
Matias Damasio em França!
5 mai 2025
Eleições Legislativas 2025 nas Comunidades Portuguesas
6 mai 2025Flora Santo est journaliste et nail-artist franco-portugaise. Le 15 mars dernier, elle a publié le tout premier numéro de son magazine, Vuyazi. Ce dernier traite d’un thème peu commun : l’amitié. A l’occasion de cette publication, elle organise une soirée de lancement avec table ronde et DJ set le 8 mai prochain au Point Ephémère. Elle nous a offert une interview exclusive pour nous en parler.
Cap Magellan : Bonjour Flora, j’espère que tu vas bien. Aujourd’hui, nous sommes là pour parler de Vuyazi, ton nouveau magazine dont la première édition est sortie le 15 mars dernier au Portugal. Tu as organisé une soirée de lancement à Lisbonne. Comment c’était ?
Flora Santo : Franchement, c’était trop cool. Nous avons rassemblé beaucoup de monde. Il y a vraiment toute une communauté qui a adhéré au projet dès le début. Cela me fait chaud au cœur. Le projet est vraiment né à Lisbonne, il est basé à Lisbonne, donc 90% des personnes qui ont participé à cette première édition sont des Lisboètes. C’était aussi logique que cette première soirée de lancement attire beaucoup de monde.
CM : Le premier numéro s’appelle Platonic et il parle de l’amitié. Pourquoi ce thème ?
Flora Santo : Le sujet de l’amitié m’a toujours beaucoup parlé, à titre personnel. Il m’a toujours beaucoup fait réfléchir parce qu’il a toujours eu une très grande place dans ma vie. Ces dernières années, il y a un peu une réflexion qui s’est créée autour du rôle politique de l’amitié, un peu en réaction aux réflexions, selon moi, très ancrées dans le contexte post-MeToo sur le couple, notamment sur les relations hétérosexuelles. Il y a pas mal de personnes qui commencent à remettre en question ces injonctions au couple et à suivre le modèle traditionnel de la famille. Le sujet de l’amitié suit assez naturellement. Personnellement, j’en suis venue à me demander pourquoi on laisse peu de place aux amitiés, notamment au fil des années. Souvent, les amis perdent peu à peu leur place. Pourquoi l’amitié est moins valorisée aux yeux de la société alors que ce sont des relations souvent très bénéfiques et épanouissantes ?
Je pense que c’est important et nécessaire de donner plus de place à l’amitié et de mettre le sujet un peu au centre de la table, tout en questionnant les hauts et les bas qu’il peut y avoir au sein même de ce thème-là. Pour ce premier numéro, je voulais donc faire un dossier sur ce sujet-là. Un dossier, cela permet d’aborder le sujet sous plusieurs angles : l’angle artistique, photographique, avec des illustrations, des poèmes, des essais, une table ronde que j’ai retranscrite, etc.
Après la sortie de ce premier numéro, j’avais imaginé commencer à organiser une série d’événements sur le thème de l’amitié pour prolonger cette réflexion.
CM : L’ensemble du magazine est en anglais et portugais. Pourquoi as-tu voulu mettre ces deux langues et pourquoi pas le français aussi ?
Flora Santo : On m’a beaucoup posé cette question. Le portugais, c’était évident parce que c’est un magazine portugais qui cherche à mettre en avant les créatifs et les créatives du Portugal. Au début, j’avais prévu de ne le faire qu’en portugais. En faisant un peu mûrir ma réflexion, je me suis rendue compte que ce qui pouvait donner du poids à ce projet, c’était de l’exporter à l’international. Je pense que c’est important au sein même du Portugal de donner une plateforme aux créatifs et aux créatives, aux artistes, de valoriser leur travail et notamment de donner une place à ceux qui ont moins de place dans les canaux un peu plus grand public du pays. Ce qui est aussi intéressant, c’est de montrer à l’étranger ce qui se passe au Portugal dans les communautés créatives parce qu’à l’étranger il n’y a pas trop cette idée du Portugal. On ne le voit pas trop comme un pays où il pourrait y avoir une communauté créative un peu avant-garde, des artistes vraiment intéressants. Je pense que la vision du Portugal aujourd’hui est plutôt celle d’un pays très attractif au niveau touristique et au niveau de l’expatriation, pour y prendre sa retraite. Ce n’est pas un pays qu’on voit un peu à l’avant-garde des questions culturelles et créatives, alors que moi qui habite à Lisbonne et qui suis dans ces milieux-là, j’ai toujours été impressionnée de voir à quel point il y a des gens intéressants qui font des choses innovantes, qui font des choses belles, qui ont des choses à dire. Je voulais leur donner la parole et leur donner une plateforme afin que les gens à l’étranger les découvrent, d’où l’anglais. L’anglais est la langue parlée par tous les autres pays.
