février, avant la fin de l’exposition. Il y aura une séance de dédicaces ici, à la Halle Saint-Pierre, pour le lancement du livre.
Je vous tiendrai informés.
CM : As-tu d’autres expositions de prévues ?
Olga Caldas : Toute l’exposition est prise pour être montrée au Portugal, au Forum Cultural de Neves, c’est près de Viana do Castelo. C’est un tout nouveau centre d’art que j’ai visité l’année dernière, où un ami portugais, Diamantino Quintas, qui possède un labo argentique d’excellence à Paris, a monté une exposition impressionnante avec des grands noms comme Agnès Varda, des photographes de guerre et autres photographes réputés.
Mon exposition au Portugal est prévue du 9 août au 30 septembre accompagnée d’une invitation pour une résidence artistique du 1er au 10 août où j’aurai carte blanche pour réaliser une série de photos qui y seront, par la suite, également exposées. C’est assez exaltant et je me réjouis de ce retour aux origines ! Je remercie au passage pour son bel enthousiasme, Aida Augusto, qui coordonne les expositions et les événements pour le centre d’art et la ville de Neves.
CM : Pour finir, ma question signature : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Olga Caldas : Suivez vos inspirations, votre imaginaire. Laissez-vous porter par vos racines et faites quelque chose de beau dont vous serez fiers !
CM : Merci beaucoup Olga et félicitations pour cette belle exposition !
Nous vous invitons à vous rendre jusqu’au 16 mars à la Halle Saint-Pierre, 2 rue Ronsard, 75018 PARIS, pour voir le Jardin aux sentiers qui bifurquent de Olga Caldas.
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Interview réalisée par Julie Carvalho,