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12 juin 2025Cap Magellan est allé à la rencontre Eduardo Costa, lusodescendant passionné par le cinéma et dont le rêve a toujours été de créer et de raconter. Après avoir suivi une formation en école de cinéma, il concrétise son rêve à travers Juste Heureux et d’autres expériences dans la fiction ou le documentaire, avec des projets comme Saudade, Maracuja ou Stop.
Cap Magellan : Bonjour Eduardo, j’espère que tu vas bien. Peux-tu nous expliquer ton parcours ?
Eduardo Costa : Je m’appelle Eduardo Costa, j’ai 23 ans et je suis issu d’une famille de travailleurs immigrés portugais. Je suis né à Paris, où j’ai vécu toute ma vie. Dans mes projets, j’ai souvent voulu montrer ce côté-là de moi, de mes parents et de ma famille : le Portugal que nous ne voyons pas à la télévision.
Mon parcours a été fait en fonction de cette idée. Je pense que j’ai toujours voulu créer, faire du cinéma et de la photo. Dans un premier temps, je voulais me présenter de cette manière-là, montrer aux gens d’où je venais, qui j’étais et remercier ces gens-là.
Concernant mon parcours scolaire, j’ai fait un lycée classique en filière STMG. Puis, je suis entré dans une école de cinéma pour apprendre le métier. Actuellement, je reprends mes études à la rentrée, pour faire quelque chose en parallèle. Je compte vivre du cinéma et de la photo et j’en vis déjà un peu. L’objectif est de voir loin et de mettre ce côté-là du Portugal sur la carte.
CM : Quelle a été la réaction de tes parents quand tu leur as annoncé que tu voulais faire du cinéma ?
Eduardo Costa : Mon père s’en moque un peu, pour lui ce n’est pas très important, tant que je suis heureux. Ma mère c’est compliqué, elle n’a pas du tout adhéré. Cependant, quand elle a vu l’exposition, mes photos et mon travail, elle avait les petites larmes aux yeux, l’émotion alors que, en tout cas ma famille, nous n’allons pas beaucoup nous dire « je t’aime » ou être très expressif. Je sais qu’elle est fière de ce que je fais et qu’elle aime cela, mais sa peur de mère ne veut pas que ce soit un métier, elle préférerait que cela reste une passion.
CM : Dans la plupart de tes productions, les thèmes de l’immigration, et notamment celle liée à la communauté portugaise, semblent centrales. Pourquoi t’es-tu concentré dessus ?
Eduardo Costa : Au début, quand tu fais de l’art, je pense que le meilleur moyen de se présenter c’est de faire quelque chose de personnel. Je ne voulais pas montrer quelque chose que je n’étais pas, je voulais montrer d’où je venais et qui j’étais. De plus, il y a une grande communauté portugaise dans le monde qui a immigré, une grande diaspora, que ce soit à Paris, ou quand je suis allé à New York ou en Hongrie, il y avait beaucoup de portugais. Je trouve que les mettre en avant est une force et que nous ne l’avons pas assez fait. Pourtant, nous ne sommes pas restés longtemps en France et dans les pays où nous sommes venus immigrer. Je voulais juste mettre cela en avant parce que c’est quelque chose de beau et de très atypique. Nous avons un pays qui n’est pas comme les autres. Je pense que même ceux qui ne sont pas de là-bas le ressentent. J’ai voulu montrer cela car c’est important. Je n’ai jamais vu de film portugais incroyable parce qu’il n’y a pas beaucoup d’art portugais actuellement. Il y en avait plus avant et je m’en inspire beaucoup. J’espère faire partie de cette nouvelle génération d’artistes portugais dans le monde.
CM : Dans le court-métrage Juste Heureux, tu abordes le thème du handicap. Pourquoi était-ce important pour toi de le mettre en avant ?
