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27 février 2019Les samedi 26 et dimanche 27 janvier dernier, Cap Magellan a organisé la seconde édition des Etats Généraux de la Lusodescendance. Événement créé pour la première fois en janvier 2017, à l’occasion des 25 ans d’existence de l’association, il est voué à se reproduire tous les deux ans pour réunir le réseau des Etats Généraux de la Lusodescendance autour de causes communes.
Cette année, c’est dans l’optique d’élaborer et de lancer une campagne de promotion de la langue portugaise qu’il s’est rassemblé à la Maison du Portugal, à la Cité Internationale Universitaire de Paris.
L’objectif de la campagne est d’augmenter le nombre d’apprenants en France, et pour ce faire, de donner au portugais non plus seulement l’image d’une langue d’immigration auprès des Français, mais également celle d’une langue internationale, porteuse à la fois d’une richesse culturelle immense et d’opportunités professionnelles à l’étranger.
Définir un argumentaire pour défendre la langue portugaise
La première séance de travail, intitulée « Valoriser la langue portugaise », avait pour but de définir les arguments qui nous permettront de présenter la langue portugaise comme un atout à de potentiels futurs apprenants dans la campagne. Il a tout d’abord été affirmé l’importance de présenter le portugais comme un avantage professionnel, permettant véritablement de faire la différence, parmi le grand nombre de gens qui choisissent l’anglais en LV1 et l’espagnol en LV2. Il faudra pour cela mettre en avant dans la campagne les profils de bilingues ou d’apprenants en portugais qui ont vu des portes s’ouvrir dans leur parcours grâce à cette plus-value. En ce sens, nous aurions également tout à gagner à profiter de la conjecture favorable qui rend actuellement attractifs auprès des jeunes des pays comme le Portugal.
Pour Elisabeth dos Santos, avocate au barreau de Lisbonne et de Paris, si l’argument professionnel est essentiel pour intéresser à la langue portugaise, il faut également beaucoup miser sur l’art. Ce qui donne aux gens un premier contact émotionnel avec une langue, sans même encore la comprendre, c’est la musique. C’est là qu’il faut mobiliser l’entièreté de la production musicale lusophone, notamment la musique brésilienne (Samba, Bossa Nova, etc.). La chanteuse portugaise Mariana Fabião parle ainsi du rôle d’ambassadeur d’une langue qu’endosse un musicien et de l’importance pour elle de voir des personnes françaises venir lui dire à la fin de ses concerts que l’entendre chanter en portugais lui donne envie d’apprendre la langue.
Mário Gomes, enseignant de portugais au collège à Rouen, rapproche également le rôle d’un professeur à celui d’un “missionnaire”, évoquant la nécessité qu’il a chaque année de recruter des élèves dès la primaire pour s’assurer qu’une classe de portugais demeure ouverte au sein de son collège – et par la même occasion, que son travail soit préservé. Il signale que, pour intéresser les collégiens au portugais, il faut rester proche de leurs centres d’intérêts : avant de leur parler du Fado ou de Zeca Afonso, il faut leur parler d’Anselmo Ralph et de Cristiano Ronaldo. Le voyage est également un argument de poids pour les faire considérer l’apprentissage du portugais, d’où l’importance des jumelages et des voyages scolaires.
Enfin, il a été plusieurs fois évoqué la nécessité de montrer aux élèves francophones que le portugais est une langue étrangère comme les autres, et pas seulement la langue d’une communauté. De l’expérience que lui confère le fait d’être présidente du Centre Portugais de formation culturelle du Raincy, Christina Rodrigues explique que l’un des arguments les plus mis en avant par les adultes n’ayant aucun ou très peu de lien avec les pays lusophones et qui souhaitent l’apprendre, est tout simplement celui de la beauté de la langue : le portugais est une langue agréable à entendre et à parler. Il découle de ces échanges la nécessité de moduler l’argumentaire en fonction du public qu’on cherche à convaincre (directeurs/principaux/proviseurs, parents d’élèves, enfants, adultes, etc.).
Un exemple de campagne
Après une pause déjeuner aux saveurs du Brésil, le réseau s’est réuni pour écouter les créateurs de la campagne « Et en plus, je parle français ! », lancée en 2017 par l’Institut Français. Christophe Chaillot, Responsable du Pôle Langue française à l’Institut français, et Sophie Sellier, Chargée de communication à l’Institut français, nous ont ainsi présenté leur travail, qui a servi de modèle à notre propre entreprise, et ce non seulement parce qu’il s’agit d’un bon exemple de campagne de promotion linguistique, mais également parce que l’objectif poursuivi par l’Institut français vis-à-vis de la langue française recoupe en partie le nôtre vis-à-vis du portugais : ils ont cherché à transformer l’image glamour et romantique du français à l’étranger pour insister davantage sur l’atout professionnel que cela représente à l’international.
