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16 mai 2025Cap Magellan est allé à la rencontre de Marcia de Carvalho, fondatrice de l’association Chaussettes Orphelines devenue Chaussettes Solidaires.
Marcia de Carvalho est styliste et créatrice de mode franco-brésilienne, diplômée en stylisme de mode à Paris, aux ateliers Fleuri Delaporte. Elle a travaillé pour des maisons de couture prestigieuses comme Popy Moreni, Chloé, Paule Ka, Torrente ou Azzaro à la création de collections féminines en maille.
Fondatrice de l’association Chaussettes Orphelines devenue Chaussettes Solidaires, elle a d’ailleurs gagné le Grand Prix de la Création de la Ville de Paris en 2008 pour l’une de vos créations. En 2017, Marcia de Carvalho reçoit l’Insigne de Chevalier de l’Ordre National du Mérite pour son travail en tant que styliste engagée pour les actions qu’elle a mené en faveur de la solidarité.
Aujourd’hui, Marcia de Carvalho est à la tête de l’atelier boutique Chaussettes Orphelines, où sont vendus des chaussettes, des vêtements et des accessoires tricotés en fil de chaussettes recyclées ; le tout étant 100% made in France.
Cap Magellan : Bonjour, Marcia de Carvalho. Vous avez fondé Chaussettes Orphelines en 2008. Qu’est-ce qui a motivé votre projet ?
Marcia de Carvalho : Je pense qu’il y a plusieurs choses qui m’ont motivées. D’une part l’ADN familial : je viens d’une famille où mon père était très avant-gardiste, il recyclait déjà beaucoup de choses dans les années 1970. Petit à petit, je l’ai vu créer plein de machines pour recycler et donner une deuxième vie aux choses. De son côté, ma mère était entrepreneuse et était surtout dans la maille.
À ce mixte, je peux ajouter qu’avoir fait des études de sociologie et avoir toujours souhaité voir une société plus juste m’ont poussé sur cette voie. L’un de mes grands déclics a surtout été quand j’ai été invitée au Grand Prix de la création de la ville de Paris et que j’ai choisi comme projet de développer une collection avec des chaussettes.
CM : Quelles sont les origines de l’association Chaussettes Orphelines ?
Marcia de Carvalho : L’histoire des chaussettes est née en rangeant les tiroirs de mes enfants et en voyant ces petites chaussettes que tout le monde connaît. À l’époque, j’étais donc styliste et je cherchais une idée innovante pour participer au Grand Prix de la création de la ville de Paris auquel j’avais été sélectionnée. J’ai donc choisi de créer une collection à partir de ces chaussettes.
CM : Désormais, quels sont les objectifs autour de votre projet, autour de ces chaussettes ?
Marcia de Carvalho : Il s’agit d’un projet assez global composé de trois piliers.
Le premier pilier se base sur la sensibilisation à la réduction des déchets grâce aux collectes de chaussettes. Nous savons bien qu’en termes de comportement, il faut tout le temps se remobiliser parce-que c’est facile de se démobiliser. Avoir plusieurs collectes pousse les gens à trier leurs chaussettes et à penser leur traitement des autres déchets. Ainsi, nous espérons faire circuler l’idée que grâce au tri certains objets peuvent être recyclés ou même réparés.
Le deuxième pilier s’appuie sur l’insertion qui se fait de deux façons. D’un côté, par le tri qui est effectué par des personnes en insertion sociale, ce qui leur permet de travailler en faisant les tri par couleur et par qualité. D’un autre côté, nous avons une formation qui s’appelle « mode d’emploi recyclé ». Les gens viennent y apprendre à réparer les vêtements, les chaussettes, mais aussi toutes sortes de vêtements pour allonger la durée de vie de ces textiles et pour que nous consommions moins, tout en faisant durer plus longtemps ce que nous avons déjà.
Enfin, le troisième pilier est celui de la transformation. L’objectif est de transformer toutes les chaussettes en fil et créer, avec ces fils, de nouveaux produits issus d’une fabrication locale avec les fils recyclés.
CM : Face à des marques de fast fashion, comme Shein, vous positionnez-vous comme une alternative ?