Le français, selon moi, ça n’avait pas de sens parce qu’au final, c’est un projet qui n’a aucun lien avec la France si ce n’est moi qui suis franco-portugaise. Mais c’est mon lien à moi. Le magazine, lui, est portugais.
CM : Ce premier numéro fait quasiment 200 pages et il regroupe un grand nombre d’artistes. Comment les as-tu rencontrés, choisis, sélectionnés ?
Flora Santo : Il y en avait une bonne partie que je connaissais déjà par les rencontres que j’ai faites dans ma vie personnelle, mais aussi dans ma vie professionnelle, parce que, via le journalisme, j’ai travaillé pendant trois ans pour un magazine français qui s’appelle Trax Magazine, qui a fermé. Je couvrais la scène de la fête à Lisbonne et la scène culturelle émergente, donc j’ai fait des rencontres par ce biais-là, mais aussi via le nail art, puisque je suis nail artiste à temps partiel. J’ai travaillé à Lisbonne sur des projets mode, des shootings, des éditos, etc. Cela m’a vite permis de rencontrer un peu la communauté créative artistique de Lisbonne au fil des années. En réalité, Lisbonne et le Portugal, c’est tout petit. Tout le monde se connaît dans cette communauté. Il y avait donc une bonne partie que je connaissais déjà et que j’ai contactée initialement. Ensuite, ces personnes-là m’ont à leur tour mise en contact avec des gens de leur entourage. Cela a pris très vite. Très rapidement, j’avais vraiment pas mal de gens dans mes DM qui m’écrivaient pour me dire qu’ils étaient intéressés de participer, y compris des gens dont je connaissais le travail, des gens que j’admirais un peu de loin, que je n’avais même pas contactés, en me disant que c’était trop prématuré pour contacter ces gens-là.
Je pense qu’il y a une bonne partie de ces gens-là avec qui je vais continuer à travailler, je vais continuer à inclure leur travail dans Vuyazi. Mais l’idée, c’est aussi d’en découvrir d’autres, de montrer le travail d’autres personnes. Il y a encore plein de gens que j’ai en tête avec qui je n’ai pas encore travaillé donc ça va venir. J’aimerais bien aussi découvrir des gens qui sont moins connus, qui ont encore moins de visibilité, qui sont un peu plus dans l’ombre.
CM : Comment as-tu eu l’idée de créer ton propre magazine ?
Flora Santo : Je pense que la réflexion s’est construite dans ma tête petit à petit. Je pense qu’à peu près tous les journalistes aimeraient avoir leur propre magazine. Il y a dans un coin de notre tête ce rêve d’avoir un magazine qui serait 100% curaté, créé par nous, par rapport à notre vision des choses. Après, tout le monde ne le fait pas. Il y a la réalité financière qui fait que ce n’est pas un projet facile à assumer.
Comme je disais, je travaillais pour Trax Magazine et après le magazine a malheureusement fermé. Après, j’ai fait du freelance. Donc, j’ai écrit pour différents médias à droite, à gauche, qui, fermaient un peu tous les uns après les autres. C’est triste mais la presse culturelle ne va pas très bien, donc c’était un peu décourageant. En même temps je me suis dit que j’avais un peu plus de temps libre donc c’était le moment c’est le moment de créer mon propre magazine. C’est un risque mais je voulais vraiment miser sur ce projet parce que j’y crois. Petit à petit l’idée s’est affinée jusqu’à ce que cela devienne concret. C’est beaucoup de travail, ce n’est pas facile et je pense que ce n’est pas fait pour tout le monde, mais c’est vraiment dingue !
CM : L’idée est de sortir un numéro tous les combien à peu près ?
Flora Santo : Je pense un numéro par an. J’aimerais bien commencer à travailler sur le deuxième numéro dans pas longtemps, peut-être le sortir à la fin de l’année. Pour le moment je ne m’impose pas trop de contraintes concernant la périodicité. Ce ne sera jamais plus que deux par an, c’est vraiment un magazine que je vois comme quelque chose qui est éloigné de l’actualité, qui n’a pas besoin de sortir souvent, qui est fait pour être consommé lentement. C’est tellement de travail et c’est tellement cher à faire que ce ne serait de toute façon pas possible d’en sortir plus souvent. En tout cas, tant que je travaille sans publicité, cela restera quelque chose qui pourra sortir une ou deux fois par an au maximum.
CM : D’où vient le nom Vuyazi ?
Flora Santo : Le nom est tiré d’un livre de Paulina Chiziane, qui est une écrivaine mozambicaine. Vuyazi est un personnage mythologique que l’on trouve dans un de ses livres, Niketche. C’est un personnage mythologique qui a le surnom de princesse insoumise. Elle refuse de se soumettre aux ordres de son mari et de son père et elle refuse un peu le système patriarcal, elle se rebelle. Du coup, elle devient en fait un symbole de résistance. Au début du magazine, il y a un extrait du livre qui explique le mythe de Vuyazi.
