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1 septembre 2021À l’occasion de la sortie de son nouvel ouvrage le 10 septembre 2021, Rien ne vaut ce jour, nous avons eu l’occasion de rencontrer l’auteur Jean Marc Benedetti pour évoquer son rapport à la langue portugaise et à l’écriture.
Rien ne vaut ce jour qui est votre quatrième ouvrage publié par les Éditions Passiflore sortira le 10 septembre prochain ; pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Premièrement, le choix du titre, Rien ne vaut ce jour, signifie que chaque jour est important, celui qu’on vit et celui que l’on va vivre demain. C’est une façon d’engager la réflexion sur le fait qu’il faut vivre quoi qu’il arrive, qu’il n’y a qu’une seule vie. Ensuite, le livre s’est construit peu à peu autour d’histoires courtes, de réflexions, de choses qui me sont apparu dans la vie, dans mes voyages. Ce n’est pas une réflexion sur le bonheur mais plutôt l’idée que de toute chose, même mauvaise au départ, on peut tirer de la joie. Pas dans le sens de la résilience, qui est beaucoup employé aujourd’hui, mais plutôt et seulement dans le sens de la contemplation du monde.
Dans ce recueil de petites histoires, trois d’entres elles sont en rapport avec le Portugal, quel est votre lien avec pays ?
Ce pays j’y ai vécu six ans car j’y ai travaillé comme responsable de la coopération éducative entre la France et le Portugal, de 1984 à 1990. C’est un pays que j’ai adoré, particulièrement Lisbonne, où j’ai vécu avec mes enfants et ma femme qui était traductrice de portugais également. Le Portugal était en fait notre deuxième pays et l’est toujours, au fond de notre cœur car je dois le dire sincèrement, c’est le pays où nous avons été le plus heureux en famille.
L’un de vos textes est (malheureusement) en plein dans l’actualité portugaise, et même internationale, puisqu’il fait référence à ce personnage emblématique de la Révolution des Œillets décédé il y a quelques semaines, Otelo de Carvalho : parlez-nous de l’histoire La fadista et le capitaine.
Alors, j’ai eu la chance d’assister à la dernière représentation d’Amalia Rodrigues à Lisbonne qui quelques années auparavant avait été interdite de concert par Otelo de Carvalho, capitaine de la Révolution des Œillets. Donc c’était formidable d’entendre Amalia se produire à nouveau dans son pays. D’autre part, je fréquentais à Lisbonne un lieu tout à fait extraordinaire, assez étonnant et fantastique qui était le Ritz Clube. Un soir, alors que nous étions là avec des amis, la musique et les gens se sont tout à coup figés et je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Puis, les gens se sont mis à applaudir. En fait, un homme venait d’entrer dans la salle et c’était donc Otelo de Carvalho qui faisait des allers-retours entre la prison et la liberté et qui était adoré par les Portugais pour qui il représentait le 25 avril. Ce qui m’a intéressé ici, c’est de mettre en relation Otelo et Amalia, ces deux grandes figures du Portugal, dans un même texte qui rappelait à la fois la fin de la carrière d’Amalia, l’interdiction d’Otelo et puis son arrivée majestueuse.
Vous évoquez souvent la saudade dans ces trois textes qui traitent du Portugal et votre livre en semble empreint, comment définiriez-vous ce sentiment ?
Mon Dieu ! Je sais bien que ce sentiment est indéfinissable. On peut simplement le traduire peut-être par quelque chose comme la nostalgie. Vous savez, j’arrive à un âge où j’ai vécu beaucoup de choses, j’ai vécu dans beaucoup de pays et rencontré nombre de personne et bien que je continue à aimer la vie, à vivre pleinement, je pense que parler du passé et de la nostalgie c’est bien aussi. Se rappeler les bonheurs et les malheurs que l’on a vécus c’est une bonne chose, c’est important. En somme, peut-être que ce livre est empreint de nostalgie mais ce n’est pas une nostalgie triste, c’est seulement et finalement un retour sur soi. Mais en aucun cas dans une idée de dire « c’était mieux avant ».
À la lecture de Rien ne vaut ce jour, on sent, entre autres, une grande affection de votre part pour la langue portugaise, notamment lorsque vous évoquez par exemple les mots « chapéu » ou « borboleta ». Avez-vous déjà songé à écrire un récit entièrement en portugais ?
Non, je dois l’avouer. J’aurais pu en être capable il y a dix ans de ça mais plus maintenant. Ne pratiquant plus la langue, j’ai oublié beaucoup de choses et je ne pourrais plus le faire. Mais peut-être qu’un jour quelqu’un pourra traduire mes livres en portugais. Ça serait un honneur et un bonheur incroyable !
Vous avez déjà été sélectionné pour le Prix Médicis pour votre roman Demain je m’enfuis de l’enfer et pour le Prix Méditerranée avec La fuite d’Italie. Écrit-on différemment lorsque l’on atteint une telle reconnaissance ?
Non, ça ne change rien du tout ! On écrit comme on écrit et on ne s’inquiète pas de ce qu’il y a autour. J’écris pour le bonheur d’écrire, pour la beauté des mots et de la musique. J’écris pour soumettre mes expériences à la phrase, à la langue. Donc je travaille beaucoup mes phrases en me demandant « Est-ce que ça, ça dit ce que j’ai envie de dire ? Ce que je suis ? » Quand on est dans l’écriture, on ne pense plus au monde qui nous entoure ; on est devant son ordinateur et on passe dix heures sur trois phrases pour être sûr d’obtenir ce que l’on a réellement voulu dire. Donc les prix, je n’y pense pas à vrai dire.
Une des histoires de Rien ne vaut ce jour s’appelle Despedida, donc pour terminer notre entretien, je vous laisse dire quelques mots en portugais à nos lecteurs.
Eu queria dizer que Portugal ficará sempre no meu coração porque eu tive uma vida fantástica quando estive em Lisboa e eu só queria um dia voltar de novo para lá. E é possível que nos anos que vêm eu vá viver outra vez para Portugal para encontrar de novo as pessoas que eu amo, a música que eu adoro em Alfama e os pequenos lugares que me procuram muita alegria. Um abraço !
Marta SERRA