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2 octobre 2025Lors de la Paris Design Week 2025, début septembre, Cap Magellan a rencontré Paula Franco, fondatrice de Luz Editions, à l’exposition Re.MADE IN PORTUGAL naturally, organisée par l’AICEP et scénographiée par Nini Andrade Silva. D’origine franco-portugaise, elle a créé cette marque de pièces uniques et durables, qui mêlent mémoire, tradition et artisanat portugais, dans un véritable dialogue entre les deux cultures.
Cap Magellan : Bonjour Paula, merci d’avoir accepté cette interview. Pourrais-tu nous parler un peu de toi et de ton parcours ?
Paula Franco : Je suis née à Saint-Maur-des-Fossés, en région parisienne, fille de deux immigrés portugais arrivés en France à la fin des années 60. J’ai grandi à La Varenne, un quartier plutôt privilégié, ce qui m’a permis d’être très tôt exposée à des univers différents du mien. Enfant, j’ai découvert le goût du beau en entrant dans de magnifiques maisons : ce fut mon premier contact avec l’esthétique et la beauté à la française. Parallèlement, mes parents ont toujours tenu à préserver notre lien avec le Portugal. À la maison, nous parlions portugais et, chaque été, ma sœur et moi passions deux mois chez nos grands-parents. Cette immersion nous a donné une double culture : d’un côté, la France, moderne et raffinée ; de l’autre, un Portugal plus rural, marqué par la pauvreté et l’héritage de la dictature, mais aussi chaleureux, généreux et authentique. Après mes études, j’ai été recrutée chez L’Oréal dans la parfumerie de luxe, où je suis restée plus de vingt ans. Cette expérience m’a beaucoup apporté : exigence, curiosité et ouverture. Mais tous les dix ans, je ressens le besoin de me remettre en question. À 30 ans, après le crash de 2001, j’ai pris un congé sabbatique pour partir à Lisbonne, ville que je connaissais à peine, car ma famille est originaire de Nazaré. Lisbonne était alors encore très bohème, presque « endormie », avec peu d’opportunités. Beaucoup me disaient que j’étais folle de quitter ma situation en France, mais j’avais besoin de ce vide, de ce décalage, de me mettre en danger. J’ai commencé par partager un appartement pour m’intégrer, puis grâce à la Chambre de commerce luso-française, j’ai trouvé un poste dans une compagnie de croisière, un univers très masculin et éloigné du luxe. Cette expérience fut autant déroutante qu’enrichissante. Au bout d’un an, j’ai refusé de rentrer en France et j’ai accepté un poste chez L’Oréal au Portugal dans le travel retail, où je suis restée douze ans. Puis une nouvelle remise en question est arrivée : vivant près des archives photographiques de Lisbonne, j’ai renoué avec ma passion pour la photo et découvert le travail d’Artur Pastor. Ses clichés, magnifiques et méconnus, reflétaient l’âme du Portugal. J’ai eu envie de les réinterpréter et de créer des objets qui transmettent la culture et la mémoire portugaises. C’est ainsi qu’est née Luz Editions : des photographies transposées sur du textile, accompagnées de mots et de textes courts qui capturent l’essence de la vie portugaise. Par exemple, une photo d’agriculteurs des années 50 est devenue Terra, évoquant à la fois le Portugal rural et l’attachement de mon père à sa terre natale, même après 45 ans en France. Au départ, ce n’était pas un projet mûrement réfléchi, mais un désir instinctif de transmettre. Ce qui me touche particulièrement chez les lusodescendants, c’est ce lien indéfectible avec le pays d’origine, quel que soit l’endroit où nos parents se sont installés. Luz Editions est née pour rappeler cette identité, mais aussi pour partager la richesse et l’âme portugaise avec tous ceux qui viennent découvrir le pays.
CM : Le nom Luz est très symbolique. Que représente-t-il pour toi et pourquoi Luz Editions ?
Paula Franco : Luz évoque d’abord la lumière unique de Lisbonne, ville que j’avais choisie, mais aussi la renaissance et l’espoir, un symbole fort qui s’oppose à l’obscurité. J’aimais sa simplicité, un nom court et facile à retenir. Quant à Editions, il est venu naturellement lorsque j’ai voulu créer une marque ouverte à plusieurs collections et objets différents, au-delà des linges de maison. Cela traduit la diversité et l’ouverture de la marque.
CM : Tes créations naissent souvent de collaborations avec des artisans qui mêlent différents savoir-faire. Quels critères recherches-tu chez tes partenaires ?
