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4 juin 2024Le 28 avril dernier, Cap Magellan a assisté au spectacle José Cruz dans le Portugal, voyage au centre du monde à Achères (78), ville d’où l’humoriste est originaire. José Cruz c’est bien plus qu’un spectacle. C’est un troisième et dernier one-man-show, une marque de vêtement, des vidéos sur les réseaux sociaux, le Frantugais Mag, mais aussi un grand sourire, une motivation sans faille et de la bienveillance à en revendre. Il nous a accordé une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour José ! Aujourd’hui nous sommes à Achères pour ton spectacle, une ville qui a de l’importance pour toi vu que tu viens de là-bas. Qu’est-ce que ça t’as fait de pouvoir jouer dans cette ville pour la première fois ?
José Cruz : C’était très particulier, très émouvant et très touchant. J’étais assez intimidé,
heureux et à la fois stressé. C’est particulier de raconter mon enfance et mon adolescence dans la ville où je les ai vécues.. C’était aussi une représentation magique et mémorable, je m’en souviens encore par cœur ! C’est comme si ma mémoire avait tout enregistré de A à Z. Il y avait beaucoup de monde, la salle était quasiment pleine. J’étais seul sur scène, il n’y avait que moi et mon travail. D’ailleurs ma famille y était et c’était aussi la première fois qu’ils voyaient mon spectacle. Je crois qu’ils sont assez contents. Pour les deux premiers one man show, je n’ai pas eu l’occasion de les jouer à Achères mais celui-ci, le troisième, celui qui est le plus personnel, le plus authentique c’est celui qui se joue à Achères curieusement. Ce sera d’ailleurs le troisième et dernier one man show.
Cap Magellan : Pourquoi ? Tu vas faire quoi après ?
José Cruz : Je ne peux pas encore le dire. Le spectacle n’a que sept mois, on a fait 38 dates. Pour l’année prochaine, il y a minimum 80 dates encore. La fin de saison de l’année prochaine va être ce que l’on appelle une stabilisation. Nous allons finir de fixer le spectacle et faire de la haute couture. De janvier à juin, il va y avoir une grosse tournée en France avec de nombreuses dates. Tout n’est pas encore fixé, nous attendons plusieurs réponses.
Cap Magellan : C’était important pour toi de faire une date aussi proche de cet évènement ? Et c’est pour cette raison que tu as fait venir Cláudia Costa pour chanter du fado ?
José Cruz : Chaque année depuis 5 ans je célèbre le 25 avril à ma façon : sur scène ou en vidéo. Cette année nous célébrons les 50 ans de l’événement, donc j’ai voulu marquer le coup sur les trois dates qui étaient proches du 25 avril (le 26 à Guérande, le 27 à Soisy-sous-Montmorency et le 28 à Achères). Pleins d’artistes n’y pensent plus mais c’est important de le célébrer. Je le célèbre dans le spectacle aussi puisque je raconte le 25 avril au travers de la musique Grândola Vila Morena de Zeca Afonso, qui fait partie de ma playlist musicale. C’est important aussi parce que la première décision qui a été prise lors de la Révolution des Oeillets nous concerne : la liberté d’expression, plus de censure, etc. Avant nous les artistes, les écrivains, et les journalistes pour publier, écrire et éditer quoique ce soit, il fallait passer par les comités de censure. Aujourd’hui nous avons cette liberté au Portugal (en France elle existait déjà) qui est née le lendemain du 25 avril. C’est un aspect qu’il ne faut jamais oublier, donc autant le fêter plutôt deux fois qu’une surtout quand c ‘est le cinquantenaire.
Cap Magellan : Au-delà du spectacle, tu fais aussi pas mal de vidéos sur les réseaux sociaux qui reviennent sur l’événement. Comment as-tu eu cette idée ?
José Cruz : Cette année est la 5e ou 6e année que je fais des vidéos sur ce sujet. Cette année, je suis passé derrière la caméra. C’était la première fois que je faisais des vidéos où l’on ne me voyait pas. C’est la suite logique de mon évolution artistique. De plus en plus, je souhaite me tourner vers des formats plus longs : du court-métrage, des documentaires et du cinéma. Pour ces vidéos, je voulais faire raconter l’histoire des personnages par des comédiens en les rendant intemporels c’est-à-dire en les montrant dans des situations d’interviews mais sans que les gens sachent si c’est dans un passé lointain ou juste au lendemain du 25 avril. Je voulais rendre ça intemporel parce que je voulais que les gens se disent que la révolution des Oeillets c’était hier. Je suis hyper content car les quatre vidéos cumulées ont dépassé 1 millions de vues. La première a atteint quasiment 350 000 vues cumulées ainsi que celle sur Maia où participe l’historien Yves Léonard.
Cap Magellan : Cláudia Costa nous as dit que tu lui as obligé de chanter en français. Pourquoi c’est important ?
