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11 juillet 2025
Ivandro no Festival do Emigrante: entrevista exclusiva
16 juillet 2025Durant le mois de mai, Lionel Cecilio s’est représenté au théâtre des Gémeaux parisiens dans le cadre du festival Sens. La pièce La Fleur au Fusil est aussi au festival d’Avignon cette année. Pour l’occasion, Lionel nous a offert une interview exclusive.
Cap Magellan : Bonjour Lionel, nous sommes au Théâtre des Gémeaux Parisiens pour la dernière parisienne de son spectacle, La Fleur au Fusil. Comment était cette résidence parisienne ?
Lionel Cecilio : C’est un festival qui s’appelle le Festival Sens, qui s’est donné du 1er au 31 mai. Il y a 11 spectacles seul sur scène qui sont proposés.
Quand on m’a proposé de le faire, j’étais hyper flatté parce qu’il y a une très belle programmation. Il se trouve que je l’ai vécu un peu comme dans un rêve. J’ai eu 4 présentations de La Fleur au Fusil, qui ont été sublimes, avec des salles très pleines, avec un public vraiment très heureux du spectacle. Les gens se levaient, applaudissaient pendant longtemps et de manière assez intense. J’ai vraiment vécu un mois de mai incroyable.
J’avais tout de même un peu peur que cette représentation ne se fasse pas très bien parce que je me disais qu’il faut quand même faire un carton plein. Je voulais mon grand chelem ! Et ça a été sublime, je me régale avec ce spectacle. Je suis très heureux pour lui qu’il rencontre son public. Moi, je joue ce spectacle, je prends du plaisir à le faire, mais maintenant, il existe, je ne peux pas changer grand-chose : nous pouvons toujours retoucher quelques aspects avec mon metteur en scène Jean-Philippe Daguerre, mais cela reste à la marge. Je le vis presque en spectateur désormais, c’est chouette.
CM : Dans ce spectacle, tu bouges beaucoup. Tu joues énormément de personnages : tu passes de la mamie au petits fils, aux soldats. C’est l’histoire d’un petit fils qui ne connaît pas l’histoire de sa grand-mère, qui a vécu durant la dictature et la Révolution des œillets. Pourquoi as-tu souhaité transmettre cette histoire par le théâtre ?
Lionel Cecilio : En réalité, je ne connaissais pas la Révolution des œillets. En tout cas, je ne la connaissais pas comme je la raconte. Je crois que nous sommes nombreux à ne pas bien connaître cette histoire, que ce soit des Français, des Lusodescendants, ou même des Portugais.
Je suis tombé dessus un peu par hasard. J’ai commencé à tirer le fil et cela m’a intrigué. J’ai appelé ma grand-mère et nous avons eu un échange qui ressemble à celui que je retranscris dans le spectacle. Je me suis rendu compte que nous ne nous intéresserons pas beaucoup à nos aïeux. Dans le spectacle, je dis qu’elle n’a pas toujours été Mémé : avant, elle était Céleste. Je crois que nous ne nous demandons pas ce qu’il y avait avant papy, avant mamie. Souvent, nous ne regardons pas les vieilles personnes comme des gens qui ont vécu mais plutôt comme s’ils étaient nés comme ça, dans cet état-là, avec les cheveux blancs, avec les doigts un petit peu courbés par la douleur de l’arthrite. Cela m’a intrigué. Je me suis dit que je voudrais mettre en avant la transmission intergénérationnelle, l’idée de s’intéresser aux aïeux et de s’enrichir à leur contact.
Finalement, j’ai pris un avion et j’ai été passer quatre jours là-bas avec ma grand-mère. Nous avons vécu quatre jours ensemble, sans la famille, sans anniversaire ou baptême, juste elle et moi. Nous discutions à un rythme de personnes âgées, ce qui me convenait très bien. Elle me parlait d’elle, de l’époque, de notre famille, de mes parents, tout ceci dans un autre rapport. C’était hyper enrichissant. Au fur et à mesure, je me disais que c’était à cela que je souhaitais rendre hommage.
Cette histoire est encore aujourd’hui trop impactante et importante, notamment avec l’extrême droite qui gratte à la porte. Je pense qu’il y a une espèce de responsabilité à raconter cette histoire.
Et pourquoi le théâtre ? Je pense qu’il n’y a rien de plus vrai ou de plus intense que quelqu’un sur scène. Tout d’un coup, il n’y a pas la distance du podcast où tu n’as pas l’image. Il n’y a pas la distance de l’écran quand tu es au cinéma. Là, il y a quelqu’un sur scène. La transpiration est vraie, les bafouillages sont vrais, les hurlements aussi. Au théâtre, il y a l’idée de la convention théâtrale qui permet d’aller encore plus loin qu’au cinéma. Il est plus simple de faire croire qu’on est un personnage ou un autre. Cela permet d’aller très loin.
