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11 septembre 2025Ce projet ambitieux, porté par les commissaires Jacques Leenhardt et Gabriela Longman, s’inscrit dans la saison culturelle France-Brésil. L’exposition présente le travail de Jean-Baptiste Debret, en le faisant dialoguer avec celui d’artistes brésiliens contemporains, souvent issus de communautés afro-descendantes ou autochtones, qui revisitent l’œuvre de Debret avec un regard à la fois critique, poétique et politique.
Mais qui était Jean-Baptiste Debret ? Né en 1768, formé dans l’atelier de Jacques-Louis David (qui est aussi son cousin), il mit un temps son talent au service du Premier Empire avant d’embarquer pour le Brésil en 1815. Il y devient peintre officiel de la cour royale portugaise, alors réfugiée à Rio en raison des invasions napoléoniennes. Pendant plus de quinze ans, Debret observe et peint les bouleversements d’un Brésil en pleine mutation, entre vie quotidienne, esclavage, indépendance et constructions politiques. Il participe notamment à la création du premier drapeau national et à la fondation de l’Escola de Belas Artes de Rio.
De retour en France en 1831, Debret publie Voyage pittoresque et historique au Brésil, ouvrage en 3 volumes dans lequel il illustre la vie carioca, véritable sociologie en images du quotidien. Un siècle plus tard, après que son livre a été censuré par la bibliothèque impériale pour avoir montré trop crûment la société esclavagiste, son œuvre est traduite et publiée au Brésil en 1940. Le succès est tel qu’elle est devenue l’iconographie de référence sur cette période.
En 2022, lors des célébrations du bicentenaire de l’indépendance du Brésil, de jeunes artistes se sont penchés sur les représentations de Debret pour se confronter à ces images de leurs ancêtres et de leurs communautés. Ne se reconnaissant pas dans cette archive coloniale, ils s’en emparent pour la déconstruire, la détourner, la carnavaliser, la resymboliser. Ce dialogue entre artistes devient un acte de mémoire et de résistance. Ces nouvelles œuvres contemporaines ne cherchent pas à effacer Debret, bien au contraire, elles cherchent à lui répondre, à compléter son travail de voix longtemps tues dans un récit qui les a marginalisées.
Cette confrontation d’images issues de deux époques produit une exposition profondément stimulante. Le Brésil illustré ne se contente pas de juxtaposer des œuvres, elle les associe les unes aux autres pour provoquer l’interrogation chez le visiteur. L’exposition nous rappelle que l’histoire des images est aussi celle des pouvoirs. En rendant visibles d’autres représentations du passé, du présent et du futur, les artistes contemporains ne font pas seulement œuvre de critique, ils réinventent les archives en y injectant leur propre mémoire, leur colère parfois, et surtout leur créativité.
L’exposition, nourrie des recherches du sociologue Jacques Leenhardt, explore avec justesse ce dialogue entre archive et réappropriation. Elle témoigne d’un Brésil en pleine transformation, où l’art est un outil puissant pour repenser les récits. L’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret montre de quelle manière le travail artistique invente des stratégies pour reconnecter l’histoire de ces communautés au récit national qui les avait occultées.
Hugues Sapin