Paula Franco : Je pars toujours de l’idée du produit, puis je cherche l’artisan capable de le réaliser. Cela nécessite de bien connaître les traditions et ressources du Portugal. Aujourd’hui, des associations comme Saber Fazer ou Passa Ao Futuro aident à identifier les bons interlocuteurs. Deux points sont essentiels : trouver l’artisan adapté et vérifier qu’il souhaite collaborer, car beaucoup au Portugal choisissent leurs projets selon leur rythme. Cela m’a permis de créer un réseau solide, surtout dans le Nord, mais aussi à Lisbonne. Au-delà de l’artisanat, je collabore avec des illustrateurs, céramistes ou boutiques locales. Par exemple, certaines boutiques ont souhaité des linges exclusifs autour des photographies d’Artur Pastor, comme en Algarve avec Zé e Maria Olhão, pour offrir des pièces uniques et ancrées dans le territoire.
CM : La matière, la durabilité et la provenance sont centrales dans ton travail. Est-ce un engagement essentiel pour Luz Editions ?
Paula Franco : Absolument. Dès le départ, j’ai voulu travailler avec le Portugal, tant pour les savoir-faire que pour les matériaux. Le lin s’impose pour son esthétique et sa dimension écologique : il se marie parfaitement avec les photographies et sa sérigraphie artisanale crée un rendu vintage, tout en étant économe en eau. Je collabore avec un petit atelier de couture, ce qui peut entraîner des ruptures de stock, mais je privilégie une production raisonnée. Pour le Barro Negro, j’ai voulu réinterpréter cette céramique traditionnelle en objets décoratifs et luminaires, apportant une esthétique rétro et contemporaine à la fois, loin de l’ultra-standardisé. Chaque projet est un dialogue : j’apporte une idée, l’artisan son savoir-faire. Parfois il y a des doutes, mais ensemble on avance. C’est ce travail collaboratif qui reflète le pont entre mes deux cultures : la rigueur française et le savoir-faire portugais. Aujourd’hui, l’artisanat portugais s’affirme sur la scène internationale. C’est une évolution remarquable pour un pays longtemps perçu comme « le dernier de l’Europe ».
CM : Quel rêve ou projet aimerais-tu encore concrétiser avec Luz Editions ?
Paula Franco : Mon principal souhait est de continuer à renforcer le pont entre la France et le Portugal. Luz Editions reflète ma double identité et j’aimerais que la marque soit présente en France, au Portugal et dans le monde entier. Ce qui me touche le plus, ce sont les messages de lusodescendants qui se reconnaissent dans mes créations, c’est une fierté immense. Je rêve aussi de collaborations : avec des designers, artisans ou boutiques françaises comme Le Bon Marché ou Merci, pour valoriser le Portugal, et côté portugais, avec des créateurs de renom. Mon plus grand souhait est que Luz Editions voyage tout en incarnant cette identité lusodescendante, ce qui se réalise déjà à travers les commandes venues de pays lointains.
CM : Sur l’idée d’apporter le Portugal ailleurs, as-tu envisagé de collaborer avec des artisans d’autres pays ?
Paula Franco : Jusqu’ici, Luz Editions reste très ancrée dans l’artisanat portugais, mais il est pertinent de collaborer avec d’autres créateurs : une céramiste française, un illustrateur lusodescendant au Canada ou des architectes français pour des projets spécifiques. Parfois, le Portugal n’a pas le savoir-faire nécessaire, comme pour mes bougies avec les essences de Grasse ; chercher ailleurs enrichit simplement notre ADN, sans dénaturer la marque.
CM : Aurais-tu un message pour les jeunes lusodescendants ?
Paula Franco : Embrassez pleinement votre histoire et vos transmissions. Découvrez vos racines, écoutez et racontez ces histoires, et transmettez-les. Préservez le savoir-faire des générations précédentes, car il représente un héritage unique. Parlez portugais à vos enfants, même imparfaitement : c’est un lien direct avec la culture et une richesse inestimable. Soyez fiers de votre identité portugaise et faites-la vivre.
Nous remercions à nouveau Paula d’avoir répondu à nos questions. N’oubliez pas de suivre son travail sur les réseaux sociaux Instagram et LinkedIn et sur le site de Luz Editions.
Interview réalisée par Liliana Tavares Ribeiro et
Antonin André, de Tempestade 2.1
Publié le 29/09/2025