Eduardo Costa : Le frère de mon père est trisomique. J’ai grandi avec lui mais je le considère comme un cousin. Il est un peu comme un enfant, il est notre meilleur ami à tous. Leur relation m’a toujours marqué, cette fratrie, ce côté protecteur que mon père a avec lui. Je ne sais pas comment expliquer, mais ils ont une alchimie qu’il n’a pas avec tout le monde. J’ai voulu mettre ça en avant dans le projet, pour parler du handicap qui n’est pas beaucoup montré. Ici, c’était avec un autiste parce que c’était important pour moi et je voulais aussi montrer un peu ce côté original, où c’est le grand frère qui est handicapé et le petit frère qui s’occupe de lui. Cela change du scénario classique où l’aîné s’occupe du plus jeune. Ce thème est important parce que j’ai toujours été proche de gens qui sont atteints de maladies mentales ou physiques dans ma famille. J’ai toujours grandi avec ces gens-là et ce sont des gens qui ne nous parlent pas souvent, mais qui sont comme nous. Je voulais tout simplement mettre ça en avant aussi.
CM : Ressens-tu une différence entre la façon dont le handicap est traité en France et au Portugal ?
Eduardo Costa : Au Portugal, le handicap mental est un peu tabou. Il y a pas mal de personnes âgées qui sont atteintes d’Alzheimer là-bas et, souvent, ils sont mis en maison de retraite et ils sont considérés comme des gens un peu bizarre. C’est en train d’évoluer trop doucement. En France, nous sommes beaucoup plus ouverts sur cette question-là. Après, je pense que le but de mes projets, des gens qui font de l’art ou autre, est de montrer qu’il faut changer les choses, parce que ce n’est pas de leur faute. Par exemple, mon oncle qui est là-bas n’a jamais été à l’école, il ne sait même pas lire ni écrire, alors qu’en France, ils sont quand même plus suivis. C’est triste mais je sais que c’est en train d’évoluer et j’ai plein d’espoir dans cela.
CM : Du 11 au 13 avril dernier, tu as exposé tes photos à la galerie Dohyang Lee, dans le 3e arrondissement de Paris. Qu’est-ce qui t’a motivé à faire de la photographie ?
Eduardo Costa : J’ai beaucoup été influencé par mes proches qui faisaient de la photo argentique. Au début, je voulais rester uniquement sur la vidéo, j’étais un peu bloqué dessus. Un jour j’ai acheté un appareil, je me suis ouvert et j’ai simplement aimé l’expérience de prendre des photos et surtout des moments de vie.
J’ai commencé par mes proches et, après, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose que nous n’avons pas l’habitude de voir. D’où l’idée de l’exposition : je voulais mettre en avant ce côté-là de moi. Avant tout, nous voulions faire quelque chose à trois, entre meilleurs amis. Nous nous connaissons depuis que nous avons 15 ans et nous voulions nous présenter au monde, dire que nous aussi, nous faisons de l’art, que nous voulons faire bouger les choses et que nous voulons mettre en avant chacun qui nous sommes. Moi, c’était le Portugal. Un de mes amis est parti en van pendant un an et il montre les photos de son voyage et de comment se sont passées les rencontres. Ce que nous voulons montrer aussi, c’est qu’il ne faut pas se mettre de barrières, peu importe qui nous sommes, d’où nous venons. Il ne faut pas avoir honte et montrer ce que nous faisons. Rien ne destinait mon ami à partir en van life dans toute la France et il a fait des rencontres incroyables, comme moi au Portugal. Le fait que je prenne des photos pouvait paraître bizarre ou, des fois, les gens pouvaient être réticents, mais ceux qui ont accepté ont plus qu’aimé l’expérience. C’est le plus important pour moi.
CM : Tant en photographie, que dans l’univers filmique, quelles sont tes inspirations ?