La campagne met ainsi en avant une multitude de personnes francophones très différentes les unes des autres, plus ou moins connues, venant des quatre coins du monde, que les affiches et le clip promotionnel montrent en train d’exercer leur profession. Le tout est accompagné du slogan « Et en plus, je parlais français », qui se veut simple, ouvert et facile à mémoriser.
Construire une campagne de promotion linguistique
Avec l’exemple de la campagne de l’Institut français en tête, le réseau des Etats Généraux de la Lusodescendance a ensuite réfléchi aux différents « moyens d’action et outils » à développer pour notre propre campagne de promotion de la langue portugaise. Pour ce faire, les participants ont été divisés en quatre petits groupes, qui ont successivement pu participer à :
- Une formation « Comment ouvrir une classe de portugais en France ? », administrée par Adelaide Cristóvão, Coordinatrice générale de l’enseignement portugais en France et Anna Martins, présidente de Cap Magellan.
- Un atelier « Kit de communication », visant à déterminer le contenu de la campagne, en particulier son slogan, mené par Diane Ansault, Graphiste et webmaster de Cap Magellan, Joëlle Nascimento, Consultante indépendante en communication et marketing digital, Journaliste et animatrice pour l’émission Lusitania sur Radio Aligre.
- Un atelier « Calendrier », destiné à retracer les grands moments de la campagne à lancer, à la croisée des événements associatifs, scolaires et électoraux, mené par Raquel Andrade, Responsable Réseau et Événementiel de Cap Magellan, et Hermano Sanches Ruivo, Conseiller de Paris, délégué à l’Europe.
- Un atelier « Financement », cherchant à regrouper toutes les options possibles pour financer la campagne, mené par Luciana Gouveia, Déléguée Générale de Cap Magellan.
Conclusions : « Comment ouvrir une classe de portugais en France ? »
Le dimanche matin, l’équipe de Cap Magellan a présenté les conclusions ressorties des séances de travail de la veille. Anna Martins est revenu sur ce que le réseau avait appris durant la formation « Comment ouvrir une classe de portugais en France ? » grâce à Adelaide Cristóvão. La mise en place de classes de portugais en France résulte du travail de l’Inspection Générale de l’Education nationale (IGEN), en collaboration avec la Coordination du portugais en France. En ce qui concerne la primaire, les maîtres et maîtresses d’école sont envoyés du Portugal via la Coordination de l’enseignement portugais en France, après une enquête menée par l’IGEN auprès de chaque école pour recenser le nombre d’élèves intéressés par l’apprentissage de la langue.
A partir de là, le professeur enseigne le portugais soit durant les heures de cours (LVE), soit hors des heures de cours, le mercredi ou le samedi dans le cadre de l’EILE (Ensino Internacional de Língua Estrangeira). Au collège et au lycée, la situation est un peu différente : l’ouverture de classes de portugais dépend exclusivement du Ministère de l’Education nationale, à la discrétion de la direction d’établissement. Une solution serait ainsi de mettre à disposition des élèves et de leurs parents des modèles de lettres-types à envoyer aux principaux et aux proviseurs pour demander l’ouverture de classes.
Conclusions : « Kit de communication »
Diane Ansault a présenté quant à elle les propositions faites durant l’atelier « Kit de communication ». Les mots clefs les plus utilisés pour qualifier la langue portugaise ont gravité autour de trois idées :
- Celle d’une langue d’« ouverture » sur l’Europe et sur le monde ; une langue de « proximité » (linguistique et géographique) mais également de grande « diversité » ; une langue « passeport » qui donne accès à cinq continents
- Celle d’une langue d’ « avenir », d’ « opportunités » (économiques et professionnelles, notamment), de « valeur ajoutée », de « réussite », de « commerce ».
- Celle d’une langue de « convivialité », de « sourire », de « positivité », de « culture ».
A partir de cette réflexion initiale, de nombreux slogans de campagne ont été proposés par les participants : « Avec le portugais, je suis partout chez moi », « Je parle portugais, et toi ? », « Un passeport pour 5 continents », « Offrez-vous le monde », ou encore l’idée d’une déclinaison de slogan s’adaptant au parcours de chaque personne mise en avant comme visage de la campagne tel que « je chante portugais / je crée portugais /je filme portugais / je voyage portugais », etc.