D’ailleurs, la toute première chose que j’ai faite quand je me suis décidée à créer le magazine, c’est de contacter Paulina Chiziane pour avoir son autorisation. Même si c’est un personnage mythologique, donc, a priori, ce n’est pas elle qui a inventé le nom, mais elle l’a popularisé, donc je voulais avoir sa bénédiction. Une fois que je l’ai eu, c’était bon pour commencer.
CM : Où peut-on se procurer le magazine?
Flora Santo : En ligne, sur le site, on envoie partout dans le monde. Sinon, il est dans quelques librairies à Lisbonne et dans quelques librairies à Paris. La liste des distributeurs est également sur le site de Vuyazi Magazine. Il sera aussi en vente le jour de l’événement au Point Ephémère.
CM : Effectivement le 8 mai prochain, tu organises au Point Ephémère une table ronde dont le sujet est « Amitié, soin et luttes dans les diasporas ». Comment est venue l’idée de ce thème ?
Flora Santo : La question des diasporas, de l’immigration et de leurs liens avec l’amitié n’est pas abordée dans le magazine. C’est pour cela que je trouve intéressant d’organiser des événements qui permettent d’aborder d’autres angles de l’amitié qui n’ont pas été abordés dans le magazine.
Lorsque j’ai eu l’idée de l’événement, je savais que je voulais faire une table ronde parce que ce sont des types d’événements que je voulais organiser. Je sais que cela fonctionne bien. En général, à Paris, je vais souvent à ce genre d’événements, notamment dans les milieux féministes et militants, on adore les tables rondes. Je voulais participer à cela et en créer une à mon tour. Je pense que la question de l’amitié dans un contexte de diaspora, de déplacement, d’héritage migratoire, d’appartenance a très peu été abordée parce qu’encore une fois, l’amitié est un sujet un peu nouveau dans les sciences sociales. Il a été peu abordé, peu étudié mais il commence à l’être dans le journalisme donc c’est super enthousiasmant. Il y a tellement de choses à dire, à découvrir et tout le monde a des choses à dire sur l’amitié. Nous sommes absolument tous et toutes concernés par l’amitié. Comme c’est un magazine portugais qui organise une soirée de lancement dans un autre pays, parler de la question des diasporas, je trouvais cela logique. Surtout que, en ce qui concerne la France et le Portugal, les liens d’immigration et d’émigration sont très forts et sont assez historiques.
CM : Après, il y aura un DJ set de Eloïse Cee.
Flora Santo : Oui, exactement. Elle sera en DJ set jusqu’à 22h. Eloïse a vécu au Portugal et elle adore jouer des sons lusophones comme la batida et le baile funk.
CM : Est-ce que l’idée est que pour chaque numéro il y ait plusieurs événements entre Paris et Lisbonne ?
Flora Santo : Oui, je pense que c’est un peu ça l’idée. Je continue à passer quand même pas mal de temps à Paris et cela permet d’être cette porte d’entrée vers l’étranger, vers l’internationalisation de Vuyazi. L’idée est de continuer à faire des événements dans les deux pays. J’aimerais bien en organiser dans d’autres villes, sortir un peu des capitales pour décentraliser. Souvent les projets culturels sont centralisés sur les capitales, c’est un peu dommage. J’aimerais bien, prochainement, organiser des événements à Porto et, peut-être, dans le futur, dans d’autres pays.
CM : Veux-tu rajouter quelque chose avant que je pose ma dernière question ?
Flora Santo : J’ai hâte de voir tout le monde le 8 mai au Point Ephémère. D’ailleurs, il y aura des pasteis de nata de Comme à Lisbonne qui très gentiment nous en offrent un lot. Il faudra arriver tôt !
CM : Pour finir, ma question signature : est-ce que tu aurais un message pour les jeunes lusodescendants ?
Flora Santo : Franchement, je trouve trop cool que vous fassiez vivre les communautés. Je pense que la culture et surtout la langue doivent être conservées. C’est super de donner de la visibilité à nos artistes, à nos créatifs et c’est ce que vous faites.
Il faut donner de la force. Je pense aussi que le Portugal a besoin de gens qui restent. C’est facile à dire, je sais que les conditions de vie là-bas sont plus compliquées, mais il faut aussi viser sur une reconstruction. Les digital nomades, l’expact-création, la gentrification, ça a été compliqué dans pas mal de grandes villes du Portugal, mais je pense que c’est important de conserver aussi la culture.
En tout cas, pour les lusophones de France, vous faites un super travail.
CM : Merci beaucoup Flora ! On se voit le 8 mai au Point Ephémère.
Rendez-vous au Point Ephémère le 8 mai à partir de 18h !
Nous vous invitons à suivre Vuyazi Magazine partout : site, Instagram.
Interview réalisée par Julie Carvalho,
Publié le 06/05/2025.