Cap’EVENTOS : L’agenda musical à ne pas manquer !
30 mai 2022Festival Parfums de Lisbonne
2 juin 2022En ce mois qui célèbre la Musique, nous sommes allés à la rencontre de DJ Valdo, le DJ qui a marqué bien des discothèques parisiennes fréquentées par des lusodescendants. Il a aussi été l’une des voix emblématiques de Radio Alfa pendant près de 19 ans.
Retour sur son parcours et ses 38 ans de carrière.
Cap Magellan : Nous sommes au mois de juin, on va célébrer la musique. Qu’est-ce que représente la musique dans ta vie ?
Valdo : Ah… tout ! (rires) La fête de la musique est la plus belle des fêtes pour moi. Un grand moment de communion musicale entre les êtres, de quelque milieu que soit. J’ai découvert la musique avec les disques de ma sœur : Claude François, Michel Polnareff, Aretha Franklin, les Rolling Stones… j’avais deux ou trois ans. Elle représente tout parce que ce sont mes premières émotions, ce sont des moments, des instants… Tu te souviens toujours de quelque chose, quand tu écoutes une chanson. Un souvenir triste comme joyeux.
Cap Magellan : C’est quoi, pour toi, la musique qui symbolise la joie ?
Valdo : Vaste question… Une musique qui me rend joyeux n’est pas forcement la même qui va rendre joyeux quelqu’un d’autre. Par exemple, une chanson de João Gilberto, même si elle est plutôt mélancolique, elle est aussi ensoleillée et me rend joyeux ! Elle me fait sourire, rêver. Mais la musique de la joie, cela peut aussi être un bon « Vira do minho », un bon « Corridinho algarvio » de chez moi, comme ça peut être aussi un morceau de House, R’N’B, Rock ou un bon vieux Patrick Sébastien (rires). Chaque musique a son côté joyeux et son côté triste.
Cap Magellan : Et quelle est selon toi la musique qui t’inspire un peu plus de nostalgie ou de tristesse ?
Valdo : De par mes racines je dirais le Fado, j’ai toujours la chair de poule quand j’en écoute. Mais c’est la musique des années 50-60 : c’est une époque que j’aurais aimé vivre, celle de mes parents. Quand ils se sont connus, mon père dansait sur du Francisco José, Tristão da Silva… Ces chansons ne me rendent pas triste, mais mélancolique : mes parents ont bien vécu, j’ai souvenir de grandes fêtes à la maison ou l’on chantait et dansait. J’ai toujours aussi été influencé par le jazz et la soul ! J’ai découvert le jazz en faisant de la radio à l’âge de 18 ans : Miles Davis, Nat King Cole, Billy Holiday entre autres. La nuit, je piochais souvent dans les vinyles cachés du studio de Transitalia…
Cap Magellan : Comment ta carrière a commencé à la radio ?
Valdo : Tout a commencé au groupe folklorique Alegrias do Algarve au sein duquel je dansais. Une des danseuses était standardiste à la radio et m’a invité car selon elle j’avais une « jolie voix radiophonique » (rires). J’ai commencé, donc, la radio au mois de mai 1984 sur une radio qui s’appelait à l’époque Portugal no mundo. C’était une association présidée par João Rodrigues, qui proposait des émissions sur Radio Rencontre, avec des programmes en français, en italien et en arabe pour les populations immigrées. Après cette première expérience, la radio italienne Transitalia FM et ses directeurs Pino Valparaiso, mais aussi Ricardo et Enzo, sont venus me chercher pour diffuser de la musique brésilienne et soul. L’émission s’appelait Carnavaldo. Dans cette radio, il y avait des professionnels qui venaient de la Rai Uno, la chaîne italienne. C’est là-bas que j’ai réellement appris le métier et que j’ai noué une amitié sincère et qui perdure avec Mario Scodinu, aujourd’hui animateur et directeur des programmes de Radio Latina. J’y suis resté de 1985 à 1989 environ. C’est ensuite que j’intègre Radio Alfa, en mai 1988, quelques mois après sa création, puis la radio FG, qui s’appelait encore à l’époque Future Génération…
Cap Magellan : Tu as passé presque 20 ans à Radio Alfa !
Valdo : Oui, c’est 19 ans de ma vie. C’est Arthur Silva, célèbre voix de Radio Alfa, qui est venu me chercher à Transitalia ! Il m’a dit qu’il fallait que je revienne chez les portugais quand même… (rires) J’y ai animé plusieurs émissions, dont « Club In », par exemple, qui diffusait pendant une heure le meilleur de la musique des discothèques. J’invitais des artistes, des DJ… J’ai même couvert les voyages en voiture au Portugal, avec Jaime Mendes, pour Radio Alfa ! J’en profite d’ailleurs pour lui rendre hommage, c’était un peu mon père spirituel à la radio et l’un des pères fondateurs de Radio Alfa, avec Rogério do Carmo, aussi. Ils ont monté leur première émission avec leurs propres vinyles, dans une cuisine, à Villejuif ! (rires) J’étais très timide et c’est Jaime Mendes qui m’a pris sous son aile, on avait les mêmes goûts musicaux et il m’a appris à poser ma voix, par exemple.