José Cruz : Comme je le dis toujours j’ai deux pays, deux cultures, deux amours. Je suis attaché aux deux et je les aime. Ces deux entités font partie de moi à part entière. Et j’ai la chance, même si je travaille sur mes origines et ma culture, d’avoir un spectacle qui parle à tout le monde. J’ai un public très large, avec certes beaucoup de gens originaires du Portugal, mais ce dont les gens ne se rendent pas compte c’est qu’il y a de plus en plus de couples mixtes ou d’enfants issus de couples mixtes. Je n’avais pas obligé Cláudia Costa à chanter en français mais je lui avais dit d’essayer d’avoir une chanson en français. Je l’avais déjà entendu chanter du Edith Piaf en fado et je trouvais ça génial comme idée.
Cap Magellan : Il y a aussi des Français qui assistent à ton spectacle. Est-ce que souvent tu aimes faire participer activement ton public à tes spectacles ?
José Cruz : Ce spectacle est un voyage et, si l’on y pense bien, dans un voyage il y a des imprévus. Dans le spectacle, c’est l’imprévu qui rend le voyage unique, notamment quand on allait au Portugal en voiture ou en avion. Je me donne 10% du temps du spectacle en improvisation, et souvent c’est en lien avec les gens qui n’ont pas été au Portugal. C’est pour cela que j’ai ce jeu de questions réponses au début pour ceux qui ne parlent pas le portugais. Je leur donne des clés particulières pour se sentir concernés par le spectacle. Je les mets tout de suite dans le sac et je les charrie un peu. Mais je ne les lâche plus parce que je les prends par la main pour les emmener au Portugal dans cette double culture et, en l’occurrence, dans la culture portugaise qu’ils ne connaissent pas.
Cap Magellan : Et est-ce que tu penses qu’il y a intérêt des Français pour le Portugal ?
José Cruz : Grâce à la mise en avant et à l’éclairage dû aux 50 ans de la Révolution des Oeillets oui. Après, est-ce que c’est quelque chose qui va perdurer ? Je ne sais pas. En tout cas pour le mois d’avril ça a fonctionné. Il y a eu un vrai intérêt et j’espère que cela va continuer. Beaucoup l’oublient encore, il y a entre 3 et 5 millions de lusophones en France. C’est énorme et c’est dommage qu’il faille attendre un anniversaire des 50 ans de la Révolution des Oeillets avec tout ce qu’elle représente. On a beaucoup parlé de ce qui a été entraîné pour le Portugal mais cette révolution a eu une répercussion internationale : la décolonisation. Il y a 5 pays qui sont devenus indépendants à la suite du 25 avril. Donc cette date n’est pas juste un épiphénomène dans un petit pays de 10 millions d’habitants. Non, au contraire, cela a eu une répercussion mondiale sur tout plein de choses.
Cap Magellan : Au-delà de ça, par rapport à tes deux premiers spectacles, est-ce que tu as remarqué une différence d’intérêt de la part du public français ?
José Cruz : Je remarque qu’il y a de plus en plus de Portugais et lusophones qui font de l’humour aujourd’hui. On était trois en 2009/2010 à faire de l’humour sur scène. Mais l’évolution que j’ai vu est que maintenant les gens s’intéressent aux humoristes d’origine portugaise et sont curieux de voir ce qu’ils peuvent raconter. Avant, on était un peu en retrait. Là maintenant il y a un peu plus d’intérêt, d’autant plus que, ces derniers temps, le Portugal, et Lisbonne en particulier, sont dans la hype. Il y a un intérêt de plus en plus fort pour connaître l’histoire de ce pays, qui nous sommes, d’où on vient, etc. C’est ce que j’essaye aussi de raconter dans mon spectacle : d’où l’on vient ? Qui l’on est ? Et finalement, si c’est si bien, pourquoi ne repart-on pas ?
Cap Magellan : Certaines personnes dans la communauté reprochent des blagues jugées comme étant toujours les mêmes, l’ostentation des accents, etc. Toi c’est quelque chose que tu revendiques. Est-ce que ces critiques t’atteignent ?
José Cruz : Non pas du tout. Tout d’abord parce que déjà parents ont réellement l’accent et moi quand je vais au Portugal j’ai un accent aussi. Moi on m’appelle le Francês et ce n’est pas méchant. Je fais des erreurs mais je ne le fais pas exprès. Quand je dis que le frantugais est un point culturel entre nos deux pays c’est vrai et quand je dis que c’est un trait d’union entre Molière et Camões je le pense vraiment. C’est important de rappeler que le portugais est une langue qui est née de plusieurs langues et que le portugais est une langue qui a à peu près une trentaine de dérivées dans le monde. C’est la langue qui en a le plus. Pourquoi ? Parce que nous sommes allés aux quatres coins du monde. Les gens qui disent qu’il faut arrêter de parler avec des accents, qu’il faut arrêter de faire des blagues sur les Portugais, etc. Je pense que tout dépend de comment tu utilises la blague et pourquoi.