Marcia de Carvalho : Certainement, je pense que déjà toutes les marques qui, plutôt que d’inciter à la consommation, incitent à ne consommer que quand nous en avons besoin et de façon responsable, sont à un pôle opposé.
Chez nous, il n’y a pas de surproduction, nous avons des productions très raisonnables. Nous produisons en fonction de ce que nous pensons vendre. Il n’y a pas de gaspillage ou de surstock. Puis notre production est locale, il n’y a pas de transport aérien par exemple.
Shein est vraiment le pire des exemples que nous pouvons donner, c’est vraiment terrible. C’est vraiment une atteinte à la vie et à la biodiversité.
CM : Comment pouvons-nous encourager les gens à s’intéresser à l’upcycling ou à se désintéresser de la fast fashion ?
Marcia de Carvalho : Je pense que la chose la plus difficile est que nous aimons consommer. L’être humain aime les nouvelles choses, c’est naturel. Depuis l’apparition du prêt-à-porter dans les années 1960, nous nous sommes habitués à consommer. Au fil du temps, c’est devenu de pire en pire car les produits sont accessibles, il est très facile de consommer des produits très peu chers.
Il faudrait que nous soyons beaucoup plus conscients des impacts que nous avons par exemple quand nous achetons de la seconde main, local, recyclé. Il faudrait penser au non-impact que nous avons en consommant.
Je pense aussi que les lois sur l’anti-fast fashion, qui ont du mal à passer, sont un moyen pour conscientiser. Au Sénat, la loi est en train d’être réduite par rapport à la loi votée à l’Assemblée nationale pour réguler et réglementer la communication massive de ces entreprises qui ont beaucoup de moyens. Elles sont dans tous les foyers, dans les téléphones des plus jeunes. Il s’agit d’une véritable attaque médiatique. Nous devons donc contre-attaquer avec nos moyens même s’ils sont beaucoup moins importants, afin de contribuer à une conscientisation et être heureux de ne pas participer à cette machine de destruction de la nature.
CM : Sur un plan plus concret, quels sont les plus grands défis techniques pour recycler une matière complexe comme la chaussette ?
Marcia de Carvalho : Il y a plusieurs défis. Le premier, c’est la collecte. Après, ce sont toutes les étapes de transformation. Nous avons mis quelques années à mettre tout ceci au point et essayer d’améliorer chaque fois un peu plus notre matière première de façon à ce qu’elle devienne le plus résistante et le plus durable possible.
CM : Comment fait-on pour donner nos chaussettes ?
Marcia de Carvalho : Il faut nous contacter ou aller directement vers notre site. Il y a un lien sur Hello Asso.
Aujourd’hui, nous demandons à tous les gens qui donnent une chaussette de faire un petit don parce que les procédés de transformation ont un coût élevé à cause de la logistique avec toutes les personnes qui travaillent pour faire les tris des chaussettes par exemple. Nous demandons donc aux personnes de faire un don et ensuite ils reçoivent l’adresse où envoyer les chaussettes ou alors ils peuvent venir directement à notre atelier à Paris, au 2 rue des gardes 75018, ou sur les sites chaussettesorphelines.com ou chaussettessolidaires.org.
CM : Le 15 mai prochain, vous proposez des portes-ouvertes pour présenter vos actions, ainsi qu’un atelier de réparation et d’upcycling créatif. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Marcia de Carvalho : Les 15, 16 et 17 mai, de 14 à 18 heures, nous ouvrons notre atelier pour montrer à tous ce que nous faisons et notamment les trois piliers de notre association. Cette démarche existe pour donner la possibilité aux gens de faire leurs premiers pas vers la réparation en utilisant juste du fil et une aiguille pour réparer tous les vêtements, à commencer par les chaussettes, mais aussi les vêtements troués, tachés, que nous souhaitons recycler ou réparer. Pour vous inscrire, il y a un lien sur notre site ou sur Instagram.
CM : Avez-vous des projets à venir ?
