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27 juillet 2025Le 24 mai 2025, Virginie Janelas a publié son premier single solo, Avec les trains. Il marque le début d’un EP de cinq titres. Cap Magellan a souhaité en savoir plus et elle nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour Virginie, j’espère que tu vas bien. Comment te présenterais-tu à quelqu’un qui ne te connaît pas ?
Virginie Janelas : Pour le côté professionnel, souvent je me présente comme musicienne et comédienne. J’ai suivi une formation professionnelle de comédienne et cela fait 15 ans que je suis dans le métier. La musique, je l’ai toujours pratiquée et, simplement, j’ai assez rapidement associé ces deux disciplines. J’écris énormément aussi, pour le théâtre et aussi pour la musique, et je mets en scène des spectacles.
CM : Tu es aussi lusodescendante, c’est pour cela que tu es là aujourd’hui. D’ailleurs, tu as écrit et interprété un seule en scène théâtral et musical qui s’appelle Je n’ai pas de remède au vent, qui est en lien direct avec l’emigration portugaise. Peux-tu nous en dire davantage ?
Virginie Janelas : C’est une pièce que j’ai écrite après avoir gagné un concours de soutien à l’écriture littéraire en Suisse à Lausanne. C’était un peu une manière de raconter l’histoire de ma famille. À vrai dire, mon père est Portugais et ma mère est Suissesse. Moi, je suis née en Suisse, j’ai grandi en Suisse, mais une grande partie de ma famille est au Portugal, alors je fais comme beaucoup de Portugais : des allers-retours plusieurs fois par an.
Mon père a vécu la révolution des œillets. Même si la révolution avait permis de sortir de la dictature, le pays se développait très lentement, alors comme d’autres jeunes de son âge il a décidé de quitter le pays. Il est parti en lâchant un peu tout derrière lui dans l’idée de s’en sortir, de trouver un pays où il pouvait avoir une vie décente. En arrivant en Suisse, il a eu plusieurs opportunités et c’est aussi là qu’il a rencontré ma mère.
A l’époque et jusqu’en 2002, en Suisse, ils donnaient ce qu’on appelle le permis saisonnier (le permis A) qui permettait de rester neuf mois sur le territoire. Passé ce délai, il fallait partir, mais les patrons engageaient les employés sur une année, alors forcément les travailleurs immigrés se retrouvaient à être illégaux en Suisse. Mon père a été dénoncé. Il a été renvoyé et ma mère l’a suivi. Ils sont revenus en Suisse des années après.
Avec les années, je me suis rendue compte que cette histoire n’était pas racontée. Il y avait quelque chose du domaine du non-dit. Contrairement à d’autres, j’ai eu la chance que mon père en parle.
J’ai été témoin de racisme dès toute petite, je ne comprenais pas. Cela dit, en étant adulte, on ne comprend toujours pas. En tant qu’enfant, il y a quelque chose d’extrêmement violent. J’ai été élevée là-dedans. Je suis née en Suisse, mais j’ai toujours perçu une certaine critique et un traitement différent envers les étrangers. Je n’ai pas le faciès typique de la portugaise selon les critères de certaines personnes mais je me suis toujours sentie bizarre, sachant que, quelque part, moi aussi j’étais un peu étrangère.
CM : La pièce est un seule en scène. Pourquoi avoir fait ce choix ?
Virginie Janelas : J’ai eu la sensation que c’était une histoire pour laquelle je ne pouvais pas m’appuyer sur autre chose que moi-même. Je devais affronter cette chose-là et je trouve que cela crée une intimité très forte : le fait de se retrouver toute seule sur un plateau. En tant que public, j’ai toujours l’impression de voir un funambule. Il y a quelque chose de très touchant là-dedans et j’avais envie de me donner cette liberté d’interpréter plusieurs personnages, de passer à des moments où c’est quasiment conté, à des moments avec beaucoup de musique, parce que cela fait partie de mon héritage.
J’ai une voix qui se marie bien au fado. J’en ai chanté par intérêt, pour comprendre un peu ce chant-là, que je trouvais très beau, et après je l’ai un peu adapté à ma façon. Pour moi c’est aussi une manière de parler de ces transmissions-là. C’était tellement fin et cela me faisait ressentir de nombreuses émotions, que je me suis dit que c’était important que je l’assume seule.
CM : Comment as-tu choisi les musiques que tu chantes sur scène ?
Virginie Janelas : Il y en a certaines qui sont des reprises, mais la majorité sont des compositions personnelles. L’une des reprises est Barco Negro, un fado d’Amalia Rodrigues. Je pense que c’est l’un de mes préférés. Cela raconte l’histoire du voyage, quelqu’un qui part sans que l’on sache quand il reviendra. C’est tragique puisque lorsque les voiles noires sont de sorties au retour du bâteau, cela signifie que l’homme est mort. Je trouve que c’est une chanson qui parle vraiment de cette déchirure de l’exil pour moi, comme je la ressens. Le texte est hyper beau, extraordinaire même, et toute l’instrumentation aussi, mais moi, j’avais envie de la mettre un peu plus à mon goût du jour. Je le fais avec du synthé pendant le spectacle. Je redonne vie à ce texte, à ma manière. C’est un clin d’œil à Amalia Rodrigues et au fado, mais avec ma couleur musicale dedans.