Cap Magellan : Le Frantugais c’est ta marque de fabrique mais aussi une marque de vêtement.
José Cruz : Ces derniers temps il n’y a pas eu grand chose qui est sorti puisque nous préparons des nouveautés pour l’année prochaine et parce que tous les stocks ont été vendus pour le cinquantenaire. J’avais un stock de 50 T-shirts pour le 25 avril et ils sont tous partis. La marque est née lors du confinement. Je ne pouvais plus raconter mes histoires alors je me suis dis j’allais les faire porter. La devise de la marque est « Je suis d’ici e sou de là ». Frantugais a sorti pendant tout le confinement : un mois un T-shirt. Chaque T-shirt racontait une histoire. Lorsque nous sommes sortis du confinement j’ai commencé à en sortir moins. Nous sommes en train de préparer une restructuration pour l’année prochaine. Je recherche quelqu’un pour refaire le site internet et tout gérer parce que j’ai beaucoup de demandes mais je n’ai pas le temps. Par exemple, pour créer un T-shirt, il faut 4 à 8 semaines. Pour concevoir les impressions avec une calligraphie de haute qualité, il faut 6 à 8 semaines de délai de fabrication/livraison. Aujourd’hui, avec mon emploi du temps, je n’ai plus le temps donc l’objectif c’est de trouver quelqu’un qui s’en charge.
Cap Magellan : Il y a également le Frantugais Mag. C’est quoi la genèse de ce projet ? Comment s’est venu ?
José Cruz : C’est venu aussi pendant le confinement. En fait, je me rends compte que l’adversité nous rend plus fort pour trouver des solutions. Pendant le confinement, je n’ai pas pu porter mon message de tolérance au travers de l’humour. Le public m’a beaucoup manqué alors j’ai créé le Frantugais Mag Show pendant le confinement. Lorsque nous avons été déconfinés, je l’ai arrêté parce qu’en plus je suis devenu papa donc je n’avais plus de temps. Quand ma petite fille est entrée à la crèche ça s’est stabilisé alors j’ai relancé le Frantugais Mag pour voir ce que ça donnait et ça a pris tout de suite. C’était en juin 2022. J’ai bien fait parce qu’on est passé de 4 000/5 000 vues les premiers épisodes à un nouveau record il y a 3 semaines de 33 000 vues pour une émission en stream. Cela me permet de raconter des histoires à travers les gens. Le Frantugais parle à pleins de gens mais l’idée c’est de véhiculer des valeurs. Il y a pleins de surprises pour l’année prochaine et l’émission va se dérouler jusqu’à début juillet. Elle va prendre une nouvelle forme pendant l’Euro 2024 de foot. Pour l’année prochaine, la grande nouveauté est que le Frantugais Mag va aller de plus en plus à l’étranger : au Portugal, en Suisse, au Luxembourg, au Brésil, partout où il y a de la lusophonie.
Cap Magellan : Comment choisis-tu tes invités ?
José Cruz : Je fais une grosse enquête sur eux. J’invite des gens avant ou après avoir vu ce qu’ils font et qui ils sont. Ce n’est pas une émission journalistique. Je ne suis pas un journaliste, mon but est de raconter des histoires à travers les gens et de leur dire ce que j’ai découverts d’eux, ce que j’ai ressenti dans une espèce de trame que je me construis un peu en mode commedia dell’arte. L’émission cherche à faire découvrir l’humain très vite à travers la personne que je reçois. Ce que je voulais montrer à travers cette émission est que nous pouvons aller très loin dans nos rêves et dans ce que l’on appelle la réussite. Ce qui compte c’est d’être heureux et épanoui dans ce que l’on fait. Chaque instant permet de profiter, de vivre sa double culture à fond, d’en être fière et de pouvoir la partager.
Cap Magellan : Pour finir, ma question signature : est-ce que tu aurais un message pour les jeunes lusodescendants ?
José Cruz : Partez à la découverte du monde, restez ouvert aux autres cultures et enrichissez-vous des autres. Le Portugal était historiquement un petit pays coincé au bout de la Péninsule Ibérique. La seule solution qu’il a trouvé pour grandir et se développer a été de voyager dans les mers. Il faut retenir le positif de ça : la double-culture, la présence de lycées internationaux aux quatres coins du monde, le portugais qui est parlé partout. Partez à la découverte du monde et soyez tolérant, ouvert à la nouveauté et à la différence.
Cap Magellan : Merci José ! Nous avons hâte de voir toutes les nouveautés dont tu nous as parlé.
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Prenez vos places pour les prochaines dates de la tournée.
Consultez le site internet Frantugais pour ne rater aucune nouveauté !
Interview réalisée par Julie Carvalho,
de Os Cadernos da Julie.
Retranscription par Sophie Abreu.
03/06/2024