Marcia de Carvalho : Nous avons un nouveau projet qui est d’enseigner le tricot à la machine. Il s’agit d’un projet qui va commencer en juin. Les personnes vont pouvoir venir dans notre atelier et s’essayer aux cours des tricots-machines pour pouvoir utiliser notre fil recyclé et créer un petit top ou un châle pour mettre sur les épaules. Nous allons donc pouvoir enseigner à faire ces pièces à tricoter soi-même à la machine.
CM : Quelle est votre plus grande fierté depuis le début de l’aventure chez Chaussettes Orphelines ?
Marcia de Carvalho : J’en ai plusieurs !
Tout d’abord, j’ai été vraiment ravie quand j’ai réussi à faire les fils. Cela me paraissait être quelque chose d’énorme et quand, en 2014, nous avons réussi à mettre cela au point. J’étais très contente parce que cela a permis de donner une autre dimension au projet. Nous avons créé à ce moment-là un modèle qui montre que nous pouvons faire de la mode autrement. C’était déjà une grande fierté.
J’ai une autre grande fierté. A chaque fois qu’il y a une nouvelle session et que nous voyons les personnes de notre formation, qui sont des personnes éloignées de l’emploi, , et qu’à la fin de ces sessions nous pouvons donner les certificats qui permettent à toutes ces personnes de gravir une marche vers l’emploi, c’est un bonheur. C’est notre raison d’être : pouvoir donner aux objets une seconde vie et aux personnes une seconde chance. Ce sont les deux grands moteurs de ma vie.
CM : Vous êtes styliste, créatrice, mais vous êtes aussi chanteuse. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de toutes ces facettes ?
Marcia de Carvalho : Je suis Brésilienne, je suis Française aussi, mais je suis née au Brésil et j’ai appris à jouer de la guitare quand j’avais 6-7 ans. A partir de là, je composais des chansons d’enfants parce que j’étais petite mais j’ai toujours gardé cette passion. Quand j’ai l’occasion, je me produis. Dernièrement, nous avons fait des concerts à l’atelier. L’ambiance était très sympathique parce que c’était assez intimiste, au milieu des machines à coudre avec un petit cocktail brésilien. C’est une activité qui se reproduit de temps en temps. Il s’agit pour moi d’une façon de pouvoir continuer à faire cette activité que j’aime tellement.
CM : A l’occasion de l’année France-Brésil, vous avez lancé, aux côtés de Gabriel Monteiro, la série de rencontres Réenchanter. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce projet ?
Marcia de Carvalho : Réenchanter est le nom de ce projet et l’occasion d’ouvrir l’atelier à la musique, la culture et la circularité.
Nous avons fait des ateliers de réparation dans l’après-midi et après s’en suivait un petit moment de convivialité et un concert. Dernièrement, nous avons reçu d’autres musiciens qui ont fait un cours des rythmes brésiliens suivi d’un concert. L’idée est de continuer ce genre d’activité et de proposer aux entreprises qui souhaitent recevoir ces ateliers d’organiser ce type de moment pour fédérer leurs équipes, de venir chez eux ou de continuer en indépendant chez nous.
CM : Comment peut-on soutenir le projet de Chaussettes Orphelines?
Marcia de Carvalho : Toutes les personnes qui souhaitent soutenir notre projet peuvent faire un don sur chaussettessolidaires.org.
Vous pouvez, si vous avez besoin, acheter nos produits recyclés : des chaussettes, des écharpes, etc. Acheter si vous en avez besoin ou pour faire un petit cadeau. Il est aussi possible d’organiser une collecte en entreprise car elles aiment bien faire ce genre d’action qui fédère les collaborateurs et qui est une façon pour elles de soutenir le projet. Enfin, il y a des animations que nous proposons également.
CM : Merci beaucoup Marcia.
Marcia de Carvalho : Un grand merci de nous avoir donné ce temps de parole et de vous intéresser à notre projet.
Si vous souhaitez faire un don à l’association, rendez-vous sur les sites : Chaussettes Orphelines et Chaussettes Solidaires.
N’hésitez pas non plus à aller suivre l’aventure de Chaussettes Orphelines sur : Instagram et site.
Interview réalisée par Camille Vaz Folia
et Laura Padrão, de Tempestade 2.1.
Publié le 15/05/2025.