Cap Magellan : Tu as aussi connu l’équipe de Tempestade, première émission de Cap Magellan !
Valdo : Oui ! Et j’ai suivi, comme vous, les retours des voyageurs au Portugal ! Avec Jaime Mendes, nous interviewions les automobilistes à la frontière d’Hendaye, qui rentraient au Portugal, en 1989. Il n’y avait pas de portable à l’époque ! Alors quand des amis se perdaient de vue pendant le voyage, on diffusait des messages à l’antenne pour les aider à se retrouver… (rires) ou pour les aider à retrouver des objets perdus ! On ne dormait pas beaucoup.
Cap Magellan : Tu fais encore de la radio aujourd’hui ?
Valdo : Je fais de la webradio surtout ! J’ai monté Lusovibes en 2008, la 1ère webradio portugaise en France, avec un ami français Jean Pierre Lelièvre (Rémy Vincent), qui était DJ et venait de Radio Voltage. Aujourd’hui, j’anime l’émission « Show Balnéaire » sur Radioshow. C’est une webradio qui s’inspire d’une radio libre des années 80, qui comme beaucoup de radios libres de l’époque, n’ont pas eu la possibilité de continuer sur les ondes des radios FM. Le concept a donc été repris par des anciens de cette radio tels que Serge Delliaux, MC Adrian… en webradio, avec le même style musical de l’époque : la musique des années 80, très funk, disco, soul. Elle est diffusée les mercredis entre 18 et 20 h et le dimanche entre 12 et 14h en rediffusion.
Cap Magellan : Comment tu as appris à faire de la radio ?
Valdo : La radio, je l’ai appris sur le tas, une fois que j’ai mis les pieds dans les studios. C’était mon école. Je n’ai pas fait d’études. J’ai quitté l’école à 12 ans et j’ai tout de suite commencé à travailler au Portugal. J’ai fait comme mes copains ! J’ai été charpentier, mais je passais mon temps à regarder les golfeurs d’à côté… Je gagnais plus d’argent en portant leurs caddies ! (rires) Puis j’ai fait un tas de petits boulots… j’ai été boulanger la nuit à 13 ans. Plus tard et déjà en France, j’ai été assistant de production… J’ai même été acteur ! Et croque-mort ! (rires)
Cap Magellan : Tu as joué dans quels films ?
Valdo : Quand j’ai commencé à faire de la radio, un jour, un ami d’origine portugaise lui aussi, Henrique Sampaio, qui faisait des émissions sur Transitalia FM, m’a proposé de passer un casting et je me suis retrouvé à faire de la figuration dans La Bohème de Luigi Comencini (1987). Je jouais un ouvrier qui poussait des brouettes de charbon sous la Révolution française ! Les passants nous prenaient pour des SDF (rires). Ensuite, j’ai joué dans plusieurs autres productions, dont La gamine de Hervé Palud (1991) avec Johnny Halliday ! On a échangé quelques mots. Je n’oublierai jamais !
Cap Magellan : Et comment te retrouves-tu DJ ?
Valdo : J’ai fait une petite formation de DJ à l’âge de 18 ans, mais je n’y ai pas appris grand-chose à part connaître le tempo de la musique… Cela m’a surtout coûté de l’argent ! (rires) Être DJ, en fait, ça ne s’apprend pas. Il faut avoir une bonne culture musicale. Mais je pense qu’il faut surtout savoir sentir, aimer les gens, être communicatif. Un DJ ne peut pas rester enfermé dans sa cabine. Il doit être tout le temps en train d’observer le public, aller leur parler. Il faut être sensible à cela. Il y a des regards qui disent long.
Cap Magellan : Et tu as commencé assez tard, en fait, à être DJ.
