Musique : Juin au Portugal Fêtes des Santos Populares et musique pimba
17 juin 2024Associations : Le Festival Village Borrego par l’association Couleurs Brazil
17 juin 2024Le crime du Padre Amaro est sans doute avec Les Maia le texte le plus connu du grand écrivain Eça de Queiroz. Publiée en 1875, cette œuvre a créé la polémique à sa sortie, violemment anticléricale, elle ne laisse aucun doute sur la position de l’auteur envers l’Église.
Écrit en trois versions successives, la dernière en 1880, Le Crime du Padre Amaro présente d’évidentes parentés avec Madame Bovary de Flaubert pour la description du microcosme d’une petite ville de province et avec La Faute de l’abbé Mouret de Zola. Le sujet est, en effet, apparemment le même : la liaison d’un prêtre avec une jeune fille. Mais, chez Queiroz, le Padre Amaro est un séducteur conscient et cynique, incarnation de l’hypocrisie religieuse et sociale de son temps.
Si le texte avait été publié en français aux éditions de la Différence, sa réédition aux éditions Chandeigne nous permet de revenir sur un des plus importants romans réalistes de la littérature portugaise. “Plus souvent que Flaubert, trop enfermé en lui-même ; autant que Balzac, mais avec une économie plus grande ; infiniment plus que le puissant mais pesant Zola, et avec le même bonheur que Dickens, il [Eça de Queiroz] a le secret de faire vivant, comme ces dessinateurs qui attrapent immédiatement la ressemblance.”
C’est dans la petite ville portugaise de Leiria que le Padre Amaro, un jeune prêtre sans scrupules, s’installe pour y prendre la direction de l’Église. Il emménage dans la pension de Madame São Joaneira, où passe leur temps les hommes d’Église de la ville et où vit, également, sa jeune fille : Amélia. Très vite, le Padre Amaro va entreprendre de séduire la jeune Amélia.
Dans le décor halluciné de ce bourg de province que l’auteur décrit avec un réalisme implacable, c’est une tragique histoire d’amour, d’un romantisme désespéré, qui se noue. Mais derrière les drames des sentiments, la descente aux enfers des protagonistes, ce sont aussi la satire sans concession d’une société moribonde et la dénonciation radicale de l’emprise de l’Église sur les âmes qui se jouent.
“À l’intérieur de la cathédrale il était Dieu, mais, à peine sorti sur le parvis, il n’était plus qu’un obscur homme du commun. Un monde sans religion avait réduit le rôle du prêtre à une dérisoire influence sur l’âme des dévotes…”
Le crime du Padre Amaro, Eça de Queiroz, éditions Chandeigne, mai 2024.
Pour aller plus loin dans l’oeuvre d’Eça de Queiroz
Le cousin Bazilio, Eça de Queiroz, traduction de Lucette Petit aux édition Chandeigne
Dandy cynique et libertin, Bazilio Brito, de retour du Brésil, entraîne dans l’adultère sa cousine Luisa, jeune bourgeoise de Lisbonne, pendant la longue absence de son mari. Juliana, acariâtre servante de Luisa, découvre leur liaison et la soumettant à un chantage odieux lui mène alors une vie insupportable. Abandonnée par son amant, acculée par sa servante, soupçonnée par son mari, Luisa meurt. Histoire d’un adultère fatal et sordide et d’un chantage « social », ce roman est une peinture cruelle et drôle de la société de Lisbonne de la fin du XIXe siècle. Comme l’a écrit Claude Michel Cluny, « le génie d’Eça de Queiroz, c’est que sa cruauté fait rire. Le monde qu’il peint, douillet pour les uns, de privations, de gêne, et du commerce des punaises, pour les autres, est terrible de par son irrécusable banalité ».
Marta Serra
17/06/2024
Lien vers no CAPMag