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9 novembre 2021Ana Isabel Freitas : Identité, mémoire et tradition
9 novembre 2021À l’heure où l’extrême-droite semble proliférer dans tous les pays européens et où le sujet de l’immigration est remis au cœur des débats, la littérature se doit d’agir en contre-pouvoir. Alors que le racisme et les discours xénophobes étendent leurs poussières des abysses jusque dans nos librairies, les grands esprits élèvent leur voix pour rétablir l’Histoire et les causes trop souvent oubliées de l’immigration : la colonisation.
C’est le cas de l’auteure Isabela Figueiredo avec son roman Carnet de mémoires coloniales publié par les éditions Chandeigne en septembre dernier. Dans ce récit biographique, elle revient sur son enfance à Maputo (anciennement Lourenço Marques) en abordant, à travers une figure paternelle machiste et raciste, la réalité de la colonisation au Mozambique à la fin des années 70. Fille d’un père électricien et d’une mère au foyer, Isabela vient d’un milieu modeste, les parents s’étant exilés pour échapper à la rudesse de leur vie au Portugal. L’écrivaine, rapatriée en 1974, revient ici sur des années de « suprématie blanche » qu’elle a côtoyée de très près.
« Un livre était une terre de justice. […] Les livres pouvaient contenir du sordide, de la méchanceté, de la misère extrême mais à un certain moment, surgissait une forme de rédemption. »
Au-delà de la dénonciation brute des conditions du peuple mozambicain à ce moment-là, l’auteure dit aussi l’injustice, l’illégitimité et la violence d’un tel système. Elle raconte la fillette qu’elle était et qui cherchait à nommer son identité. Car bien que Portugaise – et par conséquent fille de colon – c’est au Mozambique que la jeune Isabela se sent appartenir, la seule terre qu’elle connaisse.
Ce qu’il convient alors de pointer, et que l’auteure illustre à merveille, c’est la marginalité de cette identité. La mise en avant des décalages dans la construction identitaire sont comme un leitmotiv dans ce texte extrêmement fort et bouleversant. Isabela Figueiredo expose une identité explosée, plurielle, éparpillée dans l’espace, le temps et l’imaginaire qui résonne en tous ceux qui ont connu les joies – et parfois les tristesses – d’avoir une double-culture car « qui n’a pas eu à laisser quelque part les multiples passions de son cœur ? »
La thématique du livre, l’approche inédite du colonialisme et l’écriture crue d’Isabela Figueiredo font de Carnet de mémoires coloniales un livre coup de poing, qui brise les tabous. Porté par une traduction parfaitement juste et grave du portugais par Myriam Benarroch et Nathalie Meyroune, ce récit est l’Histoire de tous les expatriés, des persécutés et des oubliés. Un devoir de mémoire crucial.
Carnet de mémoires coloniales, Isabela Figueiredo, Chandeigne, 2021.
Marta SERRA
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