Eduardo Costa : En photographie, c’est Gérald Bloncourt. Il a photographié les premiers immigrés portugais qui sont venus en France, dans les bidonvilles, pendant les années 1960. Je pense que c’est d’ailleurs une des raisons qui m’a donné envie de faire de la photo avec mon entourage, parce que quand j’ai vu ce qu’il faisait et ce qu’il montrait, je me suis dit que c’était possible de le faire. J’ai acheté tous ses livres, j’ai même rencontré sa femme qui a été très gentille avec moi. J’ai parlé avec elle de son parcours et de l’admiration qu’il avait pour cette communauté. C’est lui qui m’inspire dans la photographie.
Le cinéma est mon domaine de prédilection, pourtant je n’ai pas de personnes favorites. Il y a un peu de tout qui m’inspire, cela dépend des films, de mon humeur, mais je ne suis pas très compliqué.
CM : Actuellement, tu es en train d’écrire un long métrage qui s’appellera Stop. Que peux-tu nous en dire ?
Eduardo Costa : Ce long métrage sera sur la pression qu’un homme subit au quotidien dans une famille comme la mienne, assez religieuse et fermée. Je trouve que c’est dur d’être quelqu’un de gentil, je sais qu’il y a beaucoup d’hommes méchants, mais je parle plus de cette pression qu’il subit au quotidien par sa mère, ses proches, mais toujours avec une pointe d’espoir à la fin. Je vais toujours montrer cela dans mes films, je ne vais pas être négatif, je vais toujours montrer le bien. Je montre aussi que la pression peut souvent faire craquer les gens, leur faire prendre des décisions compliquées ou des choix mauvais, mais toujours avec une limite. Il y a ceux qui vont très vite craquer, faire quelque chose de très grave, d’inexplicable ou d’inexcusable. Je veux juste montrer quelqu’un qui subit, mais tient quand même face à la pression. Nous verrons sa petite vie, son travail, la pression qu’il subit socialement, familialement aussi, dans ses relations, qu’elles soient amicales ou amoureuses.
CM : As-tu d’autres projets au niveau de la photo qui arrivent ?
Eduardo Costa : Je n’ai pas pensé à faire un autre projet photo actuellement, comme l’exposition a été faite il n’y a pas très longtemps. J’aimerais bien visiter le Portugal, ses îles, etc. J’ai toujours voulu aller là-bas. La prochaine destination sera peut-être le centre. Je trouve que nous ne le voyons pas beaucoup non plus contrairement au sud.
Sinon, pour la photo, c’est plus ne pas se prendre la tête. J’aimerais bien mettre en avant quelque chose autour du travail. J’étais entouré de grands travailleurs qui, aujourd’hui, continuent de travailler en tant que femme de ménage, dans le bâtiment, et je souhaiterais peut-être mettre ça un peu en avant dans mes photos.
CM : Veux-tu rajouter une dernière chose avant la dernière question ?
Eduardo Costa : Je voulais simplement dire aux gens qu’ils soient eux-mêmes, qu’ils n’aient pas honte de qui ils sont. La honte ne mène nulle part.
Personnellement, j’ai mis beaucoup de temps à me lancer et à être fier de qui je suis. Je pense qu’il ne faut pas avoir honte, même si au début, cela peut paraitre compliqué. Les gens, même nos propres parents des fois, peuvent nous critiquer mais il faut avoir confiance en soi et se lancer parce que les gens vont juste apprécier ce que vous faites, si c’est sincère.
CM : Pour finir, ma question signature : aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Eduardo Costa : D’être fier de qui ils sont, de montrer d’où nous venons. Je pense que la France et le Portugal sont deux pays qui ont un lien fort, une grande histoire similaire et qu’il faut continuer à construire ce pont que nous avons ensemble. N’ayez pas honte de qui vous êtes. Montrez-vous, affirmez-vous, soyez humbles et restez vous-mêmes. C’est le plus important.
CM : Merci beaucoup Eduardo Costa.
Eduardo Costa : Merci pour l’invitation.
Vous pouvez aller suivre Eduardo Costa sur : Instagram, YouTube.
Interview réalisée par Camille Vaz Folia
et Julie Carvalho, de Os Cadernos da Julie.
Publié le 10/06/2025.