Dans ce spectacle-là, on part au Portugal, on part en Angola, on revient au Portugal, on revient en France, on repart au Portugal, clandestinement, on se fait torturer, on sauve la démocratie. C’est fou !
Pourquoi seul sur scène ? C’est un exercice que j’affectionne particulièrement. J’adore cette liberté, ce contact direct avec le public. J’aime bien l’idée que nous soyons plusieurs au plateau, mais le seul en scène est un exercice qui me fascine. J’adore la mise en danger que cela implique. Pour raconter l’histoire de gens qui ont littéralement risqué leur vie, il fallait que je me mette un peu en danger sur ce spectacle. D’un coup, il n’y avait que moi et tout ça. Je ne me sentais pas légitime. J’avais envie de ça, j’avais envie de cette prise directe, d’aller au bout des choses. Au-delà de cela, c’est tellement intime que je n’avais pas envie de le laisser à d’autres comédiens. J’avais envie d’être dessus, je voulais que ce soit moi.
CM : La référence au film Capitaines d’Avril de Maria de Medeiros m’a sauté aux yeux. Y a-t-il d’autres références artistiques qui t’ont permis de faire des recherches pour écrire cette pièce ?
Lionel Cecilio : Capitaines d’Avril est un film que j’avais vu, que j’aime beaucoup, mais je ne m’y suis jamais replongé pendant la préparation de cette pièce. Je ne voulais pas que mes références soient des œuvres artistiques. J’ai tout étudié dans des archives qu’il est possible de trouver en France, au Portugal, en Angola. C’est énormément l’Angola qui m’a inspiré. Il y a tous les enregistrements. Tous les audios que vous entendez dans le spectacle sont les audios originaux. En fait, je voulais coller au maximum à la réalité. C’est ce qui m’a occupé tout le temps l’esprit pendant tout le temps que j’écrivais. Il fallait que je fictionne pour vous embarquer. Il faut une histoire d’amour, une histoire de fratrie, un personnage plus fragile, un autre plus fort. C’est obligatoire. Ce sont les piliers de dramaturgie par lesquels il faut passer pour embarquer le spectateur. Une fois que j’avais cela, il fallait que ce soit hyper réaliste. Il fallait que tout soit vrai. Les noms des personnages sont les vrais.
Je m’étais dit que je ne pouvais pas m’inspirer d’œuvres fictives parce que je ne sais pas ce qu’il y a dedans. Comme c’est une histoire que je ne connaissais pas assez, il fallait d’abord que je sois imbattable. J’ai travaillé comme un historien, comme un archiviste. Une fois que j’avais tout ça, je me suis dit que c’est un puzzle avec lequel faire une histoire. En revanche, je sais qu’il y a beaucoup d’œuvres fictives qui ont été faites autour de ce sujet-là que je suis allé grignoter et dévorer après.
CM : Il y a beaucoup de passages en portugais dans la pièce. Tu n’as pas peur de perdre les Français ?
Lionel Cecilio : Plus maintenant. En fait, quand je suis arrivé chez mon metteur en scène, Jean-Philippe Daguerre, qui n’est pas du tout portugais, il m’a tout de suite dit qu’il fallait le faire. Lorsque je lui ai montré la pièce, je lui ai dit que je voulais que ça soit très authentique : j’ai mis des passages en portugais et, quand j’écris, j’ai beaucoup d’images, j’imagine des choses, j’ai imaginé que nous pouvions surtitrer. Il m’a dit qu’il ne fallait pas le faire, qu’il fallait que les gens restent dedans en immersion totale. Il m’a demandé de retourner écrire pour faire en sorte que les passages en portugais soient compréhensibles avec les mots d’avant ou d’après, pour que n’importe quel spectateur comprenne avec le contexte.
Au moment de jouer, étrangement j’ai un public de plus en plus moitié-moitié. Nous sommes peut-être deux tiers de Français et un tiers de franco-portugais. Même si beaucoup de Portugais viennent nous voir, nous avons des gens qui viennent au théâtre voir une histoire et je pourrais raconter l’Iran, ce serait pareil.
J’ai déjà joué dans des films, dans des téléfilms, mais sur une scène, c’est la première fois que je joue en portugais. Le faire dans un spectacle qui est universel, qui n’est pas destiné uniquement à la communauté portugaise, qui touche des Français au cœur aussi bien que des Portugais, je trouve cela fantastique.