Quant aux personnes que nous serions susceptibles de contacter pour incarner les visages de la campagne, il a été proposé qu’on mette en avant des Français, célèbres ou non, pour qui la maîtrise de la langue portugaise a représenté un atout dans leur parcours ; de jeunes entrepreneurs lusophones montrant la diversité de la lusophonie ; mais aussi des personnalités politiques ou artistes lusophones. Une fois le slogan déterminé et les personnalités choisies, le kit de communication de la campagne sera décliné en flyers, affiches, site Internet, etc.
Conclusions : « Calendrier »
Raquel Andrade a ensuite résumé les retours de l’atelier « Calendrier ». La date prévisionnelle du lancement de la campagne tend à être celle du 26 septembre 2019, qui correspond à la Journée européenne des langues. Les différents événements sur lesquels il sera possible de s’appuyer pour diffuser la campagne, à savoir les événements locaux organisés par les associations du réseau ou bien qui auront lieu dans les villes des participants ont été recensés dans un tableau destiné à s’enrichir au cours des années.
La question de l’importance de faire pression sur le plan régional et national pour l’ouverture de classes de portugais, via des pétitions durant l’année 2019, a été soulevée. De même, celle de faire pression sur les candidats lors des différents moments électoraux à venir (élections européennes en mai 2019 et municipales en mars 2020).
Conclusions : « Financement »
Enfin, Luciana Gouveia a rapporté les conclusions de l’atelier « Financement », en commençant par souligner la différence entre la question de savoir qui devrait et doit payer la campagne d’une part, et qui le pourrait et le peut d’autre part. Si en réfléchissant en termes de « devoir », les réponses du réseau semblaient désigner principalement les Etats (France, Portugal, autres pays lusophones), rien ne garantit leur contribution.
En réfléchissants en termes de « pouvoir », plusieurs possibilités s’ouvrent : faire appel à différentes institutions officielles (CPLP, Unesco), à l’Union Européenne, à des entreprises, des fondations privées, ou bien passer par un financement participatif ou des initiatives solidaires (récoltes de fonds lors d’un match, par exemple). Le réseau a également réfléchi à ce qu’il serait possible de faire sans argent, comme associer des artistes convaincus par la cause, faire la campagne sur Internet, ou d’associer des partenaires qui assumeraient les dépenses.
Cette séance de conclusion s’est terminée avec la présentation de la Feuille de route à suivre jusqu’en 2020 pour élaborer la campagne à partir des éléments réunis durant les Etats Généraux de la Lusodescendance et pour la lancer à l’échelle locale et nationale. Elle a été une ultime fois soumise au regard du réseau afin d’être enrichie et critiquée.
Divertissement à l’image de la richesse de la lusophonie
Les séances de travail des 2e Etats Généraux de la Lusodescendance ont été entrecoupées de différents moments de divertissement culturel, en lien avec la production cinématographique cinématographique, théâtrale et musicale lusophone. Le samedi soir, après un cocktail brésilien, a eu lieu une projection privée du documentaire Eusébio : História de uma Lenda (2017) en présence de son réalisateur Filipe Ascensão.
Le dimanche matin, après la présentation des conclusions et de la Feuille de route, un temps de conversation a été aménagé avec le brésilien Gabriel Calonge et le français Gaspard Liberelle pour la pièce Naufragé(s) qu’ils ont joué au Théâtre du Rond-Point à Paris du 8 janvier au 3 février 2019. Ce premier est auteur, metteur en scène et acteur de la pièce, qui fut initialement écrite en portugais et créée au Brésil avant d’être traduite en français par ce dernier. L’eurodéputé Carlos Zorrinho a également pris part à cette initiative dimanche matin lors d’une conférence au sujet de l’éducation et l’innovation filmé par RTP dans le cadre de l’émission Europa Minha.
Un concert intimiste
Enfin, la deuxième édition des Etats Généraux de la Lusodescendance s’est clôturée le dimanche après-midi avec un concert intimiste auquel tout le réseau présent a été convié. La chanteuse Lúcia de Carvalho, née en Angola, a chanté plusieurs des chansons de son album « Kuzola » accompagnée à la guitare d’Edouard Heilbronn. Ensuite, le chanteur portugais João Gil est venu nous présenter le projet Portugal Maior pour lequel il a été missionné par le gouvernement portugais. Suite à cette présentation, l’artiste a chanté plusieurs de ses compositions les plus classiques, que les participants de l’événement ont entonnés en chœur.
Cette deuxième édition des Etats Généraux de la Lusodescendance a permis de solidifier les liens du réseau autour d’un objectif commun qui nous est cher à tous : la promotion de la langue portugaise, et de mettre à profit les expériences et les idées de chacun dans le cadre d’un travail collectif pour une campagne nationale.
Caroline Gomes
capmag@capmagellan.org
Crédit photos : Lurdes Abreu et Christophe Correia