Mozambique, un avenir politique trouble
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19 novembre 2024Patrick Straumann est un auteur français, amoureux de la lusophonie. Il a publié plusieurs ouvrages aux éditions Chandeigne et Lima, dont le dernier L’Homme en mouvement, sorti fin août 2024. Cap Magellan a souhaité en savoir plus.
Cap Magellan : Bonjour Patrick, j’espère que vous allez bien. Nous sommes ici pour parler de votre dernier livre, L’Homme en mouvement, qui a été publié fin août 2024, aux éditions Chandeigne et Lima. D’où est venue l’idée de cet ouvrage ?
Patrick Straumann : Je dirais qu’il y a plusieurs origines. La biographie, le mythe de ce personnage qui se trouve au centre du livre, qui se trouve être mon oncle, son histoire familiale qui n’était jamais vraiment connue, mais qui était un peu colportée dans la famille. Son histoire m’avait toujours intriguée. Je voulais en savoir plus, sans avoir forcément ni les moyens, ni l’idée précise de plonger dans le récit de son histoire, parce que je ne savais pas vraiment où commencer. Au fond, c’est lorsque j’ai fait des recherches sur les archives familiales pour un autre livre, qui s’intitule Lisbonne, ville ouverte et que j’ai publié il y a 6 ans, que je suis tombé sur la correspondance entre mon grand-père et son frère, qui se trouve être mon oncle Paul. C’est en lisant cette correspondance que j’ai pu vérifier que beaucoup de récits un peu extravagants, exotiques, qui circulaient à son sujet, étaient vrais de fait. Il m’a semblé qu’en voyant ces correspondances qui s’étirent sur plusieurs décennies, que ça pourrait être la matrice.
CM : A première vue, on a l’impression que c’est un récit familial, mais en réalité pas du tout. C’est vraiment un récit de voyage et aussi un récit historique. C’était important pour vous de garder ce lien avec l’histoire et d’amener des éléments factuels ?
PS : Je crois que vous donnez vraiment les mots clés. C’est un voyage et c’est l’histoire. C’est évidemment l’espoir de tout auteur d’aller au-delà de son histoire personnelle et de dire quelque chose qui puisse être intéressant au-delà de son cas particulier. Le voyage nous permet d’avoir un regard sur la géographie mondiale et puis, en même temps, cette géographie est créée d’une façon un peu différente, et j’espère nouvelle, à l’histoire du XXe siècle. C’est vraiment ce sens de dimension qui me semble donner un intérêt plus général à son histoire par ailleurs particulière.
CM : Vous êtes vous-même un grand voyageur. Est-ce que vous vous reconnaissez un peu en Paul ?
PS : Quelqu’un qui me connaît un peu m’a fait plaisir en me disant que je ressemble au portrait de Paul sur la couverture du livre. J’étais étonné, je ne me serais pas reconnu dans la couverture qui est basée sur une photo de ce personnage. Il est vrai que, en ce qui concerne le désir de voyager, voire même la curiosité de voyager, je pense que c’est une qualité. De ce point de vue-là, ça me plaît évidemment de lui ressembler. Pour autant, j’ai une vie extrêmement rangée : je suis marié, j’ai un fils qui est adulte, je vis depuis 30 ans dans le 10e arrondissement de Paris, etc. Mais j’aime beaucoup voyager. Je n’ai pas fait de voyages pour ce livre, mais pour ce qui concerne certains lieux (la Russie ou les Açores), j’ai trouvé intéressant de comparer mes impressions très subjectives avec ce qui transparaît dans ses lettres et de pouvoir mesurer la différence plusieurs décennies plus tard, donc il y a là une densité presque unique.
CM : La différence est tout de même que Paul avait l’air un peu perdu dans sa vie finalement.
PS : Je pense qu’il était perdu oui. L’un des attraits qu’a présenté le personnage pour moi, c’est qu’il était vraiment impénétrable et je pense que quelque part il garde un peu son mystère. J’ai vraiment beaucoup de sympathie pour lui. J’avais peur, en écrivant ce livre, qu’il me soit antipathique, mais c’est tout l’inverse. C’est agréable d’avoir un lien positif avec son personnage, ça m’aide à garder l’envie d’écrire. C’est un moteur pour écrire.
CM : Vous êtes passionné par le Brésil. La première fois que vous vous y êtes rendu, c’était en 1992. Qu’est-ce qui vous y a amené ?
PS : J’aime beaucoup le Brésil. J’y suis allée avant d’avoir été au Portugal, avant même d’avoir visité les États-Unis. Cela a été mon premier grand voyage. Mais je dirais que je suis surtout attiré par la lusophonie, principalement la langue, que j’aime beaucoup. Je suis aussi frappé par toutes les différences de ces pays qui ont eu un contact avec le Portugal, qui ont été colonisés. Malgré toute la violence, ils ont su garder quelque chose que j’aurais du mal à définir, mais qui les relie au-delà de la langue, et que je trouve extrêmement touchant, extrêmement enrichissant. J’aime les pays de langue portugaise, quels qu’ils soient.
CM : Pourtant, vous n’avez aucun lien avec le Portugal initialement.
PS : Non, mais je trouve que découvrir cette culture est un vrai cadeau que j’ai eu. C’est difficile de ne pas être exalté. C’est une culture qui me plaît, dont je ne connais pas toutes les facettes et tout ne m’intéresse peut-être pas, mais je me sens accueilli. On s’y sent un peu chez soi.
CM : Vous avez eu la chance d’interviewer le réalisateur Manoel de Oliveira, qui était un grand réalisateur portugais. C’était à quelle occasion ?
PS : Rétrospectivement, je me dis que c’était une formidable chance. Il avait déjà plus de 100 ans. C’était à l’occasion d’un projet avec les éditions Chandeigne, avec qui je travaille depuis plusieurs années déjà. En discutant avec eux, est venu le projet de créer un livre autour du film Aniki Bóbó, le premier film qui a eu un véritable succès. L’édition du livre sur ce film s’est faite en collaboration avec Anne Lima. Pour cela, nous avons eu la possibilité d’aller le rencontrer à Porto. J’ai passé deux après-midi avec lui et nous avons dîné un soir avec sa femme. Il était vraiment très âgé, mais il était d’une clarté absolue. Pour ma génération, c’est émouvant de pouvoir discuter avec lui : j’ai parlé avec quelqu’un qui a tourné en noir et blanc, qui a tourné un film muet, etc. C’était quelqu’un qui incarnait toute l’histoire du cinéma.
CM : C’est avec les éditions Chandeigne que vous avez déjà publié 4 ouvrages, dont L’homme en mouvement est le quatrième. Qu’aimez-vous autant dans cette maison d’édition ?
PS : J’ai l’impression que nous avons un vrai lien. Anne Lima, l’éditrice, est portugaise, née au Portugal, ce qui ajoute du lien avec ce que j’aime. Au-delà de ça, j’aime beaucoup l’idée de la continuité dans le travail : nous avons fait le premier livre, Rio, que je n’ai pas signé, j’ai juste collaboré en écrivant une préface. J’aime bien l’idée de travailler toujours ensemble. Nous construisons au fur et à mesure.
CM : Pour terminer, est-ce que vous avez des projets en cours, des nouveaux livres qui arrivent ?
PS : J’ai un projet en gestion, que j’espère voir aboutir.
CM : On a déjà hâte de voir ce que ça va être. Merci beaucoup Patrick !
Nous vous invitons à vous procurer L’Homme en mouvement, disponible partout. Consultez également le site de Chandeigne et Lima pour suivre les prochaines rencontres.
Interview réalisée par Julie Carvalho,