CM : A la fin, tu vends un livre qui est une partie du spectacle, mais avec beaucoup plus de détails. Pourquoi ?
Lionel Cecilio : Quand j’ai écrit, je m’étais tellement documenté avec cette crainte de ne pas assez coller à la vérité qu’à la fin j’avais un spectacle qui aurait pu durer 3h40 sur une scène. Mon metteur en scène m’a dit que ce n’était pas possible, surtout seul sur scène. Il m’a aussi dit qu’il faut que cela soit digeste. Je ne suis pas historien mais comédien, mon rôle est de raconter une histoire pour embarquer le spectateur et transmettre des émotions, en plus de leur apprendre des choses. Je suis retourné en écriture et nous sommes arrivés à 1h15 de spectacle.
Chaque fois que je coupais, cela me faisait mal au cœur. Chaque passage me semblait important et parlant pour les spectateurs. J’étais très investi, c’est un travail très intime et personnel. Un jeu à commencer à naître entre Jean-Philippe et moi. Parfois je le raconte sur scène lors du salut : dès qu’il me disait de couper, il m’envoyait balader en me disant que je mettrais ces passages dans mon livre. C’est devenu sérieux, je gardais toujours la version originale telle quelle. Finalement, je l’ai publié. C’est la même construction que le spectacle, mais certaines scènes sont plus longues.
CM : L’année dernière, tu étais à Avignon. Cet été, tu y retournes. Quelles sont les dates ? Où est-ce qu’on peut te retrouver ?
Lionel Cecilio : J’ai la chance d’être accompagné par de très belles équipes. Je vais jouer dans un des théâtres les plus courus d’Avignon : Les Gémeaux-Avignon. J’ai la grande fierté de savoir que mes producteurs me font suffisamment confiance et font suffisamment confiance à ce spectacle pour m’avoir fait doubler de jauge : j’ai démarré l’an dernier dans une salle de 100 places, qui a été complète du début à la fin, et cette année, nous faisons le pari d’aller dans une salle de 200 places, tous les jours, dans un festival d’Avignon où il y a 1 600 spectacles et où les gens ont le choix d’aller voir ce qu’ils veulent. Pour un comédien seul, c’est une vraie aventure, mais autour de moi, tout le monde y croit et les quatre dates que nous venons de faire à Paris nous prouvent que le spectacle a rencontré son public.
CM : Pour la suite, l’objectif est de continuer à faire vivre la pièce ou es-tu en écriture d’un nouveau spectacle ?
Lionel Cecilio : Dans ma tête et un petit peu dans mon ordi, je suis en écriture d’une nouvelle pièce. Je n’en parle absolument pas et je trouve que c’est beaucoup trop tôt. En revanche, je sais qu’après Avignon, nous allons mettre La fleur au fusil sur des rails. Nous allons avoir une programmation régulière parisienne. Là, je suis encore dans les débuts, mais à un moment donné nous allons le mettre sur les rails et moi, à ce moment-là, je vais avoir besoin dans ma tête de m’évader un peu ailleurs et d’aller écrire autre chose.
Donc oui, je suis en train d’écrire un spectacle dont je ne parle pas encore mais qui commence un peu à m’habiter. Je trouve ça intéressant parce que souvent c’est compliqué d’écrire celui d’après. En tout cas, sur mon précédent spectacle, j’avais rencontré un très beau succès et j’ai mis beaucoup de temps à écrire celui-ci parce que j’étais un peu sclérosé. J’avais peur que les gens soient déçus, qu’ils se disent que c’était un coup de bol. Puis celui-là a presque encore plus de succès que le précédent. Je me dis que maintenant j’ai peut-être mis la barre haute et comme je le disais tout à l’heure, je travaille avec un metteur en scène extrêmement talentueux que j’admire beaucoup. Si je lui fais lire et qu’il n’aime pas, je vais être meurtri. C’est un peu plus délicat. C’est drôle parce que je crois que la rencontre avec le public, le succès, quand il y en a un, il sclérose un peu plus que l’échec.
CM : Merci Lionel ! Tu nous tiendras au courant pour ce prochain et pour les prochaines dates de La Fleur au Fusil.
Prenez vos places pour La Fleur au Fusil à Avignon (jusqu’au 26 juillet) sur le site du théâtre.
Nous vous invitons à suivre Lionel Cecilio sur ses réseaux sociaux : Instagram, Facebook.
Interview réalisée par Julie Carvalho,
Publié le 12/07/2025.