Il y a aussi un cante alentejano. Nous venons de l’Alentejo et ce chant parle aussi de l’exil, de quelqu’un qui part de l’Alentejo pour aller à Lisbonne. C’était à l’époque un énorme exil. Je le chante au cavaquinho portugais. C’est un petit instrument dont je suis tombée amoureuse en allant à une fête de village à Aljustrel.
Il y a aussi Cité Blanche, un texte que j’ai écrit en français et que je joue à la guitare portugaise. Puis Terre battue, une chanson au piano qui parle aussi du village d’où je viens. J’y évoque les ressentis de la nature là-bas, des souvenirs. Dans Avec les trains, je parle d’un environnement plus urbain : les rues pavées, les petites rues étroites, ces rues typiques d’où je viens. Cette chanson est un message d’espoir et d’avenir.
CM : Je n’ai pas de remède au vent a reçu plusieurs prix en Suisse, comme le cabaret littéraire de Lausanne et celui de la ville de Gland. Elle était dans le top 10 des meilleurs spectacles de l’année 2024, selon le magazine Genevoix de Critique La Pépinière. Quelle est la suite ?
Virginie Janelas : Je l’ai déjà jouée en France trois fois. Je commence vraiment à le développer ici. J’habite à Bordeaux depuis deux ans mais en partant j’ai reçu ce soutien de la Suisse.
L’année prochaine, j’aimerais jouer mon spectacle en France et l’amener au Portugal. Ce printemps, j’ai d’ailleurs été invitée à Lisbonne au sein du festival Arte de Ser Migrante. C’est un festival créé par les lusodescendants, qui parle de l’immigration pour les deuxième et troisième générations et de l’impact sur ces générations. J’ai eu la chance d’y participer et de discuter de pleins de sujet autour d’une table ronde, en portugais.
CM : Avec les trains est sorti fin mai. C’est le premier single que tu sors en tant que Virginie Janelas.
Virginie Janelas : C’est le début de mon parcours solo, donc je suis vraiment contente de l’avoir sorti. En fait, c’est le premier morceau d’un EP de cinq titres que je vais sortir petit à petit les prochains mois. J’ai envie, pour chaque morceau, de lui donner un temps, de vraiment le faire découvrir. J’ai écrit des clips et nous les avons réalisés à plusieurs. Chaque morceau va avoir un peu son univers pour pouvoir faire découvrir le mien.
Pour Avec les trains, j’ai sorti un clip avec des oiseaux. C’était un vol des grues dans la région de Bordeaux que nous avons vu un jour en nous promenant et je me suis dit que c’était dont j’avais besoin pour ma chanson : ce grand espace de ciel et ces oiseaux extraordinaires.
CM : As-tu des dates à nous donner ?
Virginie Janelas : Je vais sortir à la fin du mois le prochain morceau qui s’appelle KO. Pour l’EP, cela va être en fin d’année ou début 2026. Cela dépendra de si j’ai pu réaliser tout ce que je souhaitais, mais cela devrait être bon.
J’ai donné un premier concert proche de Bordeaux, pour la fête de la Morue, qui est un gros festival ici, qui a lieu tous les ans. Mais d’abord, il faut bien se faire connaître via la musique, donc je prends vraiment le soin de faire découvrir chacune de ces chansons. Les textes sont vraiment importants et elles demandent d’entrer dedans.
CM : Pour ce premier concert, comment as-tu perçu le retour du public ?
Virginie Janelas : C’était super touchant parce que j’avais fait une résidence de dix jours, donc je m’étais quand même vraiment bien préparée et j’étais très bien accompagnée. J’ai des proches qui sont dans la musique,et qui sont extraordinaires dans le soutien et dans la générosité. Pour moi c’est très important.
C’était un premier concert devant des gens qui ne me connaissaient pas parce que, finalement, je suis arrivée il n’y a pas si longtemps ici. Ce qui m’a beaucoup touchée, c’est que c’est un contexte de grosses fêtes et les gens sont restés. Ce qui était drôle, c’est qu’il y avait quelques Portugais et Brésiliens qui sont venus me voir à la fin en me demandant « mais d’où sort cette guitare portugaise ? ».
Cela a vraiment été super de partager mes chansons. Comme je suis au tout début de tout ça, je le fais petit à petit pour découvrir à mon rythme. Pour le moment, je suis vraiment contente. J’ai eu des retours assez géniaux sur cette première sortie de single, donc je suis vraiment contente.
CM : Pour finir, ma question signature : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Virginie Janelas : Le message que j’aurais à passer est que la culture dont nous avons hérité est extrêmement riche et intéressante. Je pense qu’il ne faut pas être trop timide. Je trouve que parfois les Portugais le sont un peu trop, même si c’est aussi quelque chose que j’adore. Je pense qu’il y a une profondeur d’âme qui est particulière et qui, je pense, est très belle.
Je pense aussi que, artistiquement, nous avons encore énormément à donner. Déjà, il se passe énormément de choses au Portugal, pas seulement à Lisbonne, mais dans tout le pays. Les lusodescendants, enfin, les enfants d’immigrés, ont énormément de richesses du cœur et culturelles à amener. C’est une parole qui compte, je pense.
CM : Merci beaucoup Virginie ! Nous avons hâte d’écouter la suite de ton EP.
Pour ne pas rater les prochains morceaux, nous vous invitons à suivre Virginie Janelas sur ses réseaux sociaux : Instagram, TikTok, YouTube, lien d’écoute.
Interview réalisée par Julie Carvalho,




