Le dimanche 2 février 2025, la chanteuse mozambicaine Assa Matusse a performé sur la scène du 360 Music Factory à Paris à l’occasion du festival Au Fil des Voix. Cap Magellan était présent et l’artiste nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour Assa Matusse ! Nous sommes au festival Au Fil des Voix à Paris. Tu viens de performer sur la scène du 360 Music Factory. Comment c’était ?
Assa Matusse : C’était super, j’ai bien aimé. C’est la première fois que je suis là, que je joue 360. Je ne le connaissais pas avant. En même temps, j’habite ici, à Paris, mais je bouge pas mal. Je suis encore en train de faire plein de concerts ailleurs et pas à Paris, malheureusement. J’espère que cela va venir et que je vais faire plein de concerts. Mais celui-ci était super.
CM : On espère aussi, on a hâte de te revoir à Paris. Tu viens du Mozambique. Tu chantes en changana, en portugais, en anglais et en français. Pourquoi autant de langues ?
Assa Matusse : Quand j’étais petite, dans ma famille, on ne parlait pas du tout portugais parce que mes parents, ils n’avaient pas étudié, donc ils ne savaient pas non plus parler portugais. Je vivais à Maputo, mais dans un quartier à une vingtaine de minutes du centre ville où les gens étaient allés se réfugier lors de problèmes d’esclavagisme et de colonisation. J’ai grandi sans savoir parler portugais, en parlant changana. J’ai appris le portugais à l’école parce que tout est écrit en portugais. Nous n’étudions pas le changana à l’école, nous n’avions d’ailleurs pas le droit de parler nos dialectes. C’était connoté assez négativement, c’était vu comme irrespectueux. Tout était en portugais donc il fallait parler portugais. Cela m’a beaucoup dérangé puisque le changana était la langue que je parlais chez moi. Cela me faisait mal au cœur de ne pas pouvoir parler ma langue à l’école.
En grandissant, je me suis intéressée aux langues. J’ai commencé à avoir des amis qui ne parlaient que portugais et j’ai gagné un amour pour les langues. J’ai développé une facilité à les apprendre et les parler, j’ai commencé à m’en servir comme matériel pour faire de la musique et m’exprimer. Je ne réfléchis jamais à quelle langue je vais utiliser pour écrire un morceau. L’inspiration arrive et je commence à écrire soit en français, soit en portugais, soit en anglais, mais je pense que je m’exprime plus en changana, étant donné que c’est ma langue maternelle.
CM : Pourquoi as-tu voulu venir habiter à Paris ?
Assa Matusse : Je suis née à Maputo au Mozambique. Étant donné que c’est la capitale, la majorité des artistes s’y installent pour venir performer et se faire connaître. De mon côté, j’y habitais déjà, donc j’avais l’impression d’être bridée dans mes envies, que je ne pouvais pas me développer autant que je le souhaitais. La seule solution pour moi a été de partir. J’ai choisi Paris parce que j’aime beaucoup la langue française. J’avais envie de l’apprendre. Au-delà de cela, Paris est connue comme une ville importante pour la musique du monde. Ici, il y a des super musiciens qui arrivent à jouer ma musique, de Mozambique, qui n’est pas très connue. C’était génial pour moi de trouver des musiciens qui pouvaient jouer ma musique. Je voulais aussi me challenger, relever le défi !
CM : Tu as déjà sorti deux albums, tu travailles sur ton troisième. Quand est-ce que cela va sortir ?
Assa Matusse : L’idée est qu’il sorte juste après l’été. Nous allons voir comment cela se passe, nous avons pas mal avancé. Mon but est de rendre la musique du Mozambique connue. Il faut que je ramène des musiciens du Mozambique en France pour pouvoir enregistrer. Même si les musiciens parisiens savent bien interpréter, pour faire de la musique mozambicaine et il me faut des musiciens qui viennent de mon pays.
J’espère que nous allons sortir cet album avant la fin de l’année pour pouvoir jouer partout l’année prochaine ! J’aimerais faire une tournée. Je suis faite pour être sur scène. C’est ce que j’aime faire et c’est là où je me sens le plus vivante.
CM : Pour finir, ma question signature : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Assa Matusse : Je voudrais parler aux afro-lusophones. Je pense que désormais les choses changent, que l’on commence à valoriser nos langues maternelles. Même si nous sommes lusophones, il faut que nous apportions quelque chose de chez nous, que nous parlions nos langues sur nos morceaux. Pour les jeunes artistes, je dirai que le mieux à faire est de chanter avec nos langues pour montrer notre identité.
Pour ceux qui ne sont pas artistes, je dirai qu’il faut que nous continuions à être fiers de ce que nous sommes et de ce que nous avons accompli jusque là, parce que cela n’a pas toujours été facile. J’espère que tous les lusophones sont fiers de ce que nous avons accompli.
CM : Merci Assa ! On a hâte de pouvoir écouter ton prochain album et te voir sur scène.
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Interview réalisée par Julie Carvalho,