Valdo : J’ai fait mon premier mix à la piscine Deligny vers 1986, pour un défilé du couturier Valentino. Pour une première, c’était pas mal (rires). Ensuite, j’ai mixé par-ci par-là… Puis je me suis marié, j’ai eu des enfants et j’ai ouvert un bar au Portugal en Algarve, entre 1996 et 1998 où je mixais. Mais c’est au Cohyba Dance, au début de l’an 2000, devenu par la suite le Lua Vista Club, une toute nouvelle boîte, que j’ai été lancé… en même temps qu’elle ! C’était un super challenge, donner corps à un nouvel endroit. José Antunes, le patron, m’embauche et me fait une confiance absolue. J’y reste 13 ans… Je ne le remercierais jamais assez. J’ai été le pionnier de la musique afro-latino dans les clubs lusophones de l’époque. Puis, je mixe plus tard au Foz Club et deux années au Mikado. J’ai fait quelques guest en France, Portugal, Tunisie… dans des clubs, sur des bateaux, dans des villas, en mode sunset et after. Désormais, je vis dans le sud et je mixe tous les week-ends au Welcome Bar à Antibes. Je fais également des playlists pour des restaurants, pour habiller leur espace sonore (Valter Gonçalves m’a fait confiance pour habiller le Winebar Don Alfonso à Vilamoura, et Eduardo Castro pour son Lounge bar à São Paulo…). Ma patte, c’est la musique house aux influences disco-soul, afro-latino. Je n’aime pas trop la musique commerciale ou « à la mode », mais c’est souvent ce que je passe en soirée, car c’est ce que les gens aiment. J’aime bien les mélanges et faire découvrir de nouveaux sons ! Aujourd’hui, je dois être le plus vieux DJ Portugais toujours en activité, de la place de Paris. Je suis le dinosaure des platines ! (rires)
De toute façon, quand tu as une passion, tu ne la lâches pas. Il y a quelques DJ que j’aime beaucoup qui ont bien dépassé mon âge et sont toujours actifs : Dimitri From Paris, Louie Vega, Carl Cox, sans oublier Corti, Claude Challe, Cerrone…
Cap Magellan : Comment fais-tu pour rester à la page ? Tu continues d’être invité partout, à animer des soirées, des mariages…
Valdo : J’adore ça ! C’est un plaisir, pas un effort et puis mes enfants sont très au courant des modes musicales et leur aide m’est précieuse. Mais ce n’est pas toujours facile de ménager mes deux vies parallèles parce que je travaille en tant qu’agent de voyage à côté. Heureusement, la stabilité familiale aide beaucoup ! J’ai une femme exceptionnelle qui me fait confiance depuis 34 ans et quand on sait que la vie nocturne de clubbing mène à toutes les dérives, je suis un privilégié en amour.
Cap Magellan : Et comment tu as vécu ta double culture ?
Valdo : Je suis arrivée en France, en Bretagne, du côté de Quimper, et j’y ai vécu de l’âge de 2 à 6 ans. Je suis ensuite retourné au Portugal, j’ai vécu le 25 avril 1974 là-bas ! Musicalement, cette période m’a beaucoup marqué : je me souviens des chansons qu’on écoutait à la radio… Il n’y avait pas de télévision chez moi à l’époque. Quand j’étais malade, la radio m’a soigné. Elle soignait mes fièvres, mes maux. Je me soignais à la musique, les émissions comme « O Telefone Toca » sur Radio Club Português… La première voix qui m’a marqué est celle de Júlio Isidro, bien calibrée, bien timbrée… Il animait une émission à la radio qui s’appelait « O Fungágá da Bicharada » ! Vous demanderez à vos parents ! (rires) Je suis revenu en France en 1980 et je ne me suis jamais senti stigmatisé en raison de ma double culture… J’ai toujours vécu entouré d’amis d’origines très variées et les Français que je côtoyais m’ont toujours aidé à m’intégrer. Aujourd’hui, après 46 ans de vie en France, je me sens bien dans mes deux cultures.
Cap Magellan : Est-ce que tu as un style propre ?
Valdo : J’ai toujours aimé les musiques « à la cool », soul, bossa nova, jazz, les ambiances lounge-chill out me vont bien, style « Oceano Pacífico » (ndlr : plus ancienne émission de radio au Portugal diffusée sur RFM à partir du début des années 1980, qui existe encore). J’avais aussi une émission sur Radio Alfa qui s’appelait « Constelação do Capricórnio ». La constellation, c’était la musique, les étoiles, les artistes et le capricorne, vous l’aurez deviné, c’était moi (rires). J’aime la nuit, faire danser les gens sur des musiques House, R’n’b et Fiesta, mais aussi les faire se serrer les uns contre les autres sur un kizomba, slow ou rumba!
Cap Magellan : Quel conseil donnerais-tu aux jeunes d’aujourd’hui ?
Valdo : Quand j’étais jeune, j’étais timide, je ne croyais pas en moi. Je complexais aussi de n’avoir pas fait d’études. Mon entourage me disait que je n’allais pas réussir dans ce monde car je n’avais pas fait d’études. Si je pouvais revenir en arrière, j’éviterais les doutes. Dans la vie, je pense qu’il faut être soi-même et savoir toujours d’où l’on vient. Aux jeunes DJ, je veux leur dire : ce n’est pas avec des « scratchs » qu’on fait danser les gens. Techniquement c’est bien, et pour un certain public. Il faut aussi respecter les artistes, laisser le temps aux musiques, ne pas en changer au bout d’une minute. Les gens ont besoin d’avoir le temps de danser et d’écouter la musique. Il faut toujours être proche de son public, rester humble, rendre un sourire aux gens qui viennent souvent danser le week-end parce qu’ils sont malheureux dans la semaine. Moi, j’ai eu une bonne étoile. Je le sais. Croyez en votre bonne étoile ! J’aime beaucoup cette citation d’Oscar Wilde qui résume un peu tout : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit toujours dans les étoiles ».
Suivez DJ Valdo sur facebook.com/valdemar.oliveiradesousa.16 et Instagram : @dj_valdo_musik et écoutez ses playlists sur Hearthis : https://hearthis.at/djvaldomusi-k/
Propos recueillis par Anna Martins
Publié le 